Marché de l'ePub : les recettes se raréfient pour les acteurs français, les plateformes raflent tout
Les recettes de publicité digitale ont enregistré une hausse de 11% au premier semestre 2025 comparé au premier semestre 2024 pour atteindre 5,9 milliards d'euros, selon le 34e Observatoire de l'ePub du Syndicat des régies internet (SRI), réalisé par le cabinet Oliver Wyman, en partenariat avec l'Udecam et rendu public ce jeudi 10 juillet. Ce dynamisme profite essentiellement aux plateformes. Parmi les acteurs français, seules les chaînes TV tirent (très bien) leur épingle du jeu.

Cette performance est certes moins éclatante que les +18% enregistrés au premier semestre de 2024, une année qualifiée d'exceptionnelle pour la pub en France. Mais elle a lieu dans un contexte économique mondial chamboulé et une économie française qui tourne au ralenti. Pour les auteurs de l'étude, qui tablent sur une année 2025 à +11% également, ce score est en phase avec les prévisions pour le digital sur le long terme, qu'ils qualifient de "très dynamique".
Le social s'impose avec +15%
Mais derrière ces moyennes se cache une réalité très contrastée. D'un côté, les plateformes sociales continuent leur croissance. Avec +15%, elles grignotent encore des parts de marché au search, en hausse, lui , de 9% (retail media compris). Le search demeure le premier levier du marché, mais sa part de marché diminue à 41% (42% un an plus tôt), contre 33% pour le social (qui a gagné 6 points en deux ans) et 18% pour le display. Encore plus illustrative de cette montée en puissance du social est la part du marché du search hors retail media (grosso modo, hors Amazon) : isolée, cette dernière baisse à 33%, à égalité avec le social, ce qui est inédit. A lui seul, le social a capturé 42% de la croissance du marché publicitaire digital en France au premier semestre 2025.

Les éditeurs de l'open web essuient -5%
Or, à l'autre opposé, les éditeurs de presse et magazines de l'open web restent à la traîne, avec des recettes en baisse de 5% au premier semestre comparé à il y a un an. "Nous devons nous réjouir d'un marché qui enregistre 11% de croissance malgré une conjoncture compliquée. Mais ce baromètre confirme que le défi pour les éditeurs de l'open web, que je préfère nommer 'safe gardens', est structurel, la baisse étant encore plus accentuée chaque année", déclare Corinne Mrejen, présidente du SRI. "Les annonceurs apprécient le reach puissant et la facilité offerts par les plateformes. Mais cette approche de court terme de bas de funnel n'a d'avenir que combinée à une stratégie de moyen et long terme privilégiant la construction durable de la marque avec l'accompagnement des éditeurs. Charge à nous, acteurs de l'open web, de rendre notre valeur plus lisible, en construisant des alliances, en proposant de nouveaux formats, y compris en social, en cultivant des champions locaux et en pilotant des innovations qui génèrent de la valeur", ajoute-t-elle.
"Quasiment toute la valeur de ce marché se concentre sur la vidéo et cela s'observe aussi bien en display qu'en social. Tous les acteurs qui n'ont pas un modèle centré sur la vidéo ou sur le search ont de plus en plus du mal à survivre", analyse Maïté Dailleau, partner chez Oliver Wyman. "La même chose s'observe chez les acteurs français du retail media", commente-t-elle.

Des situations très contrastées dans le retail media
La réalité est tout aussi contrastée dans le retail media. Ce levier, en hausse de 12% au premier semestre de l'année, est surtout le miroir des bonnes performances d'Amazon. "Les chiffres que nous montrons pour le retail media ne sont pas tout à fait le reflet du marché du fait de l'impact d'Amazon. En retail media vous avez, d'un côté, Amazon qui croît très vite et très fort, de l'autre un secteur français du retail media bien challengé, avec des régies qui vont mal. Celles qui s'en sortent n'approchent pas le niveau d'Amazon", poursuit l'analyste. On pense ici aux retailers de la grande distribution qui auraient du mal à faire croître leurs revenus.
La prédominance des plateformes s'accentue
Sans surprise, la part des acteurs européens continue de diminuer et ne représente désormais plus que 18% du marché total (contre 20% il y a deux ans). Google, Meta, Amazon, TikTok et les autres ont capté 82% des budgets au premier semestre. "La vitalité du marché publicitaire est entre les mains des annonceurs de la long et mid tail. Ce sont des centaines de milliers, voire des millions de petites et moyennes marques, de commerçants ou de créateurs de contenus qui s'appuient sur les plateformes où il est extrêmement simple de monter une campagne ou de booster la visibilité de ses contenus", résume Jean-Baptiste Rouet, président de la commission digitale de l'Udecam. La cannibalisation du marché par les plateformes accélère même, puisqu'elles captent désormais 90% de la croissance du marché.

Les chaînes TV cartonnent, YouTube perd des parts de marché
Bonne nouvelle, au sein de la catégorie display, les chaînes TV et radio continuent d'afficher des hausses spectaculaires, de +28% au premier semestre, devant les plateformes de streaming vidéo et musical, qui elles ont enregistré des recettes en hausse de 20%. Une bonne performance qui démontre la réussite du lancement de leurs plateformes de streaming mais qui est aussi à mettre en partie sur le compte des transferts des audiences et des budgets de la TV linéaire vers le digital.
Fait remarquable, alors que les plateformes et inventaires digitaux des chaînes TV captent 30% des recettes de display vidéo, soit deux points de plus qu'il y a un an et que les acteurs de la SVOD (Amazon Prime, Disney+, Netflix, etc.) progressent de 121% (10% des recettes), l'AVOD, composée essentiellement de YouTube, perd 5 points et pèse désormais moins de la moitié du display vidéo en France. Un décrochage qui s'observe depuis quelques années. "Il y a un gros décrochage sur l'AVOD. YouTube atteint un peu la limite de son modèle et semble se concentrer sur la longue tail. En tout cas, nous observons que les investissements des grands annonceurs stagnent sur ce levier pour privilégier la SVOD et les plateformes des chaînes TV", conclut Jean-Baptiste Rouet.

La bonne performance des chaînes TV et des plateformes de streaming alimente la croissance du marché du display, qui bien qu'en perte de vitesse, affiche +12% (contre +18% au premier semestre 2024 comparé à l'année précédente). Dans ce contexte, les appareils de TV connecté (CTV) s'imposent désormais comme "le device incontournable" au sein du display vidéo.