Epargne européenne : Bruxelles veut orienter les capitaux vers l'investissement
L'Union européenne cherche à mobiliser une partie des liquidités détenues par les ménages pour financer son économie.
Une épargne peu mobilisée et fortement exposée à l'étranger
Environ 70 % de l'épargne des ménages européens, soit près de 10 000 milliards d'euros, est actuellement placée sur des supports sécurisés mais faiblement rémunérateurs. Ce capital, largement inactif, est considéré comme un frein potentiel à la croissance, selon la Commission européenne.
Pour Joe Heavey, responsable à l'ESMA, "cette richesse s'érode d'année en année, alors que le manque d'investissement sur les marchés de capitaux est un frein au développement économique de l'Union", cité par Le Figaro.
Chaque année, près de 300 milliards d'euros de cette épargne sont réinvestis hors d'Europe, principalement aux États-Unis. Ce phénomène est accentué par la structure des fonds indiciels mondiaux (ETF), dont 80 % des titres sont américains, contre 10 % asiatiques et 10 % européens.
Des responsables européens alertent sur les conséquences de cette fuite des capitaux. Lors d'un discours à la Sorbonne en avril 2024, Emmanuel Macron a parlé d'" aberration " à propos de cette dépendance aux marchés américains. De son côté, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France, a déclaré qu'il était temps "d'actionner les leviers que nous avons en Europe", toujours cité dans Le Figaro.
Le compte d'épargne et d'investissement : fonctionnement et objectifs
Pour canaliser une partie de cette épargne vers le financement des entreprises européennes, la Commission a présenté un nouveau produit : le compte d'épargne et d'investissement (CEI). Accessible dès 10 euros par mois, ce compte permettrait d'investir dans des actions, des obligations ou des fonds européens, avec des avantages fiscaux définis par chaque pays.
Plusieurs États disposent déjà de dispositifs similaires. En France, le PEA rassemblait 114 milliards d'euros fin 2024 sur 7,3 millions de comptes, selon la Banque de France. En Suède, 3,8 millions de personnes utilisent l'Investment Savings Account (ISK), soit 66 % de la population active, avec un encours de 176 milliards d'euros. Ce produit se distingue par une fiscalité allégée : un prélèvement forfaitaire annuel de 0,9 % sur la valeur moyenne du portefeuille, sans imposition sur les dividendes.
La Commission estime que le CEI pourrait générer jusqu'à 1 200 milliards d'euros d'investissements supplémentaires sur dix ans, selon la commissaire Maria Luís Albuquerque.
Mais plusieurs freins sont identifiés. Pour Éric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, "c'est impossible pour une PME française de se financer sur ce soi-disant marché européen dans de telles conditions", en raison de la fragmentation fiscale et réglementaire des pays membres, citait Le Figaro.