Pourquoi l'achat de la pub en CTV relève (encore) du parcours du combattant

Pourquoi l'achat de la pub en CTV relève (encore) du parcours du combattant Inventaires fragmentés, incompatibilité des créas, mesure parcellaire… Derrière le buzz de la Télé connectée (CTV), la réalité est complexe, comme en témoignent deux expertes de Weborama.

Le marché de la CTV se développe à grands pas, c'est un fait : "On constate une arrivée massive d'inventaires en CTV cette année : pour les annonceurs qui font beaucoup de branding et de télévision, la CTV commence à devenir un indispensable pour toucher les audiences que l'on ne trouve pas en linéaire", déclare Margarita Zlatkova, head of programmatic advertising & data EMEA chez Weborama, trading desk data au service des agences médias.

Bien qu'enthousiastes de ce nouveau canal, et fortes d'une dizaine de campagnes réalisées ces derniers mois pour le compte d'agences qui leur sous-traitent la tâche, le constat de nos interlocutrices est que derrière le buzz de la CTV, la réalité s'avère plus complexe qu'il n'y paraît : inventaires dispersés, incompatibilité de créas, mesure parcellaire...

Inventaires dispersés

Contrairement à ce qui se fait couramment sur l'open web, il n'existe pas de plateforme réunissant les inventaires CTV des plateformes et des chaînes. Non seulement le trader doit passer par différentes DSP (trois a minima) pour acheter les inventaires mais il doit aussi contacter, une à une, chaque chaîne et service pour connaître les tarifs, négocier des deals et monter son plan. "Pour s'assurer de disposer des meilleurs inventaires il nous faut parfois contacter une dizaine d'acteurs différents, chacun son deal, chacun son prix", explique Margarita Zlatkova.

Des prix qui eux aussi varient fortement : de 7 euros jusqu'à 40 euros du CPM. "L'annonceur veut un pack avec une proposition d'inventaires et un prix, un point c'est tout. Or, vu qu'il est impossible pour nous de savoir à l'avance chez qui on va acheter le mieux, comment dans ce cas établir un prix moyen pour l'annonceur ?", poursuit-elle. "Les acheteurs médias ont besoin de parcours qui leur soit facilités, via idéalement des packages multiplateformes, et des prix harmonisés pour qu'ils soient sensiblement les mêmes." Clin d'œil ici notamment à Netflix et Disney+, dont les inventaires sont réputés beaucoup plus chers que la moyenne. Clin d'œil également au coût de la data, jugé trop élevé un peu partout.

Créas peu compatibles

La CTV étant un environnement digital et le contenu étant consommé à la demande, les annonceurs s'attendent à offrir à leurs cibles une expérience avec le même degré d'interactivité que sur le web. Mais en réalité cet environnement ne favorise pas l'interactivité, ne serait-ce que parce qu'on ne clique pas sur sa TV. De plus, les animations qui pourraient permettre de sortir une créa du lot se heurtent aux barrières techniques des environnements de diffusion. "L'insertion des publicités côté serveur (SSAI) nous complexifie la tâche pour proposer des créas un peu plus disruptives et interactives car la CTV regroupe à elle toute seule plusieurs environnement technologiques et techniques différents", explique Camille Bablet, head of media chez Weborama France. Proposer autre chose que des QR codes dans les créas devient vite un travail de titan. Les processus de validation sont eux aussi très longs : "La validation ARPP, c'est aussi un coût supplémentaire dont il faut tenir compte."

Mesure parcellaire

En outre, la fragmentation des canaux d'accès aux différents inventaires CTV rend la mesure chaotique, chaque plateforme travaillant avec ses propres critères, chacune délivrant une vision partielle de la vague. Réconcilier toutes ces datas est une gymnastique complexe à appliquer. Sans compter que la CTV est un format vidéo qu'il est difficile aujourd'hui de réconcilier avec les autres modalités de vidéo (instream web, in-app mobile, IPTV, linéaire…).

Un problème majeur induit par cette fragmentation de la mesure est la difficulté à contrôler la pression publicitaire : comment s'assurer de ne pas surexposer les mêmes personnes et d'offrir à sa campagne un maximum de couverture ? "Cette fragmentation a de plus l'effet de rendre le résultat final illisible pour l'annonceur, qui lui a besoin d'avoir une vue consolidée et surtout comprendre l'impact de ces campagnes sur son activité. C'est le propre du digital auquel il a toujours été habitué : lui permettre de mesurer l'impact business de ses activations, même en branding", explique Margarita Zlatkova. Inutile de préciser qu'il est très compliqué de permettre de faire le lien entre une campagne CTV et une visite ou conversion sur le site de l'annonceur. "Il faut pour cela passer par des DSP avec des ID graphs puissants et ils ne sont pas nombreux à pouvoir le faire", regrette-t-elle.