Souveraineté numérique : entre discours politique et réalité technique

Les débats actuels traitent majoritairement de la souveraineté, qu'elle soit industrielle ou numérique, comme un éléments de compétitivité. Mais qu'en est-il vraiment ?

Jamais la souveraineté numérique n’a été autant mise en avant. Dans un contexte de tensions géopolitiques, de dépendance aux grandes plateformes étrangères et de multiplication des cyberattaques, elle est devenue un thème récurrent des discours politiques. Les responsables publics affirment la nécessité de « reprendre le contrôle » de nos données, de protéger nos infrastructures et de garantir une autonomie stratégique.

Mais entre l’annonce et la mise en œuvre, un fossé subsiste. Les entreprises, et plus encore les TPE et PME, qui constituent le socle de notre économie, se retrouvent souvent démunies face à des complexités techniques croissantes. La souveraineté, si elle se décrète dans les mots, reste donc difficile à atteindre sur le terrain.

La souveraineté numérique : un impératif stratégique

Être souverain, c’est avant tout réduire sa dépendance. Or l’Europe s’appuie encore largement sur des solutions extra-européennes, ce qui crée des risques majeurs : fuite de données, vulnérabilités imposées, pression économique et politique. Cette dépendance limite même notre capacité de réponse : difficile, par exemple, de taxer des outils américains quand nos entreprises en dépendent à 100 %.

Mais la souveraineté numérique ne se limite pas à la localisation des données ou au choix de solutions européennes : elle suppose aussi de sécuriser durablement nos infrastructures et nos échanges. Autrement dit, sans cybersécurité, aucune souveraineté n’est possible. C’est donc la condition indispensable d’une véritable autonomie numérique.

L’opération Salt Typhoon, attribuée à un acteur étatique étranger, a démontré combien une dépendance technologique peut fragiliser tout un écosystème. Et les exemples se multiplient : hôpitaux paralysés, collectivités bloquées, industries stoppées par des ransomwares. Cette menace généralisée souligne l’urgence d’une stratégie cohérente pour réduire notre exposition et reprendre le contrôle de nos infrastructures.

La réalité technique : un quotidien complexe pour les entreprises

Dans les faits, cette ambition reste difficile à mettre en œuvre. Les TPE et PME, qui représentent 95 % du tissu économique français, n’ont ni les outils, ni les compétences techniques pour se protéger efficacement. Recruter un expert cybersécurité, investir dans des solutions avancées ou suivre en continu l’évolution des menaces demeure hors de portée. Cet écart entre discours et réalité n’épargne pas les institutions publiques : jusqu’à septembre 2025, l’État lui-même s’appuyait sur des solutions non souveraines, y compris pour des communications sensibles. Comment exiger des entreprises qu’elles s’émancipent des dépendances étrangères quand l’État lui-même tarde à montrer l’exemple ?

L’écart se mesure alors clairement : d’un côté, le discours politique répète qu’il faut « se protéger » et s’émanciper ; de l’autre, la faisabilité opérationnelle reste limitée. Une attaque peut paralyser une activité, voire provoquer sa disparition pure et simple. Et si les ransomwares frappent indifféremment grandes entreprises, collectivités ou cabinets de dix salariés, les capacités de défense restent inégalement réparties.

L’enjeu de l’accompagnement et des solutions adaptées

Face à cette situation, la souveraineté ne peut pas reposer uniquement sur des principes généraux. Elle exige des solutions simples, accessibles et fiables, pensées pour l’ensemble du tissu économique. Or, les solutions « made in France » et, plus largement, européennes, manquent encore de visibilité face aux géants américains ou asiatiques. Il faut donc les faire émerger, les soutenir activement et leur donner les moyens de s’imposer comme des alternatives crédibles.

La sensibilisation et la formation sont une étape indispensable, car la plupart des attaques réussies exploitent encore une faille humaine. Mais cela ne suffit pas : il est temps de passer d’un discours incantatoire à une action résolue : proposer des solutions pragmatiques, faciles à déployer et à maintenir, pour accompagner toutes les organisations dans leur montée en maturité. La cybersécurité ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais comme un levier de compétitivité et de pérennité, indispensable à la confiance dans l’économie numérique.

Passer des mots aux actes

La souveraineté numérique ne se décrète pas non plus par un slogan. Elle se construit par l’innovation, la coopération entre acteurs publics et privés, et surtout par l’accompagnement quotidien des entreprises. Réduire le décalage entre le discours politique et la réalité technique est désormais une urgence.

Le gouvernement prend d’ailleurs conscience de ces enjeux : le choix d’une messagerie souveraine comme Tchap pour ses communications internes le confirme. C’est un signal positif, qui démontre qu’il est possible de réduire notre dépendance aux solutions étrangères et que des solutions françaises sont tout autant performantes.

Il nous appartient désormais de prolonger cette dynamique. Nous devons replacer la cybersécurité au cœur de la souveraineté numérique, portée par des solutions accessibles, opérationnelles et ancrées en Europe. C’est à cette condition que nous pourrons transformer le discours en action et bâtir une résilience numérique crédible, garante de notre sécurité comme de notre compétitivité.