Pierre-José Billotte (EuroCloud France) "L'Etat devrait privilégier les PME et le Cloud dans ses appels d'offres"

Si le marché du SaaS prend son envol, la montée en puissance du IaaS est attendue pour 2012. L'apparition des premiers virus ciblant le Cloud ne remet pas en cause le modèle

JDN Solutions. 2011 sera-t-elle enfin l'année de l'adoption des solutions en mode SaaS et Cloud ?

Pierre-José Billotte. De mon point de vue, le SaaS est une affaire bien engagée. L'activité dans ce domaine n'a pas connu la crise et constitue une composante dynamique du Cloud Computing. Pour ce qui concerne le Cloud et plus particulièrement la demande liée à l'IaaS [ndlr Infrastructure as a service ou Infrastructure vue comme un service], les offres commencent à se mettre en place. Il y a eu un effet d'annonce très fort l'année dernière, et sans doute que beaucoup s'attendaient à voir la demande exploser.

Mais c'est sans compter sur le délai, tout à fait normal, qui existe entre l'annonce d'une offre, sa commercialisation et son adoption par les entreprises. Selon moi, les grandes entreprises vont commencer à basculer vers l'IaaS pour leurs parcs de postes de travail et serveurs en début d'année 2012. Cette année 2011 sera quant à elle davantage focalisée sur l'annonce de nouvelles offres.

Un cheval de Troie s'est récemment attaqué aux utilisateurs d'un service de sécurité en mode Cloud. Craigniez-vous le développement de ce type de menace à l'avenir ?

Vous savez, les trojans s'attaquent à toute l'informatique, qu'elle soit ou non dans le Cloud. Si je prends une analogie avec les casseurs, ils attaquent aussi bien les maisons que les banques. Cela n'a rien d'extraordinaire, et l'on a jamais dit que les plates-formes de Cloud Computing sont plus sécurisées que celles du client final.

"Les chevaux de Troie s'attaquent à toute l'informatique, qu'elle soit ou non dans le Cloud"

Cela ne veut pas dire qu'il n'existe aucune inquiétude sur le sujet, mais que les attaques existeront toujours. Le problème n'est pas là. Ce qui compte le plus pour les clients, c'est de savoir si le bénéfice financier du Cloud comparé à son coût complet est supérieur à celui lié à la conservation d'une infrastructure applicative ou matérielle en interne. Et force est de constater que c'est souvent le cas.

Il faut arrêter de vivre dans un monde utopique où tout serait parfait. Il faut admettre les incidents, et surtout faire en sorte que ceux-ci restent marginaux et durent le moins longtemps possible.

Que pensez-vous de l'appel à projets lancé sur le front du Cloud dans le cadre du grand emprunt ?

Il aurait pu intervenir plus tôt mais le changement de gouvernement associé à une période économique difficile n'a pas arrangé les choses. Aujourd'hui, il y a une vraie interrogation des acteurs IT à propos du grand emprunt et de la capacité de l'Etat à tenir ses engagements. En fait, on se retrouve face à un système assez complexe qui part un peu dans tous les sens.

La procédure d'appel à projets dans le Cloud manque de simplicité, et il aurait fallu avoir un programme d'investissement dans la filière du Cloud. Cela aurait été plus simple pour tout le monde. Le système administratif en place et ses contraintes financières ne facilite pas non plus l'innovation.

"L'amorçage de projets innovants uniquement à hauteur des fonds propres d'une entreprise est incompréhensible"

Il est par exemple incompréhensible qu'un organisme comme Oseo ne puisse financer l'amorçage de projets innovants qu'à hauteur des fonds propres d'une entreprise. Pour exister au niveau mondial en matière de logiciel, il faut que la France favorise le développement des acteurs locaux.

Un acteur du Cloud français aujourd'hui pèse entre 15 à 20 millions d'euros. Or, il faudrait qu'il pèse 10 fois plus pour rivaliser avec ses compétiteurs sur la scène internationale. Pour assurer un développement rapide, l'Etat devrait par exemple privilégier les PME et les applications en mode Cloud dans ses appels d'offres. Nous restons aussi toujours en attente d'un Small Business Act à la française pour les PME, pourtant promis depuis un certain temps.
 

Quelles sont les grandes nouveautés des Trophées de l'EuroCloud cette année ?

L'appel à candidatures pour remporter les Trophées de l'EuroCloud a été lancé. Il y aura quatre catégories de prix qui récompenseront la meilleure start-up, la meilleure solution, et les meilleurs cas client dans les secteurs privé et public. La liste des gagnants sera connue le 15 mars prochain à l'occasion des Etats Généraux de l'EuroCloud.

Il faut savoir que les quatre gagnants participeront ensuite à la finale européenne avec 11 autres pays participants pour remporter les Trophées d'EuroCloud Europe. 48 éditeurs et solutions seront donc en lice. Les gagnants européens seront connus le 18 octobre prochain.

En ce qui concerne l'évènement des Etats Généraux d'EuroCloud France, le programme est plus riche que les années précédentes, et des personnalités européennes seront présentes notamment les présidents d'EuroCloud Allemagne et Grande-Bretagne. Parmi les thèmes abordés, un focus sera fait sur le Cloud Computing dans le secteur de la distribution.

Pierre-José Billotte est président d'EuroCloud France, et dirige le cabinet de conseil en sécurité du SI Sourcia. Il a siégé pendant plusieurs années au comité de l'interconnexion de l'Autorité de Régulation des Télécommunications. Il est aussi membre du conseil d'administration de l'European Telecom Competitive Association. Pierre-José Billotte a créé Revendreducloud.com, une place de marché dédiée au Cloud Computing.