Data visualisation : Power BI prend le pouvoir face à Tableau et Qlik
L'outil de Microsoft tire profit de son intégration à l'écosystème du groupe, d'une tarification agressive et d'une feuille de route claire. Fonctionnalités et ergonomie font le reste.
Egalement qualifiées de BI en self-service, les applications de data visualisation mettent entre les mains des équipes business la possibilité d'explorer les données d'entreprise et d'en tirer des tableaux de bord. Au fil du temps, elles se sont enrichies pour couvrir tout le cycle de vie de la donnée : acquisition, modélisation, nettoyage et visualisation. "Ces outils de BI 2.0 peuvent se connecter à des sources de données très diverses et hétérogènes : SGBDR, données open source ou personnelles… Ils permettent de les réunir au sein d'un même jeu de données, créer des dashboard, et appliquer des filtres", explique Nicolas Dubois, consultant formateur en data intelligence chez Bial-X. "Grâce à leur disponibilité en mode cloud, les organisations partagent les tableaux de bord et collaborent autour." Selon le dernier quadrant magique du Gartner, remontant à février 2020, les technologies de data visualisation, ou d'analyse augmentée comme les qualifient le cabinet d'études, seront omniprésentes d'ici 2022, mais seuls 10% des analystes les utiliseront à leur plein potentiel.
Face à Qlik et Salesforce, qui se positionne sur ce marché depuis le rachat de Tableau en 2019, Microsoft tend à ressortir gagnant avec son offre Power BI. Elle tire profit de son intégration à l'offre et à l'écosystème technologique de l'éditeur américain, mais aussi d'une tarification agressive et d'une feuille de route claire.
Leader du quadrant magique du Gartner juste derrière PowerBI, Tableau est, pour Nicolas Dubois, l'outil d'exploration par excellence. "Il encourage l'utilisateur à tester, à faire et défaire les analyses sans risque pour l'intégrité des données, en le guidant à toutes les étapes. La solution arrive à un bon équilibre entre la liberté et le contrôle, entre l'initiative laissée à l'utilisateur et les suggestions automatiques. L'interface, plaisante voire ludique, propose des repères visuels avec des jeux de couleurs, des infobulles, qui facilitent sa prise en main", précise le consultant.
Tableau : des incertitudes suite au rachat par Salesforce
La société de Seattle tient sa promesse de proposer une plateforme de bout en bout. L'éditeur a, entre autres, lancé Tableau Prep, pour la préparation des data, Tableau Data Management, pour certifier une source de données, ou encore Explain Data pour aider à saisir le sens des données en mode exploration. "Tableau intègre des fonctions d'analyse préprogrammées de cumul, de classement, pour créer des mesures sans avoir à coder", complète Nicolas Dubois. La solution s'étend au storytelling en générant un fil conducteur pour les présentations." Grâce à l'IA, son nouvel environnement de data modeling permet de créer des relations entre les tables et de faire les bonnes jointures aux bons niveaux entre, par exemple, un tableau de bord et un fichier Excel.
Côté points faibles, Nicolas Dubois pointe le placement rigide des objets sur des lignes et des colonnes. "Tableau ne s'appelle pas ainsi pour rien", reconnait-il. Il regrette également l'absence de langage dédié. "Dès que l'on souhaite créer des contenus plus complexes comme des diagrammes de Gant ou des graphiques en cascade, c'est un peu plus compliqué", estime-t-il. La créativité et la feuille de route de Tableau pourraient aussi pâtir de son rachat par Salesforce en 2019. Si ce dernier a affirmé que Tableau conservera son indépendance, le géant du cloud pourrait l'inciter à favoriser uniquement le mode Saas au détriment de sa déclinaison on-premise. En contrepartie, l'éditeur bénéficiera de la couverture géographique de Salesforce et des apports de sa plateforme d'IA (Einstein).
Qlik Sense : la carte de la simplicité
Editée par la société suédoise éponyme, l'application Qlik Sense joue la carte de la simplicité. L'utilisateur peut créer des graphiques et tableaux de bord par glisser-déposer en partant d'une page blanche. L'éditeur s'appuie pour cela sur son moteur associatif et son "Conseiller Analytique" pour assister les néophytes de la BI. "Qlik Sense analyse les données et les métadonnées et fournit une liste complète de tous les champs avec leurs types", explique Kévin Robert, responsable communauté BI & analytics platform France chez Keyrus. L'intelligence artificielle va ensuite proposer différentes présentations : graphiques en barres, camemberts, cartographie. Pour les analyses complexes, il faudra passer par le script et donc la case développement.
"Une simplicité d'utilisation réalisée au détriment de l'efficacité", déplore Nicolas Dubois. "Contrairement à Tableau, il manque une vision sur le sens de la donnée. L'approche est axée sur l'intuition de l'utilisateur. Il n'y a pas d'enchaînement d'étapes à respecter scrupuleusement."
Alors que Tableau a créé la plupart de ses produits, Qlik enrichit sa plateforme par acquisitions, ce qui lui permet de gagner en réactivité. Autres points forts avancés : la vitesse de chargement des données grâce à une base exécutée en mémoire (in-memory), une restitution en responsive design, des règles de sécurité automatiques très fines, sans oublier un outil de suggestion des liaisons entre tables (Data Wizard).
Pour ce qui est des griefs, Nicolas Dubois pointe du doigt une feuille de route et une stratégie marketing complexes à déchiffrer. "L'éditeur incite au passage de QlikView (son produit historique, ndlr) à Qlik Sense. Mais le second va-t-il, à terme, remplacer le premier ?", se demande l'expert. Il déplore aussi une politique tarifaire floue avec des formules Business et Enterprise et des fonctionnalités payantes pour la publication de rapports au format PDF ou Excel.
Power BI : le plus populaire
Quant à Power BI, il a réussi à surclasser en quelques années ses deux concurrents en termes de popularité. Un succès que la solution doit à son intégration à l'écosystème Microsoft. Power BI est l'aboutissement de l'intégration de différents outils de l'éditeur de Redmond : Excel bien sûr, mais aussi Power Pivot pour l'analyse et la modélisation, Power Query pour le requêtage ou encore Power View pour la restitution. "Son interfaçage naturel avec Excel dont il a repris les codes ergonomiques le rend particulièrement populaire auprès des professionnels de la finance", note Kévin Robert. Son prix d'entrée est un autre atout. La version desktop qui intègre une trentaine de connecteurs est gratuite, et les entreprises qui utilisent Microsoft 365 (ex-Office 365) ont accès, de facto, à Power BI.
Autre point fort de Power BI selon Nicolas Dubois : la variété des profils ciblés. Des experts métiers pourront s'approprier l'outil de base, tandis que la fonction IT utilisera les langages M pour la préparation des données et Dax (Data Analysis Expressions) pour les analyses avancées. Pour contenter un maximum de profils, Power BI est équipé d'un grand nombre de filtres, dont TimeLine Slicer qui présente les données sur un axe temporel. Il embarque aussi des templates graphiques que l'on peut enrichir avec les 200 visuels partagés par la communauté sur la marketplace de l'application. Enfin, "la roadmap de Power BI est très claire, avec une mise à jour tous les trois mois", ajoute Nicolas Dubois.
En dépit de son ouverture, l'outil pourra toutefois désorienter certains utilisateurs. "L'interface de développement, comprenant un grand nombre de menus dynamiques, n'est pas très intuitive", constate le consultant. L'utilisateur devra s'approprier l'expérience graphique de Microsoft et respecter la chaîne du décisionnel sans brûler les étapes. Power BI propose un versioning qui enregistre les données à chaque étape de transformation et permet de revenir en arrière à tout moment. Autre grief pointé par Nicolas Dubois, il n'est possible de lier qu'un seul champ d'une table au champ d'une autre table. L'intégration de Power Query introduit également de la redondance. Comme Power BI, ce dernier permet de créer des colonnes.
En termes de pricing, la publication d'un rapport dans le cloud et son partage dans un espace de travail dédié nécessite de passer à la version payante Power BI Pro. Microsoft propose aussi une version Premium correspondant à un forfait mensuel "open bar". Il conseille de basculer d'une formule à l'autre à partir de 400 utilisateurs.