Les soldes 2023, dernier espoir des marchands pour sauver leur semestre

Les soldes 2023, dernier espoir des marchands pour sauver leur semestre Après un Black Friday mitigé, les soldes d'hiver 2023 s'annoncent particulièrement incertains dans un contexte inflationniste. Plusieurs entreprises accusent déjà le coup.

Les soldes d'hiver suffiront-ils à sortir l'e-commerce de sa déprime ? Le pessimisme n'est en tout cas pas de mise chez Rakuten France et Cdiscount, alors que les soldes débutent ce mercredi 11 janvier. Hugo Larricq, directeur commercial de Cdiscount, se dit même plutôt optimiste. "Les données du nombre de recherches sur les soldes sont les mêmes que l'année dernière. Le Black Friday a été au niveau de nos attentes et au même niveau que l'an dernier. Nous nous attendons à des soldes du même niveau en valeur que l'an dernier", assure-t-il. Même son de cloche pour Fabien Versavau, le CEO de Rakuten France qui nous écrit : "Nous anticipons en 2023 une période de soldes positive, avec un attrait croissant des Français pour les bonnes affaires dans un contexte inflationniste qui pèse sur le pouvoir d'achat. […] Cette année nous sommes particulièrement optimistes pour les soldes et prévoyons de belles remises".

Si pour les deux marketplaces le Black Friday a été satisfaisant, ce n'est pas le cas pour l'ensemble de la profession. La Fevad nous a indiqué que le chiffre d'affaires d'un échantillon d'entreprises ayant proposé des offres Black Friday entre le samedi 19 et le lundi 28 novembre a été stable à +1% par rapport à la même période en 2021. Avec une réalité disparate : les produits techniques et culturels sont en revanche en recul de 11%. Sur le week-end de quatre jours entre le Black Friday et le Cyber Monday, du 25 au 28 novembre 2022 inclus, le nombre de commandes est en baisse de 15%.

Un contexte difficile

Pour Olivier Lagrand, le directeur innovation et marketing d'Ipsos France, "ce qui ne change pas en ce début d'année, c'est l'inflation qui est la première préoccupation des Français (42% des interrogés). Ce chiffre a explosé depuis le début de l'année 2022, 20% des préoccupations à l'époque. Arrivent maintenant juste derrière la pauvreté et les inégalités". Les prix à la consommation ont augmenté de 5,9% sur un an, contre 6,2% en octobre et novembre 2022. "Nous sommes dans la séquence Black Friday, Noël et soldes. Le Black Friday n'a pas été flamboyant, les consommateurs avaient prévu d'acheter moins à Noël pour deux tiers des personnes que nous avons interrogées, et avec l'inquiétude ils se tournent vers les promotions. Cela peut avoir un impact positif sur les soldes, c'est un moment où il ne faut pas se louper, à la fois pour les commerçants et pour les acheteurs", continue Olivier Lagrand.

En Belgique, les soldes d'hiver ont débuté dès le 3 janvier 2023 et l'optimisme des commerçants y est tout relatif. Interrogé par Trends-Tendances, Mode Unie, la fédération des détaillants de mode indépendants, indique qu'environ "65% des commerçants s'attendent à vendre autant ou mieux qu'en janvier 2022, période où le secteur de la mode était modérément satisfait du mois de soldes. 35% d'entre eux adoptent une approche plus attentiste et s'attendent à une baisse des ventes. Un commerçant sur cinq dit craindre une baisse des ventes d'au moins 20% par rapport aux soldes d'hiver 2022. L'association d'entreprises indique que la principale responsable de ce pessimisme est la crise énergétique".

Les produits soldés se diversifient

Dans ce contexte, les consommateurs vont avoir tendance à sanctuariser certaines dépenses, liées à la santé ou au bien-être, et en sacrifier d'autres comme le vestimentaire, la culture, la maison et la décoration. "Quand nous les interrogeons, les Français nous indiquent vouloir sacrifier les loisirs et se concentrer sur l'important. En réalité, ils ont aussi besoin de plaisir et vont mettre en place des stratégies pour y arriver. Nous ne savons pas s'il y aura un rattrapage sur les dépenses qui ont été sacrifiées pendant les soldes", juge Olivier Lagrand d'Ipsos France. L'institut s'est penché sur les achats dans certains pays plus habitués à l'inflation, comme l'Argentine et la Turquie. "Nous savons quels compromis ont été faits. En Argentine, l'eau minérale en bouteille s'est effondrée alors que le lait ou le beurre ont tenu. Tout dépend de l'alternative, il faut regarder par produit et par catégorie", continue Olivier Lagrand.

Nouveauté de cette année, les marchands élargissent les catégories de produits soldés. "Une tendance que nous observons cette année est une diversification des produits soldés, par rapport à l'année dernière, qu'il s'agisse de produits neufs ou reconditionnés. Il y a en effet une meilleure répartition dans les différentes catégories que nous proposons. Par exemple, il y a davantage d'offre en matière de petit et gros électroménager", témoigne Fabien Versavau de Rakuten France. "Nous mettons l'accent sur les petits prix cette année, d'habitude nous misons sur l'iPhone SE ou des lave-linges de marque, là nous nous intéressons à des produits du quotidien avec des lots d'ampoules connectées, des lots de gels douche ou des machines à café Tassimo à 20 euros", ajoute le directeur commercial de Cdiscount. Les crises encouragent les consommateurs à s'intéresser de plus prêts à leurs dépenses au quotidien. "Ils remettent en question leurs choix. Est-ce que je reste sur ma marque de yaourt ou de smartphone habituelle ? C'est un contexte disruptif où ils s'ouvrent à de nouvelles marques. On considère d'un autre œil l'option, on questionne ses choix, il va y avoir des opportunités et des dangers pour les marques. Il faut retravailler le prix car le consommateur y est plus sensible", explique Olivier Lagrand.

De fortes promotions d'entrée pour déstocker

Chez Cdiscount, les soldes d'hiver commenceront avec de fortes promotions : "Dès mercredi nous allons proposer des décotes à -70%, nous démarrons fort avec un bon d'achat de 25 euros également", indique Hugo Larricq, le directeur commercial de Cdiscount. Côté promotions, en Belgique, l'enquête, menée par l'organisation NSZ, montre que plus de "80% des commerçants commenceront avec une remise de 30%. Mais 20% d'entre eux attaqueront directement avec des remises de 50%. Cela s'explique par le fait que la majorité des commerçants ont encore beaucoup de stocks à disposition". En France aussi, certains retailers, notamment dans l'ameublement et la maison, ont de nombreux stocks sur les bras et vont se servir des soldes pour essayer de les écouler. "Sur la maison, nous pouvons avoir des points de sur-stock mais au global notre stock est sain. Nous avons fait des paris, certains sont ratés et seront donc bien animés pendant les soldes. Le sport et la maison ont ralenti mais il n'y a pas de sujet au global", concède Hugo Larricq.

Pourtant le contexte commence à jouer sur la santé de certaines entreprises, avec la liquidation judiciaire de Camaïeu, ou encore les difficultés financières de Go Sport. Back Market, la marketplace spécialisée dans les produits technologiques reconditionnés supprime 70 postes en France. Amazon a annoncé de son côté la suppression de 18 000 postes y compris en Europe. Les soldes d'hiver 2023 et l'année toute entière s'annoncent maussades. "2023 est incertaine et il est compliqué de se projeter. Nous nous attendons à un début d'année compliqué puis à une accélération durant la deuxième partie de l'année", affirme Hugo Larricq. "Personne ne peut savoir comment 2023 va se dérouler, cela nous apprend à être agile et à trouver des solutions", conclut Olivier Lagrand.