A quand des champions européens du cookieless ?

A quand des champions européens du cookieless ? Pour décoller, l'adoption des technologies alternatives aux cookies tiers reste encore tributaire d'une plus grande interopérabilité entre les adtech, un sujet au cœur du Forum de l'Alliance Digitale organisé à Paris ce jeudi 5 décembre.

L'adoption par les annonceurs et leurs agences des technologies dites "cookieless" (alternatives aux cookies tiers) pour l'activation et la mesure de campagnes publicitaires sur le web reste timide. Pourtant nombreux sont les spécialistes qui voient dans ces solutions une opportunité de création d'une véritable "souveraineté européenne" au sein du secteur des technologies publicitaires, sujet auquel l'Alliance Digitale consacre une table ronde à l'occasion du Forum du Marketing Digital qu'elle organise ce jeudi 5 décembre à Paris, événement dont le JDN est partenaire.

"La décision de Google de supprimer les cookies tiers sur Chrome ne relève pas uniquement d'un enjeu de protection de la vie privée, mais bien de concurrence. Même si Google a depuis fait marche arrière sur la suppression des cookies tiers dans les délais précédemment annoncés, il entend bien garder sa position dominante. Ce type de décision renforce le pouvoir de ceux qui sont en position de collecter la donnée en première partie, ici Google", rappelle Christelle Aubert Hassouni, enseignant-chercheur et professeure à Paris School of Business. "D'un autre côté, la fin des cookies tiers a suscité la création de couches d'intermédiation supplémentaires qui viennent concurrencer Google, et cela est une bonne nouvelle", poursuit-elle.

Ces alternatives sont censées assumer les nombreuses fonctions jusque-là assurées par les cookies tiers. "Les cookies tiers sont la monnaie commune nécessaire à la gestion de tout le cycle de vie des campagnes publicitaires. Mais alors que leur offre diminue comme peau de chagrin, les solutions alternatives censées les remplacer ne sont toujours pas adoptées : on voit ici et là des tests, mais aucun annonceur ne dispose à ce jour d'un véritable retour d'expérience sur une activation en fil rouge ayant duré plusieurs mois et s'étant appuyée sur ces technologies", déclare Aude Marchand, head of data chez Dentsu France.

Un attentisme confirmé par Laureline Frossard, directrice des affaires publiques et juridiques de l'Union des marques, qui relativise cependant : "Les tests des solutions alternatives se sont accélérés ces derniers mois ne serait-ce que parce que les offres elles aussi se sont développées. Il faut le temps de la prise de conscience", ajoute-t-elle.

De très nombreux facteurs peuvent expliquer ce long délai à une adoption plus franche des solutions cookieless, à commencer par l'attente d'une mise sur le marché généralisée de la Privacy Sandbox, qui en cette fin d'année est toujours suspendue au feu vert de l'autorité de la concurrence britannique. Or, beaucoup d'annonceurs se seraient bien passés des coûts supplémentaires que les solutions cookieless représentent si la Privacy Sandbox avait fait ses preuves. "Cela fait au moins depuis 2020 que nous les accompagnons dans la compréhension des changements engendrés par la perspective de la fin des cookies tiers. Mais implémenter les solutions alternatives, cela coûte cher pour les annonceurs. Ce sont de nouveaux coûts qu'il leur faut pouvoir absorber, en plus de très nombreux frais déjà existants. C'est très lourd. Sans compter que, pour beaucoup d'entre elles, il est nécessaire d'opérer des implémentations techniques", explique Aude Marchand.

Cela met en lumière le fait que, pour gagner du terrain, ces solutions doivent démontrer l'attractivité des performances qu'elles sont à même de générer aux campagnes et dont elles font preuve dans les tests. "Il est fondamental que les annonceurs et les éditeurs puissent accéder aux données générées par leur contenu, y compris en termes d'interaction avec les audiences quand ces dernières se trouvent dans les réseaux sociaux et chez les grandes plateformes. Ce besoin de transparence et d'interopérabilité des outils et des données est au cœur du DMA et c'est la clé pour le développement de ces offres alternatives au sein de l'open web", ajoute Laureline Frossard. "Les pouvoirs publics ont l'air de s'emparer de ces sujets sous l'angle concurrentiel, et c'est essentiel pour que ces technologies cookieless alternatives puissent prendre place", ajoute Christelle Aubert Hassouni.

Malgré l'ampleur de la tâche, nos interlocutrices restent optimistes : tous ces freins importants s'ils retardent l'émergence de nouveaux champions européens ne l'empêchent pas pour autant. "Plusieurs offres se précisent progressivement et se renforcent. Les annonceurs et notamment leurs agences le suivent de près, ne serait-ce que parce que l'open web continuera d'avoir toute sa place dans le mix média des marques : nous sommes déjà à 50% de cookies tiers disponibles et l'open web est toujours là.  La fin des cookies tiers est en ce sens une excellente opportunité pour rendre le marché moins dépendant des plateformes justement", conclut Laureline Frossard.  "Il existe de belles propositions sur le marché qui pourront donner des champions européens, mais pour cela il leur faut l'aide des pouvoirs publics", conclut Aude Marchand.