L'e-réputation en questions

L'e-réputation est probablement l'un des termes les plus à la mode du moment et certainement aussi l'un des moins bien définis. Ne serait-elle que la transposition des concepts de la réputation dans le monde Internet ?

"Il faut environ 20 ans pour construire une réputation et seulement 5 minutes pour la ruiner !" Warren Buffet

 

Alain Rey, dans son Dictionnaire historique de la langue française, précise que la réputation (du latin « reputatio » qui signifie « compter, évaluer ») désigne l'honorabilité morale, la célébrité d'une personne en raison de sa valeur. Et, par extension, l'opinion positive ou négative que les individus ont de quelqu'un ou de quelque chose.

Pour être complète, la définition d'Alain Rey appelle trois indications complémentaires :

 

1.   Nous ne sommes pas ici dans le domaine du raisonnement logique, mais dans celui du ressenti et de l'appréciation personnelle. D'une part, la notion de réputation sur un même sujet ou sur une même personne peut être très variable d'un individu à un autre. D'autre part, cette réputation n'est pas figée, elle évolue constamment dans le temps, en positif comme en négatif.

 

2.   La réputation n'a de réelle signification que si elle atteint une certaine masse critique hétérogène. En effet, plus une réputation sera supportée par un nombre croissant d'individus qui ne sont pas liés à la personne (famille, proche, amis, connaissances), plus elle paraîtra crédible aux yeux des autres.

 

3.   Dernier point et non des moindres, on assiste à une certaine forme de stigmergie sociale[i], le sujet étant à la fois acteur (ses actes influent directement sur le sentiment que les autres ont de lui) et spectateur (il est quasi impossible, sauf peut-être dans une dictature, de contrôler ce que les autres pensent de lui). Les actions qu'il mènera viendront enrichir ou appauvrir son capital social[ii]. L'ensemble des interactions sociales déterminera à la fois le réseau social et le capital social d'un individu. 

 

  

Par conséquent, d'un point de vue sémantique, l'e-réputation n'est que la transposition, dans le monde Internet, de l'ensemble de ces concepts.

Toutefois, pour être tout à fait exhaustif, il existe tout de même deux différences de taille entre la réputation et l'e-réputation :

 

1.  Internet introduit un nouveau mode de communication impossible à réaliser physiquement : l'ubiquité couplée à l'instantanéité. Une information vraie ou fausse, vérifiée ou non, se propage à la vitesse de la lumière dans tous les coins et recoins de l'Internet. L'information d'origine échappe à son auteur pour être relayée aussi bien par des amis que par de parfaits inconnus. Il est très difficile, voire quasi impossible dans ce contexte, de stopper une telle information.

 

2.     Si dire publiquement du bien ou du mal d'autrui n'est pas nouveau en soi, jusqu'à présent, les informations tombaient très vite dans l'oubli, sauf faits exceptionnels. Or, ce qui caractérise aujourd'hui l'Internet, c'est la persistance de la mémoire !  La toile est devenue le plus grand fond d'archives au monde. Dans lequel il n'y a pas (encore) de place pour le droit à l'oubli[iii] ! La moindre des rumeurs lancée un jour est là, présente quelque part, tapie dans l'ombre, prête à être extraite d'une requête Google...

 

C'est pourquoi, à l'heure où l'Internet prend une place de plus en plus prépondérante dans notre quotidien, que l'on soit un individu ou une société, il devient essentiel de se préoccuper de la gestion de son image :

 

·     positive... Une e-réputation positive se surveille, s'entretient et se gère. D'autant plus qu'il est fort simple - et parfois très rapide - de basculer en quelques clics d'une e-réputation positive à une e-réputation négative. Gérer sa e-réputation, c'est maîtriser sa stratégie de communication. Pour cela, il est inutile de chercher « l'outil tout-en-un miraculeux », celui qui permettrait de gérer une problématique complexe dans son ensemble, sans efforts, à l'aide d'un simple coup de baguette magique... Il n'existe pas ! La gestion de l'e-réputation passe par une intelligente combinaison de plusieurs services adaptés à sa personnalité et à ses besoins.

 

·    ... ou négative ! Avant tout, il faut faire la différence entre l'envie de censurer tout ce qui ne renverrait pas une image conforme à ses désirs et la nécessité de défendre son image pour de vraies raisons ! En droit français, le principe de la liberté d'expression prédomine. On ne peut empêcher quelqu'un de dire ce qu'il pense, sauf dans les cas où cette liberté empiète sur d'autres droits comme le respect de la vie privée. Une fois cette notion acceptée, il faut passer alors à l'action vite, très vite avant que la rumeur n'enfle trop !

 

 

[i] La stigmergie est une méthode de communication indirecte dans un environnement émergent auto-organisé, où les individus communiquent entre eux en modifiant leur environnement. Le biologiste Francesco Varela a introduit cette notion dans sa théorie complémentaire à celle de l'évolution de Darwin. Ainsi, il a rapporté que la sélection naturelle n'est pas l'unique facteur d'évolution, qu'il faut lui adjoindre une composante essentielle pour que le modèle soit crédible, celle de l'interaction bidirectionnelle entre l'organisme et son environnement.

[ii] Tel que décrit par Thierry Pénard dans son article « Le Rôle des interactions sociales dans les modèles économiques Internet » (lire l'article original à l'URL http://archive.nyu.edu/bitstream/2451/23914/2/citation_reputation4.pdf).

[iii] L'article 40 de la loi « Informatique et libertés » de 1978 prévoit que toute personne dont les données personnelles sont traitées peut exiger du responsable du traitement que soient, selon les cas, mises à jour ou effacées les données à caractère personnel la concernant. Cet article est bien sûr inapplicable dans le cadre du monde Internet, du moins dans sa forme actuelle.