Corinne Mrejen (SRI) "Les régies digitales doivent passer d'une logique de volume à une logique de valeur"
Corinne Mrejen (Les Echos-Le Parisien Médias), élue présidente du SRI lundi 18 décembre, voit dans la fin des cookies tiers une opportunité pour ses 25 régies membres de valoriser leurs inventaires
JDN. Vous venez d'être élue présidente du Syndicat des régies internet (SRI) pour un mandat de deux ans. Quelles seront vos principaux chantiers ?
Corinne Mrejen. J'assume cette présidence en tandem avec Olivier Rozental (Altice Media Ads & Connect, ndlr.) dans la continuité du travail qui a été effectué par nos prédécesseurs et dans le respect de la mission du SRI, qui est de représenter ses 25 régies membres et agir pour la reconnaissance de la valeur qu'elles créent. Nos priorités consistent à adresser toutes les dimensions relatives aux transitions en cours dans notre marché : environnementale, technologique et business. Nous devrons traiter à la fois les défis liés aux modèles économiques et sociétaux de notre industrie et les sujets plus opérationnels relatifs à la transformation de nos métiers et pratiques.
Concrètement, cela passera par quelles priorités ?
Cela passera tout d'abord par la transformation de la chaîne technologique, par exemple par la rationalisation des flux programmatiques afin de gagner en valeur et en sobriété. Ensuite, par la capacité de nos membres à tirer parti de la fin des cookies tiers pour mieux commercialiser leurs inventaires, grâce notamment à leurs données first party et à leurs contextes, et ainsi devenir moins dépendants des grandes plateformes technologiques américaines. Nous allons également nous concentrer sur l'essor de nouveaux indicateurs de mesure qui soient à même de valoriser les inventaires des régies, comme le cross média, l'attention et les KPI carbone. Ces indicateurs permettront à la fois au marché de jeter un nouveau regard sur ce que proposent les régies et aux régies d'objectiver leur transformation. Une quatrième illustration concerne le renforcement de l'automatisation des achats multimédias entre les régies et les agences.
Vous avez parmi vos membres des éditeurs de presse et d'information en ligne qui subissent les tensions du marché publicitaire (leurs recettes étaient en baisse de 10% au S1 2023 comparé à S1 2022). Comment les aider à redresser la barre ?
Le display classique était de fait en décroissance au premier semestre mais au global le display a évolué positivement (+2%) tracté par la vidéo (+6%) et l'audio (+35%) avec des propositions de valeur très attractives. Le combat de la transformation est bien celui de tirer le fil en s'appuyant sur ces moteurs de croissance. Une autre opportunité pour les éditeurs est justement la fin des cookies tiers, qui leur permettra de valoriser leurs données first party et leurs contextes tout en tirant parti de leviers de croissance forts comme le retail media où on voit naître de nombreux partenariats entre les régies et les retailers. Au final, le combat pour toutes les régies digitales membres du SRI reste celui de passer d'une logique de volume à une logique de valeur. Nos membres s'engagent sur la qualité de leur offre et sur la responsabilité de leurs entreprises.
Vous annoncez en parallèle le lancement du Sustainable Digital Ad Trust (SDAT). Quelle différence avec le label Digital Ad Trust qui n'a pas fonctionné ?
Le SDAT est un programme qui permettra aux régies de disposer de repères pour graduer et piloter leur transformation en faveur d'une publicité digitale plus responsable, tout en offrant au marché des indicateurs de cette amélioration à la fois pour ce qui est de la maîtrise de la qualité de la diffusion, de l'optimisation de la chaîne de valeur technologique et de la démarche RSE. Le SDAT sera un levier fort de différentiation de nos régies et donnera l'occasion aux annonceurs d'affirmer haut et fort leur choix pour des entreprises qui s'engagent à progresser dans ces domaines relevant de la qualité, de la sobriété, de la responsabilité et de l'efficacité.
Le DAT était un label alors que le SDAT est un programme. Il est vrai que le label DAT a généré une sorte de frustration puisque des régies membres ont considéré que leurs efforts pour l'obtenir ne se sont pas traduits concrètement en une hausse de leur chiffre d'affaires. La vertu du label a été en revanche de contribuer à accélérer la prise de conscience au sujet de l'importance de ces enjeux de transformation, qui exigent du temps. Nous vivons une époque de révolution copernicienne, nous ne pouvons pas tout changer du jour au lendemain en claquant des doigts. Le SDAT est une nouvelle séquence, un programme moins contraignant, ancré dans une démarche de progression collective et de coopétition plus adaptée à notre réalité.