Le verrouillage dans le coud, un casse-tête pour les entreprises
La dépendance des entreprises françaises envers les géants du cloud est à l'origine de coûts de transformation élevés. Le besoin de nouvelles normes s'impose, mais la réponse doit être technologique.
Selon Gartner, les dépenses liées au Cloud public atteindront plus de 500 milliards d’euros dans le monde cette année et devraient augmenter de 21 % en 2024.
À première vue, grâce à cette omniprésence du Cloud, le marché devrait bénéficier d'une plus grande flexibilité. Cependant, la possibilité de déplacer des données entre différents services peut s’avérer plus complexe et coûteux que prévu. Les entreprises sont souvent confrontées à des frais de sortie considérables, liés aux intégrations, à la sécurité et aux compétences nécessaires pour gérer une transition réussie. En raison de cette complexité, de nombreuses entreprises se retrouvent enfermées, le prix du changement étant trop élevé.
Défis actuels et menaces latentes
Le comportement des fournisseurs de services dans le Cloud engendre trois principaux défis. Le premier concerne les frais de sortie facturés pour transférer des données vers un concurrent. Le deuxième est également d'ordre financier : des remises sont souvent proposées de manière à inciter les clients à utiliser un seul hyperscaler. Enfin, les restrictions techniques rendent difficile l'interopérabilité entre plateformes, chaque hyperscaler ayant ses propres infrastructures, sa propre posture de sécurité et ses propres configurations.
Relever ces défis n’est pas seulement une question réglementaire. Le verrouillage des fournisseurs peut engendrer de fortes hausses de prix pour les clients, sans qu'ils ne disposent d'autres options rentables pour transférer ailleurs leurs données et activités. Les entreprises peuvent aussi découvrir que leur fournisseur n'offre plus les capacités techniques dont elles ont besoin, tout en étant obligées de rester. Nous pouvons ajouter à ces problématiques le fait que le marché est aujourd'hui très uniforme. Si un trop grand nombre de fournisseurs de services essentiels, tels que les banques ou les sociétés de télécommunications, dépendent d'un petit groupe de fournisseurs de services dans le Cloud, ils risquent d'être exposés à des pannes, impactant à leur tour leurs clients.
Régulation de l’espace numérique : solution ou illusion ?
Cette situation peut être comparée aux difficultés rencontrées par les consommateurs il y a quelques années. Changer de banque, de fournisseur d’énergie ou d’opérateur téléphonique était complexe, nécessitant d’interminables formalités administratives. Les régulateurs sont intervenus, les industries se sont modernisées et il est devenu plus simple de passer d'un fournisseur de service à un autre, avec une dynamisation conséquente du marché. La même transformation devrait s’appliquer au Cloud, et c’est dans ce sens le gouvernement français a présenté un projet de loi comprenant des mesures dédiées à la protection des entreprises et collectivités.
Cependant, même si des mesures sont prises pour limiter les frais de sortie, il est peu probable que cela favorise la création d’une véritable interopérabilité des services. Il est possible que des efforts soient faits pour imposer une plus grande cohérence entre les environnements Cloud, mais en fin de compte, changer de service restera toujours une option coûteuse en termes de temps, ressources et compétences. Le statu quo est difficilement renversable.
Pourtant, les entreprises ont besoin d'une plus grande flexibilité pour déplacer les données dans le cloud. Et si la solution était davantage technologique que réglementaire ? Une couche d'abstraction pourrait faciliter le déplacement sécurisé des données d'un Cloud à l'autre ou d’une solution on-premise à n'importe quel Cloud. A l’ère de l’hybride et face aux contraintes du marché, les entreprises doivent viser des solutions innovantes, pour plus de flexibilité et de performances. Avoir le choix de changer de fournisseur est une chose, mais avoir la capacité de le faire en est une autre.