Quid de l'avenir des datacenters ?

Du fait de la croissance des besoins des utilisateurs en termes de données et de connectivité, on ne peut empêcher l'implantation et la maîtrise de nouveaux datacenters sur notre territoire.

En 2022, la France comptait environ 250 datacenters commerciaux de tailles, de capacités de stockage et de consommations électriques différentes. La capacité disponible installée des centres de données était alors de 566 MW, en hausse annuelle de 16% depuis 2016. Elle devrait continuer de croître pour atteindre 1,8 GW en 2033, soit une progression de 11% par an sur les prochaines années, selon les estimations d’EY-Parthenon.

Un avenir étroitement lié à celui de l’IA

Les raisons de cette croissance soutenue sont multiples. En effet, les Français consomment au quotidien de plus en plus de services numériques (jeux, vidéos, streaming...) qui génèrent énormément de besoins en termes de stockage de données. Le minage de cryptomonnaies est lui aussi très consommateur de ressources informatiques. Mais les principaux besoins viennent de la puissance de calcul nécessaire à l'entraînement des grands modèles d’intelligence artificielle. Avec l'adoption généralisée de ces modèles, la demande de puissance de calcul monte en flèche, doublant tous les 3,4 mois (et non plus tous les deux ans comme le prévoyait la loi de Moore) selon une étude menée par... OpenAI.

Dans ce contexte, les acteurs du marché sont confrontés à de multiples défis. Afin d’accompagner cette forte croissance, la filière des datacenters prévoit d’investir 12 milliards d’euros dans les 10 prochaines années, selon l’édition 2023 du Baromètre France Datacenter. Les sommes investies le seront en majorité en région parisienne, territoire qui devrait concentrer 86% des investissements dans les cinq prochaines années.

Des recrutements massifs à venir

L’industrie des centres de données va également devoir recruter de très nombreux talents. Attirer des ressources constitue le plus important challenge que les acteurs du secteur vont devoir relever, toujours selon les participants du baromètre France Datacenter. Les profils recherchés sont en majorité des ingénieurs, des chefs de projet, des techniciens IT et des personnes pour la partie commerciale et marketing.

Les datacenters du futur seront souverains, ou ne seront pas

De nombreuses lois extraterritoriales menacent la confidentialité des échanges, le non-partage des données et le secret des affaires. C’est le cas du Cloud Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act), du FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act) et de l’Executive Order 12333

Ces trois textes, directement venus des États-Unis, s’imposent à nous en dépit notamment de l’existence du règlement européen RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données, en anglais General Data Protection Regulation).

Si la France ne veut pas rester en queue de peloton et laisser passer le train des centres de données, elle doit aider à l’implantation de datacenters souverains. Les collectivités locales, administrations et entreprises françaises cherchent en effet de plus en plus à se protéger des lois extra-européennes qui mettent en danger la confidentialité de leurs données et leur propriété intellectuelle.

La sobriété énergétique avant tout

Selon une étude publiée par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur la consommation électrique mondiale, les centres de données sont d’ores et déjà des moteurs de la croissance de la demande d'électricité dans de nombreuses régions. Alors que leur consommation totale d'électricité était estimée à 460 térawattheures (TWh) en 2022, elle pourrait atteindre plus de 1 000 TWh en 2026, soit l’équivalent de la consommation d'électricité du Japon. 

"Des réglementations actualisées et des améliorations technologiques, notamment en matière d'efficacité énergétique, seront essentielles pour modérer l'augmentation de la consommation d'énergie des centres de données", analysent les auteurs du rapport.

Un des principaux axes d’innovation sur lesquels les acteurs des datacenters peuvent jouer concerne l’efficacité énergétique de leurs installations. À travers un indicateur très simple, le PUE (Power Usage Effectiveness), calculé en divisant le total de l’énergie consommée par le datacenter par le total de l’énergie utilisée par les équipements informatiques (serveurs), les entreprises du secteur peuvent mesurer et piloter leur efficience énergétique. 

Efficacité énergétique : des innovations à tous les étages

La réglementation européenne prévoit que les datacenters qui commenceront à fonctionner à partir du 1er juillet 2026 devront être construits et exploités de manière à atteindre une efficacité énergétique (PUE) inférieure à 1,3 ou 1,4 en fonction de leur situation géographique. 

Pour relever ce défi, diverses innovations ont d’ores et déjà vu le jour. Dans les cellules à haute tension, par exemple, du vide pourra venir remplacer l’hexafluorure de soufre (SF6), gaz à effet de serre ultra-puissant. Cela fera économiser 20 tonnes de CO2 par kg de gaz. Qui plus est, la technologie de l’immersion cooling permet d’obtenir une dissipation de la chaleur beaucoup plus efficace. Grâce à l’immersion cooling, il est possible - à consommation énergétique équivalente - de multiplier par 10 la densité de la puissance de calcul. On peut aussi compter sur d’autres innovations telles que l’utilisation de l’hydrogène, la récupération de la chaleur fatale, ou encore le pilotage des bâtiments par l’IA… 

Du fait de la croissance des besoins des utilisateurs en termes de données et de connectivité, on ne peut empêcher l’implantation et la maîtrise de nouveaux datacenters sur notre territoire. La France a la chance d’être le seul pays au monde à avoir deux des plus grand hubs du top 10 mondial ; elle ne doit pas laisser passer le train. Le pays doit se donner les moyens de répondre au besoin et de devenir un acteur majeur sur la scène internationale, en recrutant et en investissant massivement, mais aussi en privilégiant la souveraineté et les toutes dernières innovations en termes d’efficacité énergétique.