Pourquoi le rapport Thévenoud sur les VTC est stupide

Pourquoi le rapport Thévenoud sur les VTC est stupide Sous le magnifique prétexte de rétablir une concurrence loyale, le député socialiste veut retirer l'arme de la géolocalisation aux VTC pour la réserver aux taxis.

Le député socialiste Thomas Thévenoud remet ce 24 avril au Premier ministre Manuel Valls un rapport visant à moderniser le métier de taxi et mieux réguler l'activité des voitures de tourisme avec chauffeurs (VTC). Objectif : trouver des solutions au conflit qui oppose les uns et les autres, les taxis jugeant que les VTC leur opposent une concurrence déloyale. En ressortent 30 pistes, proposées par un élu tellement impartial qu'il n'hésite pas à déclarer en préambule au "Parisien-Aujourd'hui en France" que "la place d'Uber est devant les tribunaux, le plus rapidement possible". Oui, ça commence bien.

Tout d'abord, le rapport préconise d'interdire les applications mobiles qui permettent aux utilisateurs de voir les VTC à proximité. Autrement dit, les amputer de ce qui fait leur valeur : mettre en relation aussi simplement que rapidement les clients et les chauffeurs en se basant sur leur proximité géographique. Pour pousser les clients à prendre des taxis, on veut donc rendre aveugle la recherche de VTC, les déshabiller de cette innovation... et l'offrir à leurs concurrents. Car selon le rapport Thévenoud, cet atout technologique deviendrait l'apanage des taxis traditionnels, pour leur part autorisés à pratiquer cette "maraude électronique". Les VTC ne pourront plus accepter que les réservations à l'avance... ou faire poireauter les têtes-en-l'air qui ne commanderaient une voiture qu'au dernier moment.

"Je suis pour la concurrence, pas pour la loi de la jungle"

On ne compte plus les secteurs qui s'approprient les possibilités offertes par le mobile, en matière de géolocalisation, de paiement, de CRM... De Starbucks et McDonald's à Carrefour et Auchan, d'Air France et la RATP à Louvre Hotels et Accor, combien d'industries ont su mettre à profit ces innovations, dont la paternité revient souvent initialement à des pure players ? Mais non, les réseaux et syndicats de taxis ne veulent pas même se donner la peine d'admettre ces avancées. Plutôt que de s'organiser pour offrir un meilleur service au consommateur, mieux vaut défendre aux autres de faire mieux qu'eux. Plutôt interdire l'innovation.

Amusante aussi, l'obligation faite aux taxis de s'équiper d'un terminal de paiement pour accepter les règlements par carte bancaire. Intention louable, surtout accompagnée d'un abaissement du montant minimum de 15 euros à 1 euro. D'un autre côté, n'est-il pas révélateur qu'on impose aux taxis une technologie dont la généralisation remonte aux années 1980, quand les VTC sont déjà passés au paiement mobile ? Certes, il serait grand temps que les taxis passent du jurassique au crétacé. Mais il est presque étonnant que Thomas Thévenoud n'ait pas pensé à interdire le paiement mobile aux VTC : une autre innovation qu'on aurait pu réserver à moderniser une profession qui met un soin tout particulier à évoluer le plus lentement possible.

Niveler le secteur par le bas ne suffisait pas

"Je suis pour la concurrence, pas pour la loi de la jungle", assure le député au "Parisien". Est-ce pour préserver la concurrence qu'on interdirait l'arme du mobile à l'un pour la donner à l'autre ? Est-ce pour préserver la concurrence qu'on interdirait aux VTC de facturer au kilomètre comme le font les taxis et qu'on les circonscrirait aux courses au forfait et à la location à l'heure ?

Bien sûr, parmi ses 30 propositions, tout n'est pas à mettre à la poubelle. Comme la création de deux forfaits aéroports à Paris, l'un vers Orly et l'autre vers Roissy-Charles de Gaulle, qui auraient l'avantage d'éviter les mauvaises surprises aux passagers. Comme l'instauration d'une couleur unique pour les taxis afin de les rendre plus facilement identifiables dans la rue. Ou comme la mise en place d'un contrôle technique obligatoire tous les 6 mois pour les VTC et le renforcement de leurs obligations d'assurances.

Le Conseil d'Etat avait annulé en février le décret imposant aux VTC d'attendre 15 minutes après la commande pour prendre en charge un client, merveilleuse idée du gouvernement (écartée par le rapport) visant à garantir qu'on ne puisse héler que des taxis pour les courses urgentes. Thomas Thévenoud a dû trouver qu'en réalité, essayer de niveler le secteur par le bas ne suffisait pas. Il faut aussi tuer les VTC. Car ne nous leurrons pas : sans la géolocalisation, leur modèle économique et technologique ne survivra pas.

Merci, chers Uber, SnapCar, ClubChauffeur et autres LeCab, d'avoir essayé de nous offrir un service digne du XXIème siècle. C'était bien tenté. Mais la proposition de loi qui sera bientôt déposée à l'Assemblée nationale risque fort de vous achever.