Mesure publicitaire hybride : les trois questions que les annonceurs doivent se poser

Mesure publicitaire hybride : les trois questions que les annonceurs doivent se poser Face à l'annonce de Google de maintenir les cookies tiers, le marché se penche sur la réconciliation entre les méthodes classiques et les outils cookieless

A entendre les experts de la mesure publicitaire, l'annonce de Google de maintenir les cookies tiers représente un mini tremblement de terre pour les annonceurs. Ces derniers vont devoir composer avec une configuration hybride faite de cookies tiers et des solutions cookieless alors que les solutions de mesure sont a priori pour l'instant taillées pour l'un ou l'autre mais pas pour ces deux mondes en même temps.

"Tant qu'il s'agissait de 100% cookies ou 100% cookieless, les annonceurs pouvaient entièrement s'appuyer sur leurs outils classiques, ad server et solutions d'attribution. Mais dans un monde hybride, la situation change radicalement car il faudra tout réconcilier", confirme Margarita Zlatkova, vice-présidente de la commission Nouveaux Environnements Publicitaires et lead du groupe de travail Mesure cookieless de l'Alliance Digitale.

Le talon d'Achille des solutions cookieless a toujours été la mesure : contrairement aux cookies tiers, qui passent partout, les solutions alternatives sont fragmentées et leur efficacité et portée, très variables. Même si elles fonctionnent chacune à leur niveau, leur fragmentation rend la mesure très complexe. Quand elles sont précises et peu coûteuses, comme celles basées sur les ID, elles ne fonctionnent pas partout et souffrent d'un manque d'interopérabilité. Quand elles permettent une vision exhaustive et précise, comme la mesure de l'incrementalité ou les comparaisons des données via des data clean room, elles impliquent des investissements plus importants et ne répondent pas à tous les cas d'usage. Il reste les solutions basées sur des méthodes statistiques, comme les mesures par panel ou le MMM, qui donnent de tendances, mais qui supposent de disposer de grands volumes de données d'historique.

Or, malgré la décision de Google de ne plus supprimer les cookies tiers, les annonceurs devront continuer de s'appuyer sur les solutions cookieless pour deux raisons : les cookies tiers se raréfient sur Chrome, seul navigateur à encore les utiliser et le marché s'attend à ce que cette tendance de baisse d'offre de cookies tiers se renforce si le projet supposé de Google de permettre un opt-out général à partir du navigateur se confirme.

Quel KPI privilégier ?

Alors que les experts préconisent de se servir de tout – cookies tiers et solutions alternatives – selon leur disponibilité et ses propres besoins, quels KPI privilégier et comment les réconcilier ?

"Dans ce monde hybride, grosso modo, 40% des inventaires peuvent être adressés avec les cookies tiers, les 60% restants devant être activés et mesurés avec des solutions cookieless. Cela oblige les marques à repenser les indicateurs clés de performance prioritaires pour leurs campagnes afin qu'ils soient adaptés à ces deux mondes car dans un système hybride il sera nécessaire de pondérer les résultats pour aboutir à un seul résultat", explique Margarita Zlatkova.

Pour l'illustrer, prenons le cas des campagnes de considération et de performance. Avec les cookies tiers, le KPI classique pour une campagne visant à améliorer la considération de la marque est le taux d'arrivée sur site, et pour les objectifs de performance, la vente ou le lead. Dans une logique cookieless ces KPI évoluent. Pour la considération, face à l'impossibilité de mesurer le taux d'arrivée sur site, on commence à se servir plutôt de l'indicateur d'attention et à se contenter de l'analyse de l'évolution du nombre de visites sur site au global. "Pour ce qui est de la performance, en l'absence des cookies tiers, on s'oriente vers la mesure du ROAS global à chaque fois qu'une campagne ou un nouveau levier est activé en s'appuyant sur différentes méthodes comme les études post-test, les mesures de l'incrementalité ou le MMM", précise l'experte. En deux mots, en l'absence des cookies tiers, on étudie les grandes masses.

"Soit l'annonceur sera en mesure de réconcilier ces deux mondes chez lui au sein d'un data layer ou d'une clean room, soit le marché finira par lui proposer une solution clé en mains qui s'occupera pour lui de cette réconciliation", résume-t-elle. "Ce qui est sûr : le marché va devoir s'y pencher très sérieusement et rapidement car ce besoin s'imposera tant que les cookies tiers resteront proches des niveaux actuels", ajoute Margarita Zlatkova.

Quels outils garder ?

Ce qui nous amène à la question suivante : comment les outils de l'annonceur, ad server et solutions historiques d'attribution et contribution, vont-ils évoluer ? Seront-ils capables de proposer un nouveau système de mesure et d'attribution/contribution qui tienne compte à la fois des cookies tiers et du cookieless ?

"Je pense que les ad servers et les outils d'attribution vont s'adapter à cette nouvelle situation. Mais il n'est pas clair à ce stade à quel point Google et les réseaux sociaux les laisseront tout réconcilier : d'un côté les clics, de l'autre les données globales via les intégrations de type Privacy Sandbox ou CAPI", précise l'experte. "Mais une autre question va se poser : dans ce contexte, les marques devront-elles garder GA4, le coupler avec un autre outil ou changer radicalement de solution ? La réponse va varier d'un annonceur à un autre."

A quelle expertise faire appel ?

Face à ce magnifique bazar, les annonceurs devront-ils faire appel à des entreprises de conseil en data marketing ? Et disposent-ils des ressources humaines en mesure de suivre ces travaux et d'opérer ces changements ?

"Cette question devient existentielle pour beaucoup de directions marketing depuis que Google a décidé de ne plus supprimer les cookies tiers. Il leur faudra certainement un accompagnement pour la mise en place de modèles ad hoc à même de faire parler entre eux toutes leurs données, issues de tous les canaux et méthodes, et sortir des indicateurs d'efficacité", explique Margarita Zlatkova. "Seules les très gros annonceurs disposent en interne des data analystes à même de mettre en place ces modèles", conclut-elle.