Denise Persson (Snowflake) "Les agences média vont devoir offrir plus de valeur si elles veulent garder leurs clients"

De passage en France pour Cannes Lions, Denise Persson, CMO de Snowflake, explique comment les besoins du marketing à l'ère de l'IA participent à la croissance de l'entreprise, qui ne décélère pas.

JDN. Pourquoi Snowflake se rend à Cannes Lions ?

Denise Persson est la CMO de Snowflake © Snowflake

Denise Persson. Cela fait bien trois ans que nous venons à Cannes. Comme tous nos clients se retrouvent ici, majoritairement américains, c'est un moyen très efficace de les rencontrer au même endroit afin de concrétiser beaucoup de contrats. Cannes, c'est le Davos du marketing et de la publicité. C'est très efficace. Vous pouvez avoir jusqu'à 15 réunions par jour.

Le marketing est un gros secteur pour nous, vu qu'il est devenu data-driven. La data plateform permet aux équipes marketing d'accéder à toutes les données de l'entreprise : financières, produits, commerciales, relatons clients, etc. De quoi disposer d'une vue à 360° des clients sans négliger les nombreux aspects liés à la gouvernance des données, à commencer par la sécurité et la privacy. Les entreprises ont compris qu'elles doivent disposer d'une fondation solide en matière de données, d'autant plus à l'ère de l'intelligence artificielle. Avant même de définir votre stratégie en matière d'IA vous devez préciser votre stratégie data vu que la nourriture de l'IA est la data.

Vous êtes chez Snowflake depuis le lancement de l'entreprise il y a précisément dix ans. Quel est aujourd'hui le chiffre d'affaires de l'entreprise ?

Notre croissance a été explosive dès le départ. Cette année nous projetons d'atteindre 5,4 milliards de dollars de revenus. Nous allons sans doute dépasser notre objectif de croître de 25%. En comparant le premier trimestre de cette année avec le dernier de l'année dernière, nous ne voyons pas de signes de décélération. L'IA est un énorme moteur de croissance pour nous.

Où en est l'activité de Snowflake en Europe et en France ?

L'Europe est le marché le plus important pour nous en dehors des États-Unis, ces derniers générant 70% de nos recettes. En Europe, notre marché le plus dynamique est le Royaume-Uni, suivi de la France, qui occupe une place de choix vu tous les investissements qui se font ici en IA, et enfin l'Allemagne. Mais alors qu'en Allemagne ce sont de très grands groupes qui travaillent avec nous, comme Siemens, en France nous comptons beaucoup de start-up parmi nos clients, en plus des grandes marques (comme Accor ou Etam, ndlr). Ces jeunes entreprises se construisent avec notre infrastructure depuis le départ. Notre activité en Europe croît à la même vitesse que celle observée aux Etats-Unis.

Que pouvez-vous nous dire sur vos annonces dédiées aux équipes marketing ?

Nous venons d'annoncer un partenariat stratégique avec Acxiom afin que les données d'IPG et ses outils de data collaboration et d'identité soient déployés directement dans les environnements Snowflake des marques. La data reste par conséquent chez les marques. Les annonceurs ne veulent plus que les données concernant leurs clients et leurs campagnes soient dispersées. Ils veulent qu'elle restent chez eux. Le marketing a besoin de comprendre les différents parcours des clients de l'entreprise en regardant leurs données en un seul et même lieu, et même pour des raisons de gouvernance et de conformité légale. Si la donnée est partout, elle devient hors de contrôle. D'autre part la promesse de l'ultra personnalisation grâce à l'IA, n'est possible que sur une base data solide. On peut optimiser son marketing mix qu'à condition de disposer des données de toutes ses campagnes au même endroit.

Tous les canaux marketing de nos clients (social, search, etc.) peuvent aboutir chez Snowflake pour que l'analyse des performances soit possible. Aux Etats-Unis 9 parmi les 10 principales régies et plateformes adtech sont même directement intégrées à Snowflake, comme Disney Ad Network ou NBC Ad Network. En France, nous travaillons avec TF1 et Canal+. Enfin de nombreuses marques se servent de nos data clean rooms, comme Netflix, Kantar ou Experian. Sans compter tous les outils de marketing automation qui construisent leurs solutions sur notre infrastructure nativement comme Hitouch, Imagino, Braze, Tealium, Twilio Segment, etc.

Concernant l'IA agentique, quand pensez-vous que les premiers impacts vont s'observer sur le terrain du marketing ?

Je pense que nous verrons des différences sensibles dès l'année prochaine. Aujourd'hui encore les annonceurs doivent gérer quasiment de manière manuelle le set-up de leurs campagnes sur les différents canaux. Demain, il vous suffira de briefer l'agent d'IA pour le faire de manière cross-média. Vous lui direz : je souhaite investir un million de dollars, trouvez-moi le mix media le plus efficace pour promouvoir mes produits. Et il le fera pour vous. Cette révolution rendra l'annonceur bien plus directement en contact avec la data et l'IA. Or aujourd'hui il s'appuie encore fortement sur les agences pour accéder à ces technologies et cela coûte beaucoup d'argent. Les agences vont par conséquent devoir offrir plus de valeur si elles veulent garder leurs clients. C'est pour cette raison qu'on les voit migrer fortement vers des offres technologiques : les grands groupes d'agences médias deviennent des entreprises technologiques.