Les étapes du financement des sites marchands passées au crible Financer les débuts de l'entreprise

"Au début, Pecheur était un outil de R&D sans business model monté par deux entreprises", se souvient Olivier Bernasson, qui dirigeait l'une des deux. L'entrepreneur utilise finalement le service pour vendre en ligne. Deux ans plus tard, en 2004, il crée la SAS Pecheur et en devient le PDG. Celle-ci est financée par un apport en nature des deux sociétés qui l'ont fait naître, ainsi que par une aide de Giat Industries. "En échange de la promesse de créer plusieurs emplois sur le bassin de Vichy, nous avons obtenu une avance remboursable de 80 000 euros sur trois ans." Ensuite, Pecheur se finance avec sa propre croissance jusqu'en 2006. Fin 2005, ses fondateurs commencent à rencontrer des fonds d'investissements. La levée se concrétise finalement avec trois mois de retard sur les prévisions d'Olivier Bernasson. Il sera passé à deux doigts de fermer son site.

olivier bernasson, fondateur et pdg de pecheur.com
Olivier Bernasson, fondateur et PDG de Pecheur.com © C.Debise / JDN

Pour amorcer l'activité de Rue du Commerce, ce sont ses cofondateurs Gauthier Picquart et Patrick Jacquemin qui mettent au pot. Le premier avait revendu sa précédente entreprise. Les deux hommes vont ensuite chercher des business angels. Aux Etats-Unis, où Patrick Jacquemin en connaît, ainsi qu'auprès d'amis personnels. Les deux hommes organisent même un troisième tour avant de s'adresser à des fonds d'investissement. Ils font entrer à leur capital HiCo, en échange d'une participation en nature : sa web agency fabrique le site marchand, qui ouvre ses portes en 1999. En forte croissance sur une activité naissante, Rue du Commerce n'attendra que quelques mois avant de lever 30 millions de francs (4,5 millions d'euros).

Les business angels apportent une aide concrète

Lorsque Marc Menasé pose en 2009 la première pierre de son groupe Meninvest, qui édite l'e-boutique de mode masculine Menlook, il ne tarde pas à faire entrer à son capital ses anciens associés de chez Nextidea (ex-Nextedia, revendu à Lagardère Active). Ceux-ci prennent le rôle de business angels, mais la majeure partie du financement de Meninvest provient de Marc Menasé lui-même. "Nous voulions continuer à être associés et bénéficier du 'jus de cerveau' les uns des autres", explique-t-il.

Car le business angel a avant tout pour rôle de coacher les dirigeants sur ses sujets de prédilection, estime Marc Menasé, lui-même business angel. "Il doit apporter une aide très concrète, permettre d'éviter les erreurs qu'il a lui-même commises en tant qu'entrepreneur. Tout en restant en support, sans se montrer interventionniste ou écraser les dirigeants." S'il n'est pas utile d'en avoir toute une ribambelle, plusieurs business angels pourront en revanche apporter des compétences complémentaires. Et surtout, ils serviront de tremplin souvent essentiel à la réussite d'une levée de fonds. Car à ce moment-là, la notoriété de la start-up et le potentiel qu'on lui conférera proviendra en bonne partie des actionnaires qui la soutiennent déjà.

Peut-on compter sur les banques ?

Reste la question des banques. Les sites marchands peuvent-ils faire appel à elles pour se financer ? Pour Philippe Collombel, managing partner chez Partech International, la réponse est très clairement négative. "On assiste à une crise sévère et les banques ne sont plus là." Leurs exigences sont en effet bien plus élevées qu'avant. Les dirigeants doivent en tenir compte, car ce phénomène a des répercussions sur toute la vie de leur entreprise : "Vous faites 20 millions d'euros de chiffre d'affaires ? Vous n'obtiendrez que très peu de financement bancaire pour votre stock", met-il en garde.

Selon le spécialiste, la situation s'est nettement durcie depuis 2008. La France étant une économie de financement par la dette, elle n'a pas développé l'écosystème financier dont disposent les pays anglo-saxons. La crise n'en touche que plus durement les entrepreneurs français. Philippe Collombel conclut qu'il ne reste plus que les fonds d'investissement et les business angels auxquels faire appel. "C'est notre stratégie et notre savoir-faire : être là quand personne ne veut financer."