La livraison de courses entre particuliers, un marché plus prometteur qu'il n'y paraît

La livraison de courses entre particuliers, un marché plus prometteur qu'il n'y paraît Le drive n'est pas la seule solution e-commerce pour la grande distribution en France. Des start-up de livraison à domicile se partagent déjà un marché tout juste en devenir.

Coincée entre le drive et le quick commerce, la livraison à domicile par des particuliers fait office de parent pauvre. Alors que le drive est particulièrement bien implanté en France, la livraison de courses à domicile par un particulier et depuis un supermarché n'est pas développée dans l'Hexagone. "Le marché français est vraiment particulier car le drive y est très présent et un peu seul au monde", note Anaïs Jollivet, principal chez Verlinvest. Ce fonds a investi en 2021 dans Everli, une solution de livraison de courses à domicile par des auto-entrepreneurs. "Le consommateur possède un répertoire de solutions qu'il a en tête selon ses besoins et souvent le drive va être la seule solution e-commerce à laquelle il va penser. E.Leclerc a évangélisé le drive sur tout le territoire. La livraison est quant à elle moins répandue que sur d'autres marchés en Europe ou aux Etats-Unis", juge-t-elle.

Si l'on regarde les chiffres sur l'e-commerce alimentaire publiés par NielsenIQ en mai 2022, le drive est un mastodonte sur ce marché et représente 90% du marché du commerce alimentaire en ligne. Les parts de marché de la livraison à domicile se partagent entre les grandes surfaces alimentaires (48%), les pure players (26%), les livreurs de repas comme Uber Eats et Deliveroo (14%) et pour finir le quick commerce (12%). Ce dernier a fait couler beaucoup d'encre, mais il reste minoritaire. Il est surtout présent à Paris et en Île-de-France où il vaut pour 24% des livraisons à domicile. "Le quick commerce est un marché très concentré dans les grandes villes, avec de petits paniers et des clients CSP+, estime Anaïs Jollivet de Verlinvest. Le marché de la livraison à domicile est beaucoup plus important car il touche le reste de la France et beaucoup plus de consommateurs. La différence se fera sur le long terme", poursuit-elle.

Deux modèles distincts

Le français Shopopop a été fondé à Nantes en avril 2016 et indique fédérer un million d'utilisateurs autour de sa solution de livraison de courses collaboratives. "Nous ne sommes pas un Uber et nous ne le deviendrons pas", pointe Yohan Ricaut, l'un des cofondateurs. "Notre service a trouvé sa place car il répond aux nouveaux standards que demandent les enseignes avec une livraison possible en H+2 et une réduction de l'impact environnemental. Nous mutualisons les déplacements et c'est du bon sens de faire appel à nos solutions plutôt que d'utiliser un camion pour trois commandes", continue-t-il. Shopopop se positionne comme un complément de revenu pour ses shoppers qui vont récupérer les courses du client à un drive et lui rapporter entre 5 à 10 euros par livraison. "Nos shoppers vont effectuer en moyenne 6 à 10 livraisons par mois pour 150 à 200 euros reçus", affirme Yohan Ricaut.

Si Shopopop a d'abord développé son service grâce aux indépendants, comme Système U et E.Leclerc, la start-up est maintenant implantée sur toute la France, avec 16 000 communes desservies et travaille avec la plupart des acteurs de la grande distribution, indépendants comme intégrés. Shopopop a annoncé avoir organisé 1,5 million de livraisons en 2021 pour 2 000 magasins partenaires.

En face, l'italien Everli arrivé dans l'Hexagone fin 2020, propose un modèle similaire à celui d'Instacart aux Etats-Unis. Le client prépare son panier sur la plateforme et un shopper, travailleur indépendant, va se charger de faire ses courses puis de lui livrer. "Nous travaillons avec Carrefour ou encore Casino et nous offrons plus de 10 000 références, explique Caroline Hill, directrice générale d'Everli France. Nos shoppers peuvent travailler avec nous pour compléter leurs revenus ou comme activité principale. Leur rémunération se joue entre un fixe et un variable qui lui dépend de la taille de la commande et du nombre de kilomètres parcourus".

La différence entre les deux modèles ne se joue pas que sur la manière de voir le shopper ou le particulier-livreur, mais, également sur le fonctionnement général. "Dans notre modèle l'enseigne garde la propriété de la donnée client", détaille Yohan Ricaut de Shopopop. Un pop-up proposant le service de Shopopop apparaît sur le site du distributeur au moment où le client passe au paiement. "La rémunération se fait entre le magasin et le shopper. Le magasin paye des frais fixes et nous récupérons une commission de 20% sur les frais de livraison," poursuit-il.

Chez Everli, le client prépare son panier directement sur la plateforme. "Un acteur comme Everli donne accès à 100% de l'inventaire du magasin, pointe Anaïs Jollivet de Verlinvest. Si Shopopop passe par le site du distributeur, Everli est une plateforme consommateur qui va proposer directement l'inventaire des produits de Lidl ou Carrefour".

Un marché en devenir

Shopopop comme Everli ambitionnent de conquérir l'Europe. La start-up nantaise est déjà présente au Benelux, au Portugal, en Espagne, en Italie et son déploiement en Allemagne est en cours. Pourtant, elles ne se voient pas comme concurrente : "Si nous devions aller sur le marché américain, nous saurions nous différencier par notre modèle sur le plan social et environnemental, explique Yohan Ricaut de Shopopop. Amazon Flex et Instacart proposent des parcours d'achats très différents du nôtre".

Le marché de la livraison de courses à domicile semble aussi avoir de la place pour encore accueillir plusieurs acteurs en France. "La grande distribution a du mal à investir dans l'e-commerce car cela coûte cher, pointe Anaïs Jollivet de Verlinvest, cela prend du temps de monter des entrepôts comme Ocado et de réunir les ressources nécessaires". Le pari des fonds qui investissent dans des entreprises de livraison à domicile par des particuliers consiste à se dire que "l'e-grocery intéresse la grande distribution et les retailers vont avoir besoin des services de ces entreprises. Alors, nous accompagnons ces start-up car elles ont besoin de fonds pour se lancer sur le territoire et sur un marché difficile mais d'avenir," conclut Anaïs Jollivet.