Les librairies peuvent survivre à Amazon en offrant le café

Si Amazon a obligé presque toutes les librairies à mettre la clé sous la porte, l'une d'entre elles a justement trouvé la clé pour lui résister : offrir le café. Et cela fonctionne.

Il y eu une époque où une librairie pouvait être un véritable acteur culturel, l’ami des artistes, voire le conseiller des maisons d’édition. Ce fut le cas de Shakespeare and Co, la librairie parisienne du Vème arrondissement, fondée dans les années 20 par Sylvia Beach. Sa légendaire créatrice aidera Picasso alors qu’il était encore inconnu et sans le sou, nouera des amitiés avec l’impétueux Ernest Hemingway (qui l’évoquera dans Paris est une fête), entretiendra une correspondance avec l’inclassable Samuel Beckett et dînera très souvent avec l’insurmontable James Joyce.

Puis Amazon fit son apparition. D’abord connu de quelques initiés. Puis se développant peu à peu en Europe. Offrant très rapidement une sélection incroyable de livres avec laquelle aucun libraire ne pouvait rivaliser (plus d’un million aujourd’hui), des prix inférieurs et une nouvelle expérience client : des commentaires laissés par les autres lecteurs, des extraits de livres en libre consultation, des recommandations faites à partir de ses lectures passées et celles de clients ayant les même goûts, des possibilités de pré-commande, l’assurance d’être livré en des temps records, des actualités sur ses auteurs préférés, la possibilité d’acheter en un clic… Sans vouloir l’admettre tout de suite, les librairies traditionnelles ont fini par se faire un raison et à constater leur difficulté, voire leur incapacité, à lutter face au géant de l’e-commerce.

Plus récemment, à Boston une librairie est parvenue à faire la sensation. Trident Booksellers and Café se porte parfaitement bien. Peut importe les prix défiant toute concurrence d’Amazon, le géant de l’e-commerce ne servira jamais le café. Et dans un monde où la concurrence en ligne fait rage, une promesse telle que "… et en plus, nous vous offrons un café" n’est pas si bête. Car il est plus agréable de boire un café avec quelqu’un que seul. Et, de quoi peut-on parler dans une librairie, tout en buvant un café ? Et bien de livres justement. Chacun en profitera pour parler des ses auteurs préférés. Tous achèterons des livres, parce qu’ils sont à portée de main, parce qu’ils seront aussi associés au souvenir d’un agréable moment passé avec tel ou tel autre lecteur. Et tous reviendront, parce qu’ils boivent tous du café et que ce rituel quotidien est bien plus agréable encore dans un lieu favorisant des rencontres riches, plutôt que dans des endroits conçus pour y boire rapidement son café, seul et anonyme, parmi d’autres clients.

Le marketing peut être simple lorsqu’on ne le complique pas. De petits plus peuvent faire toute la différence. Et lorsqu’ils réintroduise de l’humanité au sein d’un monde où les échanges pourraient, si nous n’y prenions garde, se limiter à des transactions uniquement commerciales ou des messages envoyés via des smartphones, il paye.

PS : La librairie Shakespeare and Co existe toujours. En grimpant aux escaliers vermoulus qui mènent au premier étage, vous accéderez à un appartement où les livres continuent à côtoyer la poussière et les sacs à dos de voyageurs venus visiter Paris et ayant entreposé leurs affaires dans la mythique librairie, toujours prêtes à rendre service aux apprentis écrivains sans le sou. Certains y dorment moyennant quelques heures de travail dans la boutique. La petite pièce du fond offre une vue imprenable sur Notre Dame. En revanche, on n'y sert pas le café. même si quelques bouteilles de whisky irlandais servent encore parfois de cale livres.