Sven Hagemeier (The Trade Desk) "The Trade Desk ne priorise pas d'autres chemins d'accès, comme OpenPath, au détriment des SSP"
Sven Hagemeier, directeur général du développement de l'inventaire de TTD pour la région EMEA, dément formellement les accusations selon lesquelles la plateforme Kokai désavantage les SSP.
JDN. The Trade Desk est vivement critiqué par certains analystes du fait de classer les SSP en tant que "resellers" dans sa plateforme d'achat Kokai. Selon ces derniers, vous les désavantagez. Que leur répondez-vous ?

Sven Hagemeier. Nous continuons de classer les SSP comme des intermédiaires, conformément aux directives de l'IAB Tech Lab. Les SSP ne sont pas désavantagés par leur statut d'intermédiaires. Je ne confirme par conséquent pas l'information selon laquelle le fait de les classer en tant qu'intermédiaires a une quelconque influence sur nos décisions d'achat. Nous ne priorisons pas d'autres chemins d'accès, comme OpenPath (le programme d'intégration directe de TTD avec une sélection de 'quelques centaines d'éditeurs' dans le monde, sans passer par un SSP, ndlr), au détriment des SSP. Nous continuons de regarder de façon objective, pour chaque impression, le chemin qui offre le meilleur retour à l'annonceur.
Alors pourquoi certains analystes observent une tendance de votre part à déconseiller les SSP ?
Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour optimiser l'achat média programmatique et notamment la supply path (SPO). Kokai offre aux acheteurs des moyens simples pour accéder aux meilleurs chemins amenant du trafic qualitatif et pour mettre en place les deals négociés avec leurs partenaires SSP. Et de fait, nous indiquons que les chemins via les SSP ne sont pas toujours les plus directs, il est vrai. Mais cela ne signifie pas que nous dévaluons leur intérêt.
Les SSP sont des intermédiaires entre les éditeurs et les plateformes d'achat, et cela est précisé par l'IAB Tech Lab. Depuis que nous avons lancé Kokai, il y a plus de deux ans, nous avons ajouté de très nombreuses fonctionnalités pour rendre l'optimisation de l'achat des impressions très granulaire et axée sur la valeur procurée à l'annonceur en temps réel. Pour évaluer la valeur procurée, nos algorithmes se basent sur les données envoyées dans l'opportunité d'enchère et le win rate du chemin proposé.
Avec quels SSP travaillez-vous ? Faites-vous des distinctions entre les différents SSP du marché ?
Nous travaillons avec près d'une centaine de SSP dans le monde. En France, nous achetons de manière significative à travers près de 40 SSP. Ces plateformes continuent d'être d'importantes sources de trafic pour nous, y compris dans le cadre de SP500+, notre place de marché qui réunit les accès vers des dizaines de milliers de destinations digitales dans le monde, dont les principales sources d'inventaire premium mondial pour la télévision connectée, l'audio numérique, le web, les événements sportifs en direct et les médias d'information.
SP500+ est une place de marché d'inventaires très qualitatifs répondant aux objectifs de notoriété et de considération des annonceurs. Or, cette place de marché inclut à la fois le trafic en provenance des SSP et d'OpenPath. La logique reste la même : c'est l'impression apportant le plus de valeur pour l'annonceur qui est sélectionnée, peu importe s'il s'agit d'OpenPath ou de n'importe quel SSP du marché. OpenPath n'a pas d'accès exclusif à ces inventaires.
Confirmez-vous qu'il vous arrive d'opter pour une impression envoyée par un SSP plutôt que par OpenPath ?
Oui je le confirme. OpenPath a tendance à montrer l'impression avec le plus de valeur pour l'annonceur mais cela ne s'observe pas tout le temps. Certaines SSP arrivent à apporter davantage de valeur, par exemple en limitant fortement la duplication et en nous donnant un maximum d'informations pour les décisions d'achat comme la présence de facteurs générant un plus important niveau d'attention. Ce qui compte pour nous n'est pas tant le chemin choisi mais la valeur de l'impression afin que l'annonceur ait sa campagne affichée à la bonne personne au bon moment dans le bon contexte.
OpenPath nous est d'une aide précieuse car il nous permet d'avoir la vue sur la réalité de l'inventaire du publisher : sa disponibilité, ses signaux, son prix. C'est notre source de vérité qui nous sert aussi de base de comparaison avec les offres d'autres SSP pour la même impression. Si la SSP ajoute de la valeur, alors elle gagne.
Car le problème est là : parfois une même impression d'un même éditeur est revendue par 40 SSP différents, certaines sont elles-mêmes des intermédiaires d'autres intermédiaires, s'accaparant plus de 60% de la valeur ! Nous les voyons : des impressions qui arrivent avec des ID qui sont faux et des prix planchers qui varient sensiblement selon le chemin emprunté. Le publisher n'est même pas au courant de ce qui se passe.
Même si OpenPath ne conserve pas l'accès exclusif, dans la pratique, c'est le chemin qui aura tendance à offrir la valeur la plus intéressante pour l'annonceur selon vous. Plus OpenPath se développera, plus TTD élimine le besoin d'intermédiaires, non ?
OpenPath n'emporte pas systématiquement les enchères, même pas la plupart du temps. Les SSP apportent une réelle valeur ajoutée, et nous continuons d'acheter par leur intermédiaire même quand l'éditeur est aussi accessible via OpenPath. Cette évaluation se fait au cas par cas, impression par impression. Il ne s'agit pas d'éliminer les intermédiaires par principe. Notre conviction profonde est que la chaîne d'approvisionnement ne devrait inclure que des acteurs qui génèrent plus de valeur qu'ils n'en prélèvent. Cette chaîne doit être transparente et efficiente. Autrement, l'open web n'obtiendra jamais la part qui lui revient des investissements publicitaires.
Votre activité reste-t-elle dynamique dans les autres cercles de l'open web, au-delà des top 500 publishers ?
Bien sûr. Aujourd'hui des milliers de publishers dans le monde génèrent un trafic d'un très grand intérêt pour les annonceurs sur l'open web. Ce cercle se positionne juste après les top 500 mondiaux. Ceci étant, c'est bien les 100 premiers top publishers qui captent le plus importants montants.
Ce que nous nous efforçons de faire depuis plusieurs années, c'est nous assurer que les opportunités d'enchères attribuées à tous les publishers de qualité nous parviennent avec la bonne data et le bon prix et qu'elles ne sont pas surévaluées du fait d'une déduplication vertigineuse de l'offre à travers une quantité trop importante d'intermédiaires. Par ailleurs tout publisher disposant d'un trafic de qualité dont il est propriétaire peut candidater à OpenPath s'il le souhaite.
Quel est le poids d'OpenPath et des SSP dans votre business aujourd'hui ?
Nous ne sommes pas en mesure de partager le poids d'OpenPath et des SSP dans notre activité. Mais je peux affirmer qu'OpenPath sera toujours un chemin supplémentaire, jamais un chemin exclusif. Par ailleurs, OpenPath, même s'il est de nature à croître et à intégrer plusieurs centaines d'éditeurs, n'a pas vocation à réunir toute l'offre qualitative de l'open web. Et même si c'était le cas, nous n'aurions aucune intention de créer un nouveau walled garden ni de contrôler l'offre, vu que nous n'achèterions jamais uniquement via OpenPath. Nous sommes une plateforme d'achat. Nous n'avons pas la prétention de faire le job des SSP qui reste essentiel pour l'écosystème et notamment pour les publishers avec leurs fonctionnalités de yield management.