Lark, le "Slack killer" de ByteDance

Lark, le "Slack killer" de ByteDance La maison mère de TikTok commercialise une plateforme de collaboration complète intégrant des fonctionnalités de visioconférence, de document partagé ou de calendrier d'équipe.

Comme une poupée gigogne, ByteDance abrite bien d'autres activités que TikTok, le célèbre réseau social aux quelque deux milliards d'utilisateurs dans le monde. Le géant chinois s'est diversifié, en parallèle, dans les jeux vidéo avec Nuverse, lIinternet des objets avec la lampe connectée éducative Dali ou les services cloud aux entreprises avec BytePlus. Et voilà que ByteDance entend concurrencer Slack, la célèbre plateforme de collaboration, propriété de Salesforce.

Lancé en 2016, Feishu est tout d'abord l'outil de messagerie utilisé en interne par ses salariés. Au regard de ses performances, ByteDance décide de le commercialiser en 2019 dans l'empire du Milieu puis dans les pays voisins du continent asiatique. Il compte comme références Xiaomi, Ideal, Carro, Danamart ou Anker Innovation. A l'international, Feishu a changé de nom pour devenir Lark, "l'alouette" en anglais. Selon le site spécialisé chinois 36kr, l'activité aurait dépassé les 100 millions de dollars de revenus récurrents en 2022.

Des choix forts, en miroir inversé de Slack

Pour contrer Slack, Lark a choisi d'en prendre le contre-pied. Alors que Slack tire sa force de son ouverture et de sa capacité à s'interfacer à un écosystème de plus de 2 200 applications, l'éditeur chinois a développé lui-même un grand nombre de fonctionnalités comme la visioconférence, la collaboration autour de documents, l'agenda partagé ou la base de données unifiée qui gère les flux de travail. Lark permet ainsi, depuis la même interface, de planifier une réunion, de créer un calendrier, de gérer des documents et des tâches.

De cette intégration verticale, la plateforme tire un argument commercial imparable. Une entreprise n'a plus besoin d'empiler les outils et les licences. A 12 dollars par utilisateur et par mois dans sa version "pro", la solution serait près de quatre fois moins chère que si l'on additionne les abonnements à Slack, Google Workspace et Airtable. Sans compter la souscription à une solution de visioconférence de type Zoom. Avec cette "super app", le collaborateur n'a plus, par ailleurs, à jongler entre différents outils et gagne en productivité.

ByteDance mise également sur la stratégie éprouvée du mode freemium. Il propose une offre gratuite aux fonctionnalités étendues, à même de séduire les utilisateurs professionnels sans qu'ils n'aient à passer à la caisse. Elle comprend un accès illimité à l'historique des messages, jusqu'à 60 minutes de visioconférence, 100 Go de stockage, une fonction de tableau blanc et la traduction automatique en temps réel. Soit bien plus que son équivalent chez Slack.

"Mobile first", son interface répond aussi à une autre philosophie. Alors que Slack est structuré sous forme de canaux de discussion (channels) et cache un grand de nombre de fonctionnalités pour gagner en épure et en simplicité d'utilisation, Lark les affiche fièrement sur le côté et les interconnecte dans le module de chat.

Déjà interopérable à ChatGPT, Lark entend, par ailleurs, surfer sur la vague de l'IA générative. Selon le site TechNode, sa version chinoise Feishu s'apprête à lancer un assistant personnel intelligent. Baptisé tout simplement My AI, il aiderait les utilisateurs à résumer des notes de réunion, à générer des rapports, à optimiser ou réécrire du contenu, se positionnant comme un chatbot de type Microsoft 365 Copilot.

En dépit de ces atouts, ByteDance doit faire face à une concurrence féroce sur son propre marché domestique avec des solutions comme DingTalk d'Alibaba et WeCom de Tencent. Après avoir licencié plus de mille employés, soit 10% de ses effectifs, l'éditeur verrait son salut à l'étranger d'après le site Tech in Asia.

Quid de la sécurité et de la confidentialité ?

Percer sur les marchés occidentaux ne sera toutefois pas une mince affaire. L'affiliation à TikTok lui porte forcément préjudice. Un nombre croissant de pays ont interdit l'application sociale ou restreint son utilisation pour des raisons de sécurité et d'intégrité des données. Dans une enquête très fouillée, le New York Times nous apprend que des employés de TikTok échangeaient entre eux un grand nombre d'informations confidentielles des utilisateurs du réseau social comme des photos ou des permis de conduire depuis… la plateforme de messagerie interne Lark.

Sur son site, Lark montre patte blanche. L'éditeur rappelle que sa solution répond aux exigences du RGPD et du CCPA, son équivalent californien, et qu'elle est conforme aux normes de sécurité SOC 2 et SOC 3. Par ailleurs, les données des utilisateurs sont hébergées sur le cloud d'Amazon Web Services (AWS).

Des gages de sécurité à même de rassurer des entreprises occidentales ? Rien n'est moins sûr. Ces derniers mois, la tendance est davantage au bannissement des fournisseurs chinois. Au-delà de l'enjeu de souveraineté nationale, les équipementiers télécoms Huawei et ZTE sont ainsi régulièrement accusés de servir de courroie de transmission aux services de renseignements de Pékin en laissant des "portes dérobées" (backdoors) dans leurs solutions matérielles et logicielles.