Alexis Marcombe et Thibault Hennion (Unlimitail) "Au bout de 20 mois d'activité, Unlimitail est présent dans 15 pays pour 35 clients"
Alexis Marcombe et Thibault Hennion, respectivement CEO et COO d'Unlimitail, la joint-venture de Carrefour et Publicis dans le retail media, dressent leur bilan et commentent l'arrivée de MediaMarktSaturn, leur deuxième plus important client après Carrefour.
JDN. Unlimitail a 20 mois d'activité. Quel bilan dressez-vous ?

Alexis Marcombe. En 20 mois d'activité nous sommes déjà présents dans 15 pays et nous travaillons sur les près de 120 sites de nos 35 clients retailers (parmi lesquels, outre Carrefour, Kingfisher, Rewe, ManoMano, La Redoute ou Rakuten, ndlr). C'est là le vrai grand succès d'Unlimitail.
Quel est le poids de la France dans votre CA et votre taux de croissance ?
Thibault Hennion. La France pèse pour moins de la moitié de notre activité, tout comme Carrefour sur le digital. Cela s'explique par le fait que nous travaillons déjà avec de très gros acteurs en Europe, au Brésil et en Argentine. Si nous avons réussi à accomplir cela, c'est grâce à notre expérience réussie avec Carrefour et notre expertise technologique. Les autres secteurs qui sont bien représentés chez nous sont l'électronique et la beauté-pharmacie.
A. M. Quant à notre taux de croissance, il est de deux à trois fois supérieur au taux de croissance du marché du retail media en Europe (ce dernier étant de 22,2% en 2024, selon l'IAB Europe, ndlr). Aujourd'hui, nous avons un peu plus de 200 marques actives sur notre plateforme en France sur plus de 500 au total.
Etes-vous rentables ?
A. M. Nous nous appliquons à générer une croissance rentable. 200 personnes travaillent chez Unlimitail, dont 100 en France, nous sommes dotés de capacités d'investissement confortables. Nos actionnaires (Carrefour et Publicis, ndlr) sont fortement conscients de notre potentiel et nous soutiennent pleinement.
Vous venez d'annoncer un partenariat avec MediaMarktSaturn sur l'offsite. Dans quelle mesure ce deal est important pour Unlimitail ?
A.M. MediaMarktSaturn est le premier distributeur européen d'électronique grand public avec plus de 1 000 magasins dans 11 pays, l'Allemagne répondant pour un peu moins de 50% de son chiffre d'affaires. C'est une marque emblématique en Allemagne, très bien implantée dans les plus importants pays européens (25% de parts de marché en moyenne), à l'exception de la France. Si nous devions le comparer, c'est un acteur aussi gros que le nouvel ensemble de Valiuz en retail media (référence à la fusion entre Valiuz et Infinity Advertising, ndlr).
T.H. MediaMarktSaturn va devenir le deuxième plus important client d'Unlimitail juste derrière Carrefour et parfois même devant Carrefour, selon le produit considéré. Nous mettrons leurs données (de ticket de caisse, de navigation, de programme de fidélité) à disposition des marques endémiques et non-endémiques pour permettre à ces annonceurs d'aller cibler ces audiences et mesurer l'impact de leurs campagnes sur tous les environnements offsite (réseaux sociaux, open web, DOOH, etc.) et à travers tous les canaux (online et magasin).
Ce deal permet-il à Unlimitail de changer d'échelle ?
A.M. Ce deal nous permet de changer d'échelle en Allemagne, pays qui répond pour un tiers du marché du retail media en Europe, mais il ne modifie pas notre profil de développement.
Vous insistez fortement sur l'importance de votre empreinte internationale. Pourquoi si au final les campagnes de retail media sont davantage de nature locale ?
A. M. Les activations des marques sont certes locales mais les budgets des grands groupes internationaux sont décidés au niveau européen. Cela explique pourquoi il est important que nous ayons cette capacité à les adresser au niveau européen en leur proposant une alternative aux autres grandes plateformes qui leur simplifie la vie. Chez nous, la marque pilote son budget de manière locale dans toutes les destinations qu'elle souhaite activer. Notre empreinte internationale et le fait de travailler à grande échelle nous permet de mutualiser et de maîtriser les coûts technologiques et opérationnels notamment en traitement de données, qui autrement auraient été prohibitifs.
T.H. Quelle que soit la géographie, les retailers se posent tous les mêmes questions sur la structuration du marché européen, sur la manière dont ils doivent adresser les marques, sur la façon dont ils doivent utiliser leurs magasins comme relais médias pour mieux parler à leurs consommateurs ou encore sur la manière d'optimiser leur site, etc. Carrefour se posait exactement les mêmes questions il y a trois ans. Nous disposons d'une expertise et d'un effet d'échelle qui nous permet de beaucoup mieux accompagner nos clients, quel que soit le pays.
Entre partenariat technologique et commercialisation comment s'articulent vos relations avec vos 35 clients ?
A. M. Notre offre est modulaire. Nous fournissons la technologie qui permet de faire du retail media. Nous pouvons également opérer les campagnes commercialisées par le retailer. Troisième cas de figure : le retailer nous confie s'il le souhaite tout ou une partie de la commercialisation de ses campagnes, en plus des volets opérationnel et technologique. Enfin, nous les accompagnons également avec du conseil pour leur permettre de tirer le maximum de valeur de leur retail media en fonction de leur activité et de leurs objectifs.
T.H. Depuis un an environ, nous sommes de plus en plus consultés par des acteurs qui n'ont pas d'activité retail mais disposent de beaucoup de données et s'interrogent sur la manière de les monétiser. Ce sont par exemple des entreprises de livraison ou opérant dans la verticale voyage. C'est une activité naissante mais en plein boom, et une très bonne nouvelle pour le développement des activités de monétisation en Europe.
Amazon capte les trois quarts des budgets des annonceurs en retail media en France et la quasi intégralité de la croissance en 2024. Que reste-t-il pour les autres ?
A. M. Pas grand-chose, s'ils persistent à rester seuls : pour développer leurs activité média, il leur faut impérativement s'allier. En Europe, en tout et pour tout, dix acteurs seraient en mesure de lancer seuls une plateforme de retail media. Prenez le retail media non-alimentaire, un segment fait de prix élevés et d'une fréquence d'achat faible. Ce dernier compte pour 90% du retail media, lui-même dominé à 95% par Amazon. En-dehors d'Amazon, on retrouve un ou deux acteurs par pays qui arrivent à recycler leurs conditions de trade marketing en retail media. Le seul moyen pour eux de faire prospérer leur business publicitaire, c'est de mutualiser leurs efforts en disposant d'une plateforme qui soit extrêmement pointue. Dans ce segment, l'un des seuls acteurs européens à se développer en-dehors d'Amazon est MediaMarktSaturn. Pour ce qui est du retail media alimentaire, où la situation est très différente avec des prix moyens très faibles, une fréquence d'achat extrêmement élevée et le poids du magasin physique très massif, nous avons la conviction que nous devons agréger au maximum tous ces inventaires onsite, offsite et instore pour les marques. Et fournir une vision consolidée de la mesure quel que soit le format de conversion.
Comment analysez-vous la récente annonce de fusion des régies retail media de Valiuz et d'Infinity Advertising sachant qu'ils revendiquent la place de leaders sur l'alimentaire ?
A. M. La part de marché d'un retailer ne préjuge pas de sa part de marché en retail media. Unlimitail dispose de 40% des parts de marché dans le retail media alimentaire en France. Notre construction repose sur un succès, celui de Carrefour, et sur la nécessité pour ce secteur de mutualiser ses moyens afin de se développer.
Carrefour et Coopérative U ont annoncé cet été la création de Concordis, une centrale d'achat commune en Europe, et le projet de s'unir aussi dans le retail media. Quand Coopérative U intégrera-t-il Unlimitail ?
A. M. Comme cela a été annoncé publiquement, Coopérative U va rejoindre Unlimitail une fois que ses engagements contractuels en cours prendront fin. Nous attendons la finalisation de Concordis.
Quelles sont vos priorités désormais ?
A.M. Nous voulons accélérer sur l'in-store pour confirmer le positionnement d'Unlimitail dans l'omnicanalité. Au Brésil, pays qui représente un énorme relais de croissance pour Unlimitail, nous avons lancé une plateforme self-service pour l'activation de campagnes d'affichage in-store (DOOH) avec des fonctionnalités de ciblage, d'insight et de mesure. En France nous déployons le même type de plateforme dans nos magasins de proximité, et bientôt dans nos supermarchés. Nous voulons également renforcer notre profondeur de données dans les pays dans lesquels nous opérons.