Souveraineté des données : enjeu de cybersécurité, défi stratégique

Longtemps considérée comme un enjeu technique ou réglementaire, la souveraineté des données s'impose aujourd'hui comme un impératif stratégique et collectif pour les organisations.

À l’heure où la cybersécurité devient un pilier de la résilience économique, la souveraineté des données s’impose comme un impératif pour les organisations de toutes tailles, publiques et privées. Car derrière les concepts de stockage, d’hébergement ou de conformité réglementaire, c’est bien de souveraineté numérique qu’il s’agit : savoir où résident les données, qui y a accès, et dans quelle mesure celles-ci peuvent être exploitées à des fins stratégiques ou malveillantes.

Un enjeu qui s’inscrit dans l’actualité géopolitique

Contrairement à ce que l’on peut parfois entendre, la question de la souveraineté des données n’est pas une problématique récente, conjoncturellement en lien avec un regain protectionniste ou des tensions géopolitiques contemporaines. Elle est un fil rouge dans la structuration des cellules de veille, des dispositifs de renseignement économique, et plus globalement de toutes les activités où l’information est traitée, stockée, enrichie et partagée.

Dans ce contexte, le rôle des éditeurs de solutions technologiques est double : d’une part, ils ont la responsabilité de garantir un hébergement sécurisé sur des infrastructures souveraines, idéalement localisées en France ou au sein de l’Union européenne ; d’autre part, ils doivent accompagner les organisations dans l’usage responsable de la donnée, en les sensibilisant aux risques liés à sa diffusion, sa duplication ou sa fuite.

L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), bras armé de l’État sur ces questions, déploie d’ailleurs des cadres réglementaires stricts, à l’image de la certification « SecNumCloud ». Mais à côté de ces cadres parfois contraignants, un pragmatisme de terrain reste nécessaire afin d’adopter des gestes simples mais efficaces.

Souveraineté ne rime pas (seulement) avec technique

La souveraineté des données repose partiellement sur des considérations techniques ou juridiques. Elle engage également les pratiques quotidiennes des veilleurs et des professionnels de l’information. C’est particulièrement vrai lorsqu’un veilleur ajoute une valeur d’analyse ou un commentaire stratégique à une information brute : cette couche d’enrichissement fait de la donnée une matière hautement sensible, parfois confidentielle. Et c’est là que le danger guette : une fuite involontaire, un partage mal maîtrisé, et c’est une part de la stratégie de l’entreprise qui peut se retrouver exposée.

Les sanctions infligées depuis 2022 par la CNIL à des géants du numérique – de Discord à Microsoft, en passant par TikTok – témoignent d’un tournant. Désormais, l’Europe, et la France en tête, ne transigent plus sur le respect du RGPD. Ce durcissement est salutaire : il rappelle aux organisations qu’au-delà de la conformité, la maîtrise de la donnée est un marqueur de souveraineté et de maturité numérique.

En guise de conclusion : souveraineté, sobriété et responsabilité

Il serait tentant de voir dans la souveraineté des données une affaire exclusivement technique, à déléguer aux DSI ou aux responsables juridiques. Cette souveraineté est bel et bien une responsabilité collective, qui mobilise toutes les strates de l’organisation : dirigeants, communicants, veilleurs, opérationnels. Dans un monde numérique où la frontière entre données personnelles et données stratégiques est souvent ténue, l’exigence de sobriété et de responsabilité devient centrale.

En effet, assurer la souveraineté de ses données, c’est aussi garantir sa liberté d’action. Dans un environnement géopolitique instable, c’est une condition essentielle à la résilience des entreprises et à la protection de leur patrimoine immatériel. Mieux vaut donc prévenir que réparer, anticiper plutôt que subir. Et faire du traitement de l’information non plus un risque… mais un levier de souveraineté.