Retail media : que reste-t-il pour les petits et moyens retailers ?

Retail media : que reste-t-il pour les petits et moyens retailers ? Les marges étant très alléchantes l'activité peut s'avérer intéressante à condition de s'unir ou de s'adosser aux grands carrefours d'audience.

Le gros du gâteau du retail media est partagé entre une poignée d'acteurs en France, à commencer par Amazon, qui en capte les trois quarts, suivi de quelques marketplaces et des services drive des principaux acteurs de la grande distribution. Est-ce à dire que ce levier n'a finalement aucun intérêt pour les e-commerçants ou retailers de taille intermédiaire ? Les experts se montrent divisés.

Même de plus petits budgets captés avec le retail media peuvent s'avérer intéressants, l'important dans ce domaine n'étant pas les recettes mais la marge, explique Lawrence Taylor, CEO de Retail4Brands. "Historiquement, le média digital offre une marge de 25% à 40%. Or, le retail media offre des bénéfices très élevés, de l'ordre de 80%, car les coûts des régies des retailers sont marginaux", résume-t-il. "Sans parler des synergies avec les dispositifs offsite assumés par les annonceurs qui ont des impacts positifs sur les campagnes menées chez les retailers eux-mêmes", ajoute-t-il.

A condition, en revanche, pour les plus petits commerçants, soit de se réunir pour packager ensemble leurs inventaires dans des logiques de régies sectorielles spécialisées, soit de s'appuyer sur des carrefours d'audience, comme Amazon, pour attirer les annonceurs. "L'annonceur ne peut multiplier les campagnes sur un nombre illimité de retailers. Prenez le marché des couches pour bébé en ligne. La distribution se passe grosse modo pour un tiers en direct-to-consumer, un tiers via le drive et un tiers sur Amazon. L'annonceur va par conséquent communiquer chez Amazon, chez E. Leclerc (qui capte 46% du drive, ndlr), chez Carrefour (soit 13% du drive, ndlr) et sans doute encore chez Intermarché. Pas sûr en revanche qu'il aille également chez les autres acteurs de la grande distribution", illustre Lawrence Taylor.

En deux mots, c'est bien l'impact que le retailer génère en ventes chez l'annonceur le vrai arbitre. "En France, sur le format des liens sponsorisés, en-dehors d'Amazon ou d'un Cdiscount, seules les marketplaces pertinentes et puissantes comme Fnac Darty ou LeroyMerlin peuvent réussir à grignoter des parts de marché à Amazon", analyse Frédéric Clément, cofondateur de Mimbi. "Les recettes d'Amazon Ads viennent majoritairement de la mid et long tail d'annonceurs qui vendent sur la marketplace alors que les gros retailers français attirent surtout les grandes marques. La profondeur de marché n'est donc pas la même", poursuit-il avant de conclure : "En dehors du search, les acteurs de la grande distribution ont leur carte à jouer dans le drive mais à deux conditions : d'agréger leurs audiences et de capitaliser sur leurs assets en points de vente physique."

Un analyse qui fait écho à celle de Guillem Bodin, partner chez Converteo, qui pousse plus loin : "La vraie question pour les e-retailers est justement celle de ne pas dépendre que du search, dont l'inventaire est limité par nature, et de savoir s'ouvrir à d'autres formats plus haut de funnel qui impliquent des efforts créatifs et technologiques pour toucher d'autres inventaires, notamment offsite." Pour les acteurs intermédiaires, l'analyste reste cependant circonspect : "Les régies qui génèrent vraiment du chiffre avec le retail media se comptent sur les doigts d'une main en France. Les autres ne sortent pas des montants conséquents – ce sont des goûtes d'eau. Pour les acteurs se situant au-delà du top 30, l'externalisation du retail media me semble être la meilleure alternative pour bénéficier d'une capacité de monétisation sans investissement important, soit de quoi bénéficier malgré tout d'une marge généreuse et d'un revenu incrémental."

"Retail Ad Service", l'offre d'Amazon Ads pour le moment en bêta aux Etats-Unis dévoilée le 9 janvier au CES de Las Vegas, pourra-t-elle faire la différence pour les plus petits e-commerçants ? En proposant aux retailers une technologie pour la monétisation de leurs propres sites et applications, Amazon leur ouvre grand la porte vers ses propres annonceurs qui peuvent facilement dupliquer leurs campagnes sur Amazon chez les retailers partenaires. "Pour les retailers de taille intermédiaire qui ne sont pas en concurrence frontale avec Amazon, ce type de solution peut s'avérer une bonne réponse à explorer pour développer des revenus de retail media intéressants", conclut Lawrence Taylor.

Enfin, Maïté Dailleau, partner chez Oliver Wyman, rappelle que le retail media reste une option très attractive pour bon nombre d'annonceurs, le format est par conséquent bel et bien appelé à continuer de croître. "Certes ce n'est pas un marché simple à approcher, mais il y a encore de l'espace pour structurer des offres à l'attention d'annonceurs qui n'ont pas vraiment encore investi en retail media. Il faut en revanche se différencier soit par le coût, soit par la simplicité d'utilisation de la plateforme ou bien par sa cible, par exemple des annonceurs plus petits et locaux", conclut-elle.