L'économie américaine va-t-elle poursuivre son rythme de croisière en 2025 ?
L'économie américaine a crû de 2,7 % en 2024, dépassant les prévisions des économistes et faisant preuve d'une surprenante robustesse, alors que de nombreuses économies, dont celles de la Chine et de l'Union européenne, connaissent une croissance anémique. En outre, l'économie américaine est parvenue à combiner croissance et jugulation de l'inflation, celle-ci s'étant stabilisée à 2,6% en octobre et 2,7% en novembre 2024.
La grande nouveauté pour l'année qui s'ouvre est bien sûr le retour au pouvoir de Donald Trump, qui a placé l'économie au cœur de sa campagne : le candidat républicain a tiré à boulets rouges sur le bilan de Joe Biden en la matière et promis une politique de dérégulations, de baisses d'impôts tous azimutes et d'abondance énergétique susceptible de donner un coup de fouet à la croissance. Si les fondamentaux de l'économie américaine demeurent solides et devraient offrir de bonnes performances quoi qu'il arrive, l'influence des politiques qu'appliquera la nouvelle administration sera non négligeable.
La politique économique de Trump : tarifs douaniers, taxes et dérégulations
C'est l'un des volets phares de la campagne de Donald Trump. Le nouveau président a promis d'instaurer dès les débuts de son mandat une vague de tarifs douaniers sans précédent, promettant des tarifs universels de 10% sur tous les produits importés, 60% sur les produits chinois, et jusqu'à 100% dans certains domaines stratégiques, comme les voitures électriques importées du Mexique. Si Donald Trump assure que les tarifs n'auront aucun impact sur les prix payés par les consommateurs américains, de nombreux économistes s'attendent à ce que les entreprises étrangères augmentent les prix de leurs produits vendus aux États-Unis pour compenser la hausse des droits de douane, entraînant mécaniquement une reprise de l'inflation, une baisse de la consommation et un ralentissement de la croissance.
La promesse de Trump de procéder à "la plus grande vague d'expulsion" de l'histoire contre les immigrés illégaux pourrait également affecter la croissance, surtout si elle se double d'un abaissement de l'immigration légale, comme Trump l'avait fait lors de son premier mandat en s'attaquant aux visas H-1B.
D'autres éléments du programme économique de Donald Trump pourraient au contraire donner un coup de pouce à la croissance. Le nouveau président à promis d'étendre et même d'amplifier les baisses d'impôt sur les particuliers et les entreprises qu'il avait votées lors de son premier mandat. L'impôt sur les sociétés pourrait ainsi passer de 21 à 15% (il était de 35% lorsque Trump est arrivé au pouvoir en 2017). Il a également promis une vague de dérégulations visant à faciliter la création d'entreprises et la croissance de ces dernières.
Au total, l'impact de la politique économique de Trump sur la croissance va dépendre du cocktail de mesures qu'il choisira d'adopter et parviendra à faire voter par le Congrès. "Si le focus est davantage sur les dérégulations et les baisses d'impôts que sur les tarifs et l'immigration, la croissance pourrait être bien meilleure que prévue en 2025", estime ainsi Diane Swonk, économiste en chef chez KPMG US, dans un rapport. "Autrement, les risques sont une inflation plus élevée et une croissance plus faible."
Une équation qui ne dépend pas seulement de la volonté de Trump : si celui-ci bénéficie d'une majorité aux deux chambres du Congrès, il doit également composer avec différentes factions au sein de son camp, qui ont parfois des volontés et intérêts divergents. La frange populiste de la coalition MAGA est par exemple beaucoup plus en attente de tarifs que les cadres républicains traditionnels, pro-business et libre-échangistes. Or, la majorité républicaine demeurant très courte, Trump aura besoin de toutes les voix disponibles pour faire voter ses lois, ce qui l'obligera sans doute à faire des compromis.
La politique énergétique de Trump
Durant sa campagne, le candidat républicain a également promis de mettre en place une politique très favorable aux énergies fossiles, rompant avec les tentatives de l'administration Biden de convertir l'économie américaine aux énergies propres (tout en continuant d'investir massivement dans le fossile). Son second mandat pourrait ainsi être marqué par l'abrogation de lois de protection environnementales ainsi que par des dérégulations visant à faciliter l'octroi de permis pour forer du pétrole et extraire du gaz, en mobilisant par exemple les terres détenues par l'État américain (qui représentent plus d'un quart du territoire et sont surtout concentrées dans l'ouest du pays).
S'il s'agit d'une mauvaise nouvelle pour l'environnement, cette politique pourrait en revanche bénéficier à l'économie américaine, en abaissant les coûts de l'énergie, donc les frais des entreprises et les dépenses des ménages. Cependant, si Washington peut faciliter le travail des géants du gaz et du pétrole en dérégulant et accélérant l'octroi de permis, il ne peut pas pour autant les forcer à forer.
"Ce qui pousse les entreprises à forer ou non dépend entièrement du ratio entre les coûts impliqués et le prix du pétrole, deux facteurs sur lesquels le gouvernement n'a aucun impact. La marge de manœuvre de Trump en la matière est donc assez limitée. Sachant que les États-Unis sont, en outre, déjà le premier producteur mondial ", analyse Safak Yucel, professeur à la Georgetown University's McDonough School of Business, spécialisé dans les questions énergétiques. Si la politique énergétique de Trump devrait donner un coup de pouce à la croissance, il est donc peu probable qu'elle fasse des miracles, et l'impact dépendra au moins autant de facteurs extérieurs (comme le cours du pétrole) que de la politique volontariste de la nouvelle administration.
Le rôle de l'intelligence artificielle
L'intelligence artificielle (IA) générative sera de nouveau à suivre de près en 2025. Les États-Unis, qui abritent l'écrasante majorité des sociétés capables d'entraîner des grands modèles de langage et des géants du cloud dont les serveurs sont nécessaires pour les faire tourner, sont bien partis pour engranger une bonne partie des bénéfices de cette technologie de rupture. 2025 sera peut-être l'année où l'IA générative trouvera un modèle économique viable, alors que le déploiement dans les entreprises au service de cas d'usage précis ne s'est pour l'heure pas fait aussi rapidement qu'espéré au moment de la sortie de ChatGPT.
Donald Trump a sur ce plan là aussi promis une politique favorable aux entreprises et à la bonne marche des affaires. Il a commencé par nommer des personnalités proches de l'industrie à des postes clefs, dont David Sacks comme Tsar de l'IA et des cryptos et Sriram Krishnan comme conseiller à la Maison-Blanche sur l'IA. Les deux hommes sont des investisseurs de la Silicon Valley dotés d'une solide expérience dans l'IA. Si l'on ajoute la position clef d'Elon Musk, partisan d'une IA privée de tous garde-fous, l'administration Trump 2.0 devrait adopter une approche très souple en matière de régulations sur l'IA, ce qui devrait bénéficier à la croissance américaine.
La politique de la Fed et le retour des IPOs
Dernier élément qui jouera un rôle clef dans l'évolution de l'économie américaine en 2025 : la politique de la banque centrale américaine, avec une baisse attendue du taux d'intérêt directeur, qui ravirait les marchés de capitaux et jouerait fortement en faveur d'un retour en force des entrées en bourse (IPOs), en berne depuis 2022 et la hausse drastique des taux d'intérêt mise en œuvre pour juguler l'inflation post-Covid. Timidement amorcée au second semestre 2024, la reprise pourrait se concrétiser cette année si Jerome Powell, le patron de la Fed, poursuit la baisse amorcée en décembre.
La politique de Trump constitue une autre inconnue en la matière. La Fed étant indépendante, le président n'a pas le pouvoir d'influer sur les actions de Jerome Powell, qu'il ne se prive cependant pas de critiquer, répétant régulièrement que les taux d'intérêt sont beaucoup trop hauts. S'il n'a pas la possibilité de remplacer le président de la Fed par un fidèle susceptible d'agir davantage selon sa volonté, Trump peut cependant tenter de lui rendre la vie impossible pour le pousser à la démission.
"Si vous êtes le président de la Fed et que vous subissez constamment des critiques de la part du Président et des élus au Congrès, au bout d'un moment, vous pouvez vous demander si tout cela en vaut la peine, vous dire que le Président a été élu, que vous menez une politique qui n'est pas la sienne et qu'il vaut mieux raccrocher", estime Lawrence J. White, professeur d'économie à la Sterns School of Business de l'Université de New York. Pour l'économiste, les pressions de Trump sur la Fed pourraient avoir pour conséquence un abaissement trop rapide des taux directeurs, susceptibles de relancer l'inflation. Là encore, l'orientation que prendra l'économie américaine en 2025 dépend donc en grande partie des choix de son président, connu pour son imprévisibilité et ses choix impulsifs.