ROAS vs POAS : pourquoi vos campagnes "performantes" perdent de l'argent.
Le ROAS mesure le CA mais ignore les coûts réels. Le POAS révèle la vraie rentabilité en intégrant les marges. Un changement de métrique qui demande une transformation dans le pilotage marketing.
Imaginez que vous célébriez un ROAS (Return on Ads Spend) x5 sur votre dernière campagne Google Ads. 500€ investis, 2500€ de chiffre d'affaires généré. C’est parfait !
Sauf que trois mois plus tard, en analysant vos comptes, vous réalisez que cette performance vous a en réalité fait perdre de l'argent.
Cette situation révèle l'une des erreurs les plus coûteuses du marketing digital : confondre performance publicitaire et rentabilité réelle. Car derrière les chiffres flatteurs du ROAS se cache parfois une réalité économique bien différente.
« Half the money I spend on advertising is wasted. The trouble is that I don't know which half. »
— John Wanamaker
Le ROAS : un indicateur trompeur
Le ROAS (Return On Ad Spend) est une bonne base pour commencer à vous rendre compte de la rentabilité de vos campagnes, mais si c'est un indicateur simple et largement utilisé, il ne rend qu'une vision superficielle de la performance.
Il ne prend pas en compte les coûts de revient, logistique, frais de promotion, retours et taxes...
Le ROAS se mesure comme suit :
ROAS = CA généré / dépenses publicitaires
Un ROAS élevé donne parfois l'illusion de rentabilité, mais sans marge suffisante, la campagne peut être déficitaire.
Par exemple, vous avez le cas de produits ayant une faible marge, mais peu coûteux. Cela donne un fort CA, et donc un ROAS élevé, mais comme les marges sont faibles, la campagne peut être trop coûteuse et avoir une rentabilité nulle, voire négative.
Le POAS : votre véritable boussole financière
Afin de connaître votre véritable rentabilité, il est nécessaire de calculer votre POAS (Profit On Ad Spend).
Il vous permettra de répondre à la question : « Est-ce que je gagne vraiment de l'argent ? » ou « Est-ce que je perds mon budget sur des produits peu ou pas profitables ? »
Celui-ci se calcule comme suit :
POAS = marge nette générée / dépenses publicitaires
Il intègre donc dans son calcul le coût réel des biens vendus et donc les notions de logistique, de taxes...
Règle simple :
- Si le POAS > 1, vous êtes profitable
- Si POAS < 1, vous perdez de l'argent
Cette métrique est donc importante, car elle permet de suivre directement les retours des campagnes et des actions marketing, surtout dans le cas de marchés à fortes concurrences (même si le ROAS est faible) et elle permet de choisir les actions à réaliser non sur un volume de trafic ou de ventes, mais bien sur la valeur.
Calculer son POAS
Marge unitaire nette = prix de vente - coût des marchandises vendues - autres coûts (logistique, taxes, stockage & frais tiers).
Marge totale générée = marge unitaire × nombre de conversions.
POAS = marge totale / budget pub
Attention toutefois, le ROAS reste un bon indicateur à suivre et facile à calculer. Mais c'est un indicateur un peu « myope », car il ne permet pas de voir l'ensemble de la rentabilité.
Car le POAS est un proxy du ROI, mais pas son équivalent. Il ne tient pas encore compte des coûts d'une entreprise ou d'un projet. Le ROI, lui, intègre tous les coûts d'investissement, pas seulement ceux liés à la marge produit. Nous resterons sur une réflexion autour du POAS pour la suite, mais la logique reste la même pour aller vers le ROI.
Le tracking : la base de cette métrique
Afin de calculer cette métrique, il est important d'avoir une structure de tracking au point et adaptée au suivi des actions marketing.
Cela passe par l'utilisation d'outils comme :
· Une plateforme Analytics comme GA4, qui sera la base du tracking web et mobile.
· La pose d'un tracking par Server side afin de récupérer une data la plus complète et stable possible.
· La mise en place des conversions par API pour fiabiliser les données
· La connexion à un CRM pour lier les données en ligne et les données offline
Le plus important par la suite est la pose d'un tracking cross device et multi touches.
C'est possible avec GA4 avec le suivi des "reporting identities".
Deux niveaux existent :
- Observed : User ID > Google Signals > Device ID
- Blended : Identique, mais avec modélisation en cas de manque
Ces deux niveaux de suivi permettent de fusionner les parcours utilisateur entre les appareils (desktop, mobile, tablettes, tv...)
Par exemple, un utilisateur voit une pub Google sur mobile (connecté à son compte Google), puis clique plus tard sur son ordinateur. GA4 reconnaît qu'il s'agit de la même personne, et la conversion est bien attribuée aux réseaux ayant participés à la conversion.
Enfin, Google a abandonné depuis 2022 le suivi au 'dernier clic' (last clic), au profit d'un modèle d'attribution basé sur la donnée (ou data driven). Ce modèle utilise un algorithme basé sur la valeur de Shapley, un concept mathématique issu de la théorie des jeux coopératifs, appliqué aux données probabilistes.
Ce modèle data-driven donne du poids à tous les points de contact. Il évite de survaloriser le remarketing. Il met en lumière les canaux haut de tunnel comme le SEO ou les réseaux sociaux.
GA4 "reconstruit" le parcours utilisateur cross-device (via User ID, Google Signals, et la modélisation.)
Le tracking multi-touch data-driven attribue la valeur à chaque point de contact (SEO, Ads, email...).
GTM Server-side + Conversion API sont les briques techniques incontournables pour assurer une donnée de qualité et fiable (avec la raréfaction des données et de la fin progressive des cookies tiers).
Si vous attribuez toute la marge au dernier clic (comme pour du remarketing), cela fausse complètement l'analyse.
Le vrai parcours d’un client est souvent plus complexe :
Vous découvrez via un article, vous visitez via une campagne, vous convertissez via une autre campagne...
Sans le tracking multi-touch, vous attribuez mal la valeur, donc vous attribuez mal la marge, et le POAS devient un indicateur faussé.
Avec GA4 et son modèle data-driven, chaque point de contact est pris en compte : vous ne mesurez plus juste la fin, mais tout ce qui a compté avant.
C'est une première étape vers des approches plus poussées, comme le Marketing Mix Modeling (MMM).
Contrairement aux méthodes classiques qui se contentent de suivre les performances clic par clic ou campagne par campagne, le MMM cherche à répondre à une question plus large et plus utile :
« Quel rôle chaque canal a-t-il vraiment joué dans mes résultats, en tenant compte de tout le contexte autour : saisonnalité, promos, météo, effet de marque... ? »
En clair, ça permet de prendre du recul, de sortir de la vision "micro" du tracking utilisateur, et de piloter vos décisions marketing avec une vue plus globale -- même quand les données sont incomplètes.
L'Automatisation marketing pour un pilotage à la marge
Face à l'augmentation des data, se pose le triple problème suivant :
- Beaucoup de données à traiter
- Savoir prendre les bonnes décisions selon les rapports de données
- Avoir un temps de réaction rapide en cas de changements dans les résultats
Le seul moyen est d'automatiser une partie du traitement des données et des réactions.
Cela peut passer par l'usage des API, notamment celle de Google.
Vous pouvez citer les API suivantes qui permettent de travailler les différents niveaux dans le dispositif :
- Google ads API, pour la gestion des KPI des campagnes
- Search console API, pour le suivi organique du site
- Un système d'analyse en data driven (comme GA4), pour le suivi agrégé des données piloté en data driven
- Big Query (ou une solution cloud de gestion des données) pour le stockage des données et l'ajout des données CRM
Il est possible d'y ajouter les leviers souhaités en plus avec leurs API pour avoir un retour complet des canaux de diffusion et de conversion.
Ce dispositif aura la capacité d'alerter et d'aider à prendre les décisions selon une logique de prise en compte des coûts, pour une rentabilité maximale.
Exemple concret d'automatisation
Prenons un exemple possible à ce type de dispositif : un compte sur Google Ads réalise des campagnes sur une liste de produits tendances mais soumis à de fortes variations de saisonnalité. Un système d'alerting suit le POAS par produit de cette campagne (grâce à GA4 + BigQuery + API Google Ads).
Si le POAS de cette campagne produit passe sous 1 pendant plus de 3 jours consécutifs, alors vous pouvez mettre en place les actions suivantes :
Une alerte est générée via un dashboard ou un email.
La campagne est mise en pause automatiquement via l'API Google Ads, et un signal est envoyé à l'équipe pour analyser les causes (Mauvaise landing page ? Offre non compétitive ? Trafic peu qualifié ?).
Exemple chiffré :
Produit : produits de salles de bains
Prix de vente : 59 €
Marge nette unitaire : 12 €
Coût pub par vente (CPA) : 14 €
ROAS = 59 / 14 = 4,2 → Cela semble excellent à première vue
POAS = 12 / 14 = 0,86 → Mais en réalité, la campagne perd de l'argent à chaque conversion
Plus vous vous approchez de la réalité économique d'une action marketing, plus les données deviennent complexes. Il faut des outils pour les traiter en temps réel, sans perdre la main sur la stratégie.
La création peut (et doit) être pilotée par la performance
Automatiser la collecte et l'analyse des données via les APIs est une première étape, mais encore faut-il utiliser ces données et agir en conséquence.
L'automatisation permet de passer de la question, « Qu'est-ce qu'on pourrait publier ? » à « Quel contenu génère le plus de marge, et comment le diffuser de manière pertinente ? »
Donc, dans un environnement où chaque euro investi doit générer un retour, produire du contenu "au feeling" n'est plus une option. Le contenu doit soutenir la marge, pas le trafic.
Grâce aux retours des données avec un dispositif en place, il est théoriquement possible de connaître des niveaux de détails et de performances en mesure de guider les actions, comme les audiences (acquisition vs rétention), les intentions les plus porteuses, de connaître les offres et produits les plus rentables, voire ceux qui génèrent le plus de ventes croisées...
Par exemple, un produit de chauffage d'intérieur affiche un ROAS de 5,8 en SEA, avec un panier moyen élevé.
Plutôt que de vous arrêter à cette information et/ou de déployer des actions sur tout le catalogue, l'idée est d'identifier les produits les plus rentables (avec le calcul du POAS) et de les soutenir avec du contenu organique ciblé.
De cette manière, il est possible de réduire le coût d'acquisition global, sans toucher à la marge.
Bien sûr, tous les contenus n'ont pas pour vocation à produire une valeur immédiate. Le contenu et les dispositifs en haut de tunnel jouent un rôle important, mais sur une efficacité à long terme.
Choisir la valeur, pas le volume
Adopter le POAS comme métrique de référence provoque un changement de perspective important dans notre approche marketing et remet en question beaucoup de chose. Les priorités changent de même que les critères d’optimisation.
Au lancement d'une campagne, il est normal de se concentrer sur l'acquisition de trafic et les premières conversions. Mais, une fois cette phase passée, il devient essentiel d'identifier ce qui génère réellement du profit. Il faut alors se concentrer sur les produits ou offres les plus rentables plutôt que de maintenir un budget uniforme sur l'ensemble de votre catalogue.
Cette approche vous amène également à repenser votre allocation budgétaire. Plutôt que de maximiser le chiffre d'affaires, il convient de définir un budget qui génère un profit net et mesurable. Cela peut parfois signifier réduire certaines dépenses qui gonflent le CA sans créer de valeur.
Il faut aussi réévaluer certains canaux traditionnellement performants en ROAS, comme le remarketing. En effet, ces audiences peuvent afficher d'excellents retours sans pour autant générer de véritable valeur incrémentale – car elles convertiront peut-être même sans publicité. À l'inverse, des canaux à ROI différé comme le SEO méritent une attention particulière car ils peuvent générer un POAS élevé mais sur le long terme, et même si leurs performances initiales semblent moins importantes.
Cette distinction entre performance digitale et performance économique constitue tout l’enjeu : une campagne peut "marcher" selon les métriques traditionnelles tout en détruisant de la valeur économique.
Conclusion
La nuance entre le ROAS et le POAS est importante.
Le ROAS vous dit si vous vendez.
Le POAS vous dit si vous gagnez de l'argent.