Résultats des soldes d'hiver : le miroir d'un système en mutation ?

Les soldes d'hiver se sont terminées mardi 8 février et décidément, le bilan est mauvais. A Paris, 78% des commerçants se disent insatisfaits des résultats obtenus. Et sur le banc des accusés, on retrouve en première position la généralisation du télétravail. Pourtant, les résultats des soldes sont en chute libre depuis plusieurs années. Les soldes ont-ils réellement un avenir ? Les mauvais résultats rencontrés ne sont-ils pas simplement le reflet d'un mode de consommation en transition ?

Les soldes d’hiver se sont terminées ce mardi 8 février et décidément, le bilan est mauvais. A Paris, 78% des commerçants se disent insatisfaits des résultats obtenus. Et sur le banc des accusés, on retrouve en première position la généralisation du télétravail, notamment pointée du doigt par la fédération du commerce. Pourtant, les résultats des soldes sont en chute libre depuis plusieurs années. En hiver 2020, ce sont les mouvements sociaux liés à la réforme des retraites qui étaient accusés de nuire aux soldes, en été 2019 la canicule, en hiver 2019 les gilets jaunes. On accepterait n'importe quel coupable pour ne pas voir la vérité. Et si on arrêtait de jouer à l’autruche pour se poser les bonnes questions ? Les soldes ont-elles réellement un avenir ? Ou les mauvais résultats rencontrés ne sont-ils pas simplement le reflet d’un mode de consommation en pleine transition ?

Revenons aux bases. Qu’est-ce qui rend les soldes attractifs pour la clientèle ? Facile, me direz-vous, les prix bas ! Cependant, en y regardant de plus près, la course aux promotions se fait en réalité toute l’année. Ventes privées, Black Friday et évènements en tout genre, les soldes ne sont plus l’exception des prix cassés. Et même sans promotion, la valeur du textile est sans cesse tirée vers le bas. Trouver un t-shirt pour moins cher qu’un caramel macchiato à emporter est devenu un jeu d’enfant.  

Démocratisation du réemploi

La réalité sociale derrière ces prix bas n’est d’ailleurs plus un secret pour grand monde. En achetant cette robe dont je n’ai pas besoin à 8 euros, je sais que la jeune fille qui l’a confectionnée au Bangladesh ne sera pas rémunérée correctement. Je sais que son quotidien au travail sera loin du 9h-17h européen. Les consciences écologiques, bien éveillées depuis la précédente décennie, se détachent de ce mode de consommation qui détruit la planète et ses habitants. Et à raison ! A elle seule, l’industrie textile émet chaque année 1,7 milliard de tonnes de CO2, dont 70% est lié à l’énergie nécessaire pour les machines lors de la production. C’est pourquoi le levier principal pour une baisse de ces émissions est une diminution de la production de vêtements neufs et donc une démocratisation du réemploi. 

Nombreux sont ceux qui l’ont bien compris et n’attendent pas que les marques s’y mettent pour basculer sur un nouveau mode de consommation. S’habiller de la tête au pied d’occasion n’est absolument pas rare pour la génération Z, qui a repopularisé les fripes et a permis à des plateformes de seconde main de prendre une envergure considérable. Alors que les résultats des soldes baissent de 20% en 2020, le nombre d’utilisateurs de Vinted grimpe d’autant, soit 4 millions de nouveaux utilisateurs. Les adeptes de seconde main ne manquent pas en France. C’est d’ailleurs le plus gros marché du géant lituanien, pour qui environ 30% de ses 45 millions d’utilisateurs seraient sur l’Hexagone.

Malgré quelques initiatives louables, les metteurs en marché peinent à raccrocher les wagons à un train déjà lancé à pleine vitesse. Certains acteurs tentent l’aventure en digital, mais même les plus gros peinent à récupérer ne serait-ce que 5% des annonces concernant leur produit. En cause, l’attractivité et la visibilité bien plus grande du multimarques qui tue dans l'œuf les initiatives individuelles. Des corners de seconde main fleurissent à la hâte dans les boutiques de certaines enseignes, souvent identiques à ceux du voisin et au détriment de la cohérence avec l’identité de marque.

92% des Français disent attendre des entreprises qu’elles s’engagent sur les questions de développement durable. Dans le même temps, Shein, marque emblématique de l’ultra fast fashion pulvérise des records de vente et de présence sur les réseaux sociaux avec 21,6 milliards de vues sur les vidéos portant le #shein sur Tik Tok. La solution ne se trouverait-elle pas dans notre dressing et ses 68% de vêtements non portés ? Moins consommer, faire circuler la valeur et pourquoi pas devenir les futurs fournisseurs des initiatives de seconde main des marques. Je m’autorise même à rêver de la démocratisation du recyclage en post-consommation.

Reprenons le problème depuis le départ. Les soldes ont été créées au XIXe siècle pour écouler les invendus à prix cassés entre les deux collections phares de l’année. Si elles n’attirent plus les clients, lassés par la multiplication des collections et trop conscients des limites du système, les invendus restent des invendus. Limiter la production est donc clairement un enjeu de cette transformation mais n’est pas le seul. 

En y regardant de plus près, les vêtements qui se vendent le mieux en seconde main sont les vintages, ceux qui ont réussi à passer les âges sans perdre de leur valeur après trois passages en machine. Et si les marques se concentraient sur la durée de vie de leurs produits plutôt que sur produire toujours plus, pour toujours moins cher ? Et si nous, citoyens, arrêtions de consommer de la mode jetable et ne gardions dans nos dressings que ce que l’on porte vraiment ? En visant l’économie d’usage grâce à des produits plus durables et en adoptant une stratégie commune, peut-être pourrions nous tous ensemble nous mettre  enfin au diapason de la transition.

Sources :