L'Orientation est une affaire de (gros) sous !
L'Orientation sera l'un des premiers chantiers du nouveau quinquennat. Dans la "presque" campagne présidentielle, le sujet a été porté par le candidat Macron, sans faire l'objet de débat, lui non plus.
Un certain flou semble s’être établi sur l’idée de faire découvrir les métiers dès la classe de cinquième, notamment pour mieux s'orienter vers les filières techniques en fin de troisième. Les parents approuvent l’évidence que l’école doit aussi préparer au monde professionnel, mieux qu’aujourd’hui. Cela ne change rien pour autant à leurs convictions que le meilleur pour leurs enfants sera d’éviter les filières professionnelles. Pudiquement, personne n’a parlé d’argent.
On peut donc craindre un scénario bien connu. Nomination d’un·e Ministre. Conférence de presse. Annonce d’une ambition forte dès la rentrée. Circulaire de rentrée avec mention explicite de l’injonction faite aux enseignant·e·s de mettre en place des après-midis consacrés à la découverte des métiers. Promesse de mobilisation des agences de l’État (ONISEP, CANOPÉ) pour accompagner les professeur·e·s. Incompréhension des régions dans leur mise à l’écart. Aucun ajustement budgétaire, aucun financement. Formulons le souhait que ce scénario ne se réalise pas bien qu’il rappelle celui mis en place pour la réforme du lycée : une dotation horaire importante de 54 heures annuelles mais sans financement spécifique et sans résultat véritable.
On peut espérer aussi un scénario moins bureaucratique. Imaginons que nous parlions enfin du coût d’une orientation dysfonctionnelle. Multiplions le nombre de décrocheurs par le coût de leur prise en charge, ajoutons le produit des échecs en licence par l’investissement moyen dans un·e étudiant·e. La somme est colossale. Assumons-la et faisons le pari de mieux l’allouer. Cessons de croire que l’orientation se fait sans moyen ni stratégie.
Il est possible d’envisager l’Orientation comme un bien public et de clarifier son financement. Les organismes de formation publics ou privés sont les premiers bénéficiaires d’une meilleure orientation, ils doivent donc assumer une partie du coût. Des étudiant·e·s en meilleure adéquation avec la formation proposée, c’est un gain certain de productivité pour le système éducatif. Les employeurs, publics et privés sont ensuite les bénéficiaires ultimes d’une main d'œuvre mieux formée. Eux aussi doivent contribuer au financement explicite d’une orientation rénovée.
Ainsi se dessine une piste, celle d’une refonte de la taxe d’apprentissage en une taxe d’apprentissage et d’orientation. Cette ressource devrait aller de façon moins exclusive vers les établissements de formation pour financer aussi les dispositifs d’aide à l’orientation. Une refonte de la taxe serait un investissement des employeurs dans leurs futures compétences, une source de financement pour les régions, les associations, les entreprises qui développent des actions d’Orientation.
Ne demandons pas à l’Éducation nationale de faire autre chose que d'ouvrir ses portes, libérer ses élèves plus souvent pour des moments d’immersion. Donnons aux acteurs de terrain les moyens d’accompagner les élèves dans un exercice de longue haleine. C’est sans doute dans ce cadre rénové qu’une Orientation, non seulement efficace mais aussi éthique, pourrait voir le jour. Efficace, car produisant moins d’échecs, éthique car respectueuse de l’individu, vu non seulement pour ses compétences, mais aussi pour ses aspirations.