DNVB, les trois questions à se poser avant de se lancer dans les préventes

DNVB, les trois questions à se poser avant de se lancer dans les préventes D'une marque digitale à une autre, les préventes ne se ressemblent pas. Monoproduit ou collection entière, plateforme de crowdfunding ou site en propre, gestion du stock en amont ou en aval ?

La DNVB américaine de cosmétiques Glossier est l'une des pionnières en matière de préventes dans l'univers des marques digitales. Très tôt, la créatrice et influenceuse Emily Weiss s'est appuyée sur son blog Into the gloss et son compte Instagram pour lancer ses produits en sondant sa communauté. Mais le cosmétique n'est pas le seul terrain de jeu des préventes pour les DNVB, y compris chez les marques françaises, qui s'y mettent aussi, à l'image de Noliju (contraction de No limit just you), spécialiste du vêtement destiné aux femmes actives et sportives depuis 2016. Pour la fondatrice Norah Luttway, les préventes s'avèrent pertinentes pour jauger la réaction de la communauté. "Sur une innovation d'usage, je peux tester les produits et voir si la communauté suit. C'est aussi un moyen d'élargir la communauté en France et à l'international grâce à des plateformes comme Kickstarter pour cibler une nouvelle tranche de clientèle", témoigne Norah Luttway. Un discours corroboré par Nicolas Hernandez, cofondateur de Pétrone, marque de sous-vêtements masculins. Selon lui, les préventes représentent bien plus qu'une simple opération commerciale. "Nous nous positionnons avant tout sur un produit et nous remercions en même temps nos clients fidèles", souligne-t-il. Voici les trois questions à se poser avant de se lancer dans une stratégie de prévente.

Produit ou collection ?

Une fois que la décision est prise de mettre en place des préventes, vient la première question : faut-il la dédier à un seul produit ou à l'intégralité d'une collection ? Sur ce point, pas de réponse tranchée puisque cela dépend du positionnement de la marque. Chez Noliju, le choix est fait de proposer les préventes uniquement sur les nouveaux vêtements comme le maillot de bain en tissu recyclé au prix de 85 euros en préventes au printemps sur Ulule contre 95 euros sur l'e-shop de Noliju. Idem pour le pantalon triple usage vendu au prix de 89 euros en préventes sur Kickstarter il y a deux ans contre 99 euros sur l'e-shop de Noliju.

La problématique n'est pas la même chez Pétrone. "La majeure partie de notre gamme est permanente, nous ajoutons simplement un choix de couleurs plus large mais cela ne nécessite pas de faire des préventes, explique Nicolas Hernandez. En revanche, nous y pensons par la suite pour des nouveaux produits." La marque a en revanche lancé des préventes le 8 octobre sur sa gamme de chaussettes de ville thermo-régulantes. Celles-ci étaient disponibles par lot de 10 à partir de 6 euros la paire contre 8 euros la paire pour le lot de 10 sur l'e-shop de Pétrone hors préventes. 

Chez la marque de vêtements Paname Collections, la stratégie est bien rodée : la marque propose des préventes quatre fois par an en même temps que la sortie de ses collections. La dernière a été lancée le weekend du 10 octobre. "C'est un temps fort pour nos clients masculins qui n'achètent pas tout le temps mais à des moments spécifiques de l'année, explique le fondateur Adrien Porte. Ils en profitent pour faire des commandes élevées entre 800 et 900 euros pour mettre à jour leur garde-robe."

Quelle communication ? Plateforme de crowdfunding ou son propre site ? 

Norah Luttway est familière du crowdfunding depuis deux ans, d'abord sur Kickstarter puis sur Ulule. Grâce au pantalon triple usage, elle a atteint 11% de son objectif et 75% de son objectif au printemps avec le maillot de bain en tissu recyclé. "Cette dernière campagne m'a permis d'enregistrer 75% de nouvelles clientes mais cela nécessite une bonne gestion et une organisation rigoureuse", prévient la fondatrice de Noliju. En effet, les campagnes de crowdfunding requièrent de l'énergie en amont mais aussi pendant les préventes qui durent en moyenne trente jours. Durant cette période, les présentations du produit, les emailings et les posts réguliers sur les réseaux sociaux doivent être quotidiens pour capter la communauté. "Ensuite, il faut maintenir la cadence pour assurer les livraisons à l'issue des précommandes. Les clientes ont le sentiment de soutenir un projet de l'entreprise et il faut être à la hauteur de leurs attentes", complète Norah Luttway. 

Après une brève incursion sur Ulule fin 2018 sans rencontrer le succès escompté, Pétrone organise les préventes sur son propre site. Celles-ci durent en moyenne deux semaines et demi et sont rythmées par l'envoi de questionnaires aux clients sur les nouveaux produits. "Nous impliquons notre communauté et nous la faisons bénéficier d'une réduction en amont jusqu'à 15%. En interne, nous travaillons l'événementiel autour de nos produits avec une écriture et un discours qui nous sont propres pour les valoriser", décrit Nicolas Hernandez. 

Paname Collections double toutefois son chiffre d'affaires par deux chaque année grâce aux préventes. Les séances photos démarrent deux semaines avant le lancement des collections, vient ensuite l'étape du teasing sur les réseaux sociaux et l'envoi des newsletters "pour faire rêver les clients les plus fidèles". Paname Collections renforce aussi la communication de ses préventes par des publicités sur les réseaux sociaux et les blogs spécialisés, canaux d'acquisition supplémentaires. "Je pense qu'il est plus difficile de véhiculer son image de marque sur les plateformes de crowdfunding, confie Adrien Porte. Nous l'avons fait au début sur Ulule mais dans notre cas, cela ne nous a rapporté aucun client."

Lancer la production avant ou pendant ?

Parmi les avantages du crowdfunding, le fait de ne pas prendre de risque sur le stock est un argument non négligeable. "La prévente peut être utile pour des produits qui ne sont pas encore en stock afin de tester l'appétence des clients sur une nouvelle offre, indique Alexandre Eruimy, CEO de PrestaShop. C'est une solution pour démarrer avec un nouveau fournisseur sur un premier volume établi." Noliju lance la production en adéquation avec les précommandes. "Dans ce cas, on sait que la cliente est derrière, assure Norah Luttway. On fixe un seuil en termes de quantité entre 100 et 200 pièces mais aussi de chiffre d'affaires. Si notre objectif n'est pas atteint, la campagne échoue et les clientes sont remboursées." 

Face à ce scénario rassurant pour les marques, Paname Collections adopte un modèle hybride de préventes : donner le coup d'envoi une fois les productions lancées. Une stratégie payante si l'on en croit le fondateur. "Nous avons un stock limité mais ce système nous permet de soutenir notre trésorerie et de prévoir les réassorts en fonction de la demande. Etant donné les paniers élevés de nos clients, nous collectons l'argent avant le paiement aux fournisseurs."