Le Kairos en marketing

Un bon marketing part des clients, bien sûr. Mais surtout, il va cibler le "kairos" du client, le moment où celui-ci s'intéresse au produit. Cette approche est trop méconnue, alors qu'elle est essentielle à la pertinence des actions, donc à leur rentabilité, car elle permet de les concentrer dans le temps opportun.

Du parcours client au moment commercial

Pour être efficace en marketing, il est nécessaire de s'intéresser aux parcours des clients, et plus spécifiquement à leurs “moments” commerciaux. Le moment commercial est la période où la question de votre produit se pose à votre client potentiel. C’est le “moment favorable” pour adresser le prospect, le kairos.

Pour une boulangerie, la cible de clientèle est assez large en termes de profil, et surtout déterminée par son emplacement. En revanche, elle aura plusieurs moments clés en fonction des rythmes de vie : par exemple la pause déjeuner dans un quartier d’affaires, ou le dimanche matin dans un quartier résidentiel.

L’assurance aussi concerne une clientèle très large, puisque la quasi-totalité de la population assure a minima son logement. Mais le kairos de l’assurance est très précis, rare et court : c’est une sous-tâche d’une autre action plus impliquante : déménager (pour la multirisque habitation), changer de voiture (pour l’assurance auto) ou prendre sa retraite (pour la complémentaire santé). On souscrit une assurance à la suite d’un événement, souvent important, qui focalise l’essentiel de l’attention (et du budget) du prospect.

En matière de tourisme, le kairos est de quelques mois à quelques jours avant les dates de congés. D’autres marchés ont leur saisonnalité : les fournitures scolaires en septembre, les jeux à Noël, etc.

Être au rendez-vous du kairos

Le marketing travaillera donc dans un premier temps en amont du kairos, sur la notoriété, et ensuite à être présent sur le parcours du client au moment précis où se décide son achat : c’est l’acquisition. 

La notoriété est essentielle car elle détermine le parcours du client au moment où il entre dans sa phase d’achat : il décide de demander un devis à tel assureur plutôt qu’à tel autre, il décide d’aller faire ses achats dans telle enseigne plutôt que dans telle autre, etc. La notoriété dessine le terrain du jeu concurrentiel et permet aux entreprises d’accéder plus facilement au moment commercial du client. 

Segmenter et cibler

En matière de notoriété, l’approche du client est souvent socio-démographique : on définit ses segments de clientèle en termes génériques : genre, âge, localisation, métier, niveau de diplôme et de revenu, composition du foyer… La plupart des ciblages se font sur cette base, tant dans les médias traditionnels que numériques.

Une approche plus élaborée s’appuie sur une analyse de la valeur des clients. L’identification des attributs déterminants de cette valeur permet de créer des segments plus opératoires. Ce travail statistique complexe nécessite de croiser des dimensions pour identifier des corrélations de comportement. Il requiert notamment l’accès à des données qui doivent être assez volumiques et structurées à la fois, ce qui est souvent difficile, et parfois impossible quand le marché est trop étroit. 

Les segments ainsi déterminés peuvent être stylisés dans des personas, c’est-à-dire des portraits types qui résument les caractéristiques signifiantes du segment. Ce qui facilite ensuite les travaux des communicants pour cibler leurs actions.

Quand elle est possible et bien menée, la segmentation par la valeur donne des résultats puissants pour choisir qui adresser. C’est le fond des solutions de ciblage proposées par les régies de Facebook et Google. 

Capter le moment d’achat

Mais la notoriété ne fait pas tout. Au moment d’acheter, le client ira aussi sur un moteur de recherche, ou sur un comparateur, ou passera devant la boutique de son quartier, etc. Autant de parcours qui feront entrer d’autres acteurs dans son spectre d’achat. D’où l’importance des stratégies d’acquisition pour être présent au moment clé du client, notamment le référencement sur les requêtes qui indiquent une appétence commerciale. 

La notoriété ne dispense pas de ces actions d’acquisition, bien au contraire, notamment pour ne pas en perdre le bénéfice concret. Trop d’entreprises dépensent en publicité au bénéfice de concurrents plus adroits à capter les clients quand vient le temps de l’achat.

Le marketing de contenu et le permission marketing répondent à cette double logique de notoriété et d’acquisition : 

  • vous inscrire dans le temps du client, en l’intéressant à votre sujet de manière ouverte, pour travailler votre notoriété ; 
  • et vous mettre en position de pouvoir détecter les signes du moment commercial.

L’attention au kairos du client permet de concentrer l’action marketing quand elle est pertinente, lorsque le client est disposé à la recevoir parce que c’est son sujet du moment. 

Susciter le kairos ?

Peut-on faire le marché ? Créer le moment du besoin ? Beaucoup de marketeurs en rêvent ; certains y parviennent, souvent de manière marginale ; mais la réalité est que le temps du client échappe généralement à ceux qui veulent lui imposer leur rythme.

Le temps du client est un temps social. Ce qui permet de s’en rendre maître est la capacité à susciter des modes ou des engouements, c’est-à-dire de créer un phénomène social qui portera le produit. Le kairos est alors celui de l’esprit du temps. En dehors de ces cas, rares mais puissants, le moment commercial est subi plus que décidé par les marketeurs. D’où l’importance de savoir le capter avec précision.