Après le vote de confiance : quel impact sur le déficit, les marchés et la croissance française ?
Le rejet du gouvernement Bayrou marque une nouvelle étape dans l'instabilité politique que traverse le pays depuis plus d'un an. Cette situation a déjà des effets visibles sur l'économie, entre projets suspendus, consommation en berne et inquiétude des marchés financiers.
Une économie ralentie par le climat politique
La situation actuelle n'est pas sans précédent. Après la dissolution de juin 2024, l'absence prolongée de Premier ministre avait déjà freiné l'activité. L'Insee a mesuré une baisse de 1,1 % de l'investissement des entreprises au troisième trimestre de la même année. Même une fois un gouvernement nommé, le rebond avait été très limité.
Le contexte se répète aujourd'hui. De nombreuses entreprises ont mis en pause leurs projets. "J'avais prévu d'embaucher deux personnes, mais vu la situation, je ne suis même pas sûre de pouvoir aller au bout du projet", confiait récemment la dirigeante d'une PME industrielle, citée dans Le Figaro. D'autres témoignages vont dans le même sens : climat d'attente, frilosité, décisions suspendues.
La baisse des recrutements est mesurée : l'Apec signalait fin août un recul de 13 % des intentions d'embauche dans les grandes et moyennes entreprises. Et ce avant même l'annonce du vote de confiance.
Les ménages ne sont pas en reste. Leur confiance s'est érodée et leur prudence s'est accentuée. Le taux d'épargne reste très élevé, à 18,9 % du revenu disponible. Conséquence directe : la consommation de biens ne redémarre pas.
L'impact global de cette instabilité a été estimé à 12 milliards d'euros de pertes de PIB par l'OFCE pour l'année 2024. Ce qui représente entre 0,3 et 0,4 point de croissance, selon l'économiste Mathieu Plane, cité par Ouest-France. Et rien n'indique que la séquence actuelle en restera là.
Des finances publiques sous pression
La chute du gouvernement signifie également la fin du projet de réduction du déficit porté par François Bayrou. Ce plan prévoyait 44 milliards d'euros d'économies. Il ne sera pas défendu devant le Parlement. Les projections s'ajustent déjà à la baisse. Selon Allianz Trade, les coupes budgétaires seraient limitées à 20 milliards d'euros, même en conservant certaines mesures prévues, comme la réduction de niches fiscales.
Dans ce nouveau scénario, le déficit atteindrait 5 % du PIB en 2026, contre 4,6 % prévu initialement. Le retour sous les 3 %, exigé par Bruxelles, serait repoussé à 2029.
Les marchés financiers réagissent à cette incertitude prolongée. L'écart entre les taux français et allemands à dix ans s'élargit. Allianz Trade l'estime autour de 80 à 90 points de base. Les investisseurs demandent une prime de risque plus élevée pour prêter à la France.
La situation pourrait encore se tendre si l'agence Fitch confirme une dégradation de la note française. Son verdict est attendu le 12 septembre. En 2024, elle avait déjà abaissé la perspective, signalant un risque futur.
"Si on n'a encore pas de budget dans les temps, cela peut rendre les impacts plus sévères", prévient Christian Parisot, conseiller économique chez Aurel BGC, cité dans Ouest-France. En cas d'impasse parlementaire, le gouvernement devra reconduire le budget 2025 par une loi spéciale, ce qui renforcerait encore l'image d'un blocage politique durable.