Le jumeau numérique et l'IA, moteurs du smart hospital et de la smart city

Kardham Digital

Le jumeau numérique, combiné au BIM, à l'IA et au BOS, fait de l'hôpital un système intelligent plus réactif, plus efficace et mieux intégré à la smart city.

Véritable micro-ville au cœur de la cité, l’hôpital occupe une place à part dans l’univers des villes intelligentes. Il concentre en effet nombre de défis techniques, organisationnels et humains comme par exemple celui d’orchestrer des milliers de flux - patients, soignants, visiteurs, véhicules d’urgence, etc. - tout en assurant sécurité, qualité de service, et performance énergétique. Comment, dans ce contexte, le BIM (Building Information Modeling), l’IA (Intelligence Artificielle), le BOS (Building Operating System) et le jumeau numérique peuvent-ils devenir des catalyseurs pour faire entrer l’hôpital dans l’ère de l’intelligence, tout en renforçant son intégration dans l’écosystème urbain ? Quelques éléments de réponse sont illustrés ici par le projet du nouvel hôpital du CHU de Nantes. Ils mettent en lumière des problématiques qui, au-delà de cet exemple, peuvent concerner l'ensemble des CHU de l’Hexagone.

Un jumeau numérique pour un hôpital en mouvement

On aurait souvent tendance à l’oublier mais les hôpitaux sont des organismes vivants : ils sont soumis à des réaménagements constants, qu’il s’agisse par exemple d’intégrer de nouveaux plateaux techniques ou de s’adapter aux contraintes sanitaires ou réglementaires. Cela suppose de pouvoir les concevoir et les exploiter à partir d’une cartographie dynamique alimentée par des données toujours à jour. En effet, chaque transformation – qu’il s’agisse d’un simple changement de cloison, de l’ajout d’une salle de soins ou de la réaffectation d’un service en entier – modifie la configuration opérationnelle du site et nécessite une réorganisation des flux – patients, visiteurs, équipes techniques - en temps réel. C’est justement ce que permet le BOS et son prolongement opérationnel, le jumeau numérique. Le gestionnaire de l’établissement de santé peut ainsi visualiser, analyser et piloter l’ensemble de son campus hospitalier, à l’échelle d’un bâtiment comme d’un quartier. 

L’exemple du nouvel hôpital du CHU de Nantes illustre concrètement cette évolution. Ce vaste établissement hospitalier, actuellement en construction, s’appuie sur les maquettes numériques BIM qui centralisent toutes les informations structurelles et techniques du site. L’hyperviseur est enrichi par des données dynamiques en temps réel (issues des capteurs, des systèmes techniques et d'informations hospitalières, ainsi que des équipements communicants), permettant une supervision et des actions en continu. Résultat : le centre hospitalier bénéficie d’une vision globale et actualisée de ses infrastructures, un atout décisif pour gérer un site en constante évolution.

Des scénarios intelligents au service de la réactivité

On le sait bien, les établissements de santé doivent savoir réagir à l’imprévu. C’est le cas, par exemple, de l’arrivée d’un hélicoptère médical sur site. Grâce au jumeau numérique et aux agents intelligents, sur certains hôpitaux, il est possible d’activer automatiquement l’éclairage de la piste, de réserver un ascenseur prioritaire et de sécuriser certains accès. Tout un système qui permet aux gestionnaires de ces établissements de piloter en temps réel leurs opérations et donc d’améliorer leur réactivité en garantissant la continuité des soins. Dans certains centres hospitaliers les flux piétons peuvent aussi être redirigés en cas d’incident technique ou encore une allocation intelligente d’ascenseurs pour éviter la saturation des flux entre services. Cette orchestration fine réduit considérablement les temps de réaction dans un environnement où chaque seconde compte. 

Optimisation des flux

Dans les campus hospitaliers, notamment ceux de très grande taille, l’orientation est un enjeu critique pour tous les profils d’usagers. Avec une cartographie interactive et des outils de guidage indoor, patients et visiteurs trouvent leur chemin aisément. Le personnel soignant, lui, bénéficie d’itinéraires optimisés qui prennent en compte des contraintes spécifiques : ascenseurs réservés, zones stériles, déplacements des robots logistiques, etc. En rendant les déplacements plus fluides, le BIM, le jumeau numérique et l’hyperviseur contribuent ainsi directement à l’efficacité opérationnelle des établissements de santé. Certains centres hospitaliers offrent quant à eux une expérience très poussée aux patients et aux visiteurs. Ainsi, un visiteur peut planifier son trajet vers une salle de consultation, recevoir des notifications en cas de changement de lieu ou de retard, et être guidé en temps réel via des plans 3D photoréalistes. 

Sur ce sujet, le nouvel hôpital du CHU de Nantes prévoit de mettre à disposition un portail numérique centralisé qui offre une expérience personnalisée réservée aux soignants, techniciens et administrateurs. Les techniciens, par exemple, accèdent instantanément à la documentation technique associée à chaque local et reçoivent des alertes sur les interventions de maintenance à réaliser.

Une gestion énergétique intelligente et sûre

Parce qu’il fonctionne 24h/24 et 7j/7, qu’il héberge des équipements médicaux très énergivores (IRM, scanners, blocs opératoires), ou encore parce qu’il nécessite une ventilation et un traitement de l’air constants pour garantir des conditions sanitaires optimales, l’hôpital reste l’un des plus grands consommateurs d’énergie d’une ville. Grâce au BIM et au BOS (Building Operating System), véritable système d’information de l’hôpital, il est possible de visualiser en temps réel la consommation énergétique du bâtiment et d’optimiser les usages. Le BOS permet en effet de faire converger au sein d’un même référentiel différentes données de différents systèmes. D’un côté les données bâtimentaires liées par exemple à la GTB (Gestion Technique du Bâtiment) : confort, énergie, interphonie, vidéosurveillance, ascenseurs, détection d’incendie, etc. De l’autre, les données d’usage, liées aux différentes applications servicielles : contrôle des accès, accueil visiteurs, réservation des postes de travail, organisation des réunions, gestion de l’occupation, conciergerie, etc. Cela permet ainsi par exemple de proposer des actions correctives ou préventives, comme celle d’ajuster automatiquement la température selon l’occupation réelle des zones. 

Cette approche est au cœur du projet smart hospital du nouvel hôpital du CHU de Nantes, où le BIM s’imbrique dans une démarche de performance environnementale renforcée.

Dans d’autres centres hospitaliers le pilotage énergétique peut aller jusqu’à inclure la gestion fine des températures en fonction des usages (zones occupées ou non, nature des activités médicales, etc.), l’optimisation des éclairages et la détection proactive des dérives énergétiques. À terme, ces fonctionnalités contribueront à réduire significativement l’empreinte carbone des établissements, alignant ainsi l’hôpital avec l’idée que l’on peut se faire d’une ville durable.

Sécurité numérique : un pilier essentiel de l’hôpital intelligent

À mesure que l’hôpital se transforme en un écosystème numérique, la cybersécurité devient un enjeu stratégique majeur. L’intégration des objets connectés, des systèmes techniques et d’information, ainsi que des outils d’aide à la décision accroît la surface d’exposition aux menaces. Cette hyperconnexion, notamment avec les infrastructures urbaines, impose de penser la sécurité dès la conception, c’est ce que l’on appelle l’approche security by design : gestion rigoureuse des accès, supervision continue et capacité de réaction rapide face aux attaques. Ces exigences, renforcées par des cadres réglementaires comme la directive européenne NIS2 qui impose aux secteurs dits "essentiels", dont la santé, des obligations accrues en matière de cybersécurité, conditionnent la capacité des smart hospital à garantir leur résilience, la confidentialité des données et la continuité des soins dans un environnement de plus en plus numérique.

Intégration dans l’environnement

Si cela n’est pas encore le cas du nouvel hôpital du CHU de Nantes, les centres hospitaliers peuvent interagir avec leur environnement à l’échelle de la smart city, avec une gestion des accès et parkings en lien avec la mobilité urbaine, une intégration des alertes de sécurité civile, ou encore une optimisation des circuits logistiques avec les réseaux de la ville. Le jumeau numérique permet cette interconnexion pour faire de l’hôpital une partie-prenante à part entière de la ville intelligente avec par exemple, une articulation entre les flux internes et les transports publics locaux pour fluidifier l’arrivée des patients et des visiteurs. Cette coordination pourrait à terme s’étendre à la gestion des véhicules d’urgence dans la ville, afin de leur garantir des trajets optimisés en cas de pic d’activité.

Accompagner le changement

Mettre en place ces technologies ne se fait pas sans un accompagnement humain et organisationnel. Les équipes hospitalières doivent s’approprier ces outils et les process évoluer vers plus de transversalité, rompant avec des logiques encore trop silotées. C’est à ces conditions que l’hôpital peut devenir plus agile, plus résilient et mieux armé pour relever les défis sanitaires, les défis serviciels et les défis environnementaux de demain. Et si le Building Operating System avec son jumeau numérique devenaient les véritables cerveaux numériques de l’hôpital du futur ?

Pour le nouvel hôpital du CHU de Nantes, même si elle n’est pas encore une réalité globale, c’est bien l’orientation prise au travers du projet d’hypervision mis en place. Celle-ci constitue les premiers contours d’un environnement numérique permettant d’optimiser la gestion à la fois du bâtiment, des données numériques et des échanges d’informations entre systèmes techniques. Avec, à terme, la possibilité de faire évoluer le projet sur l’ensemble des thématiques du smart hospital.