13 millions de dollars pour Sex.com ? Même pas mal !

Comment justifier les millions dépensés pour l'achat d'un nom de domaine ? Le nouveau propriétaire de sex.com est bien placé pour répondre à cette question.

Ne refaisons pas toute l'histoire de sex.com, qui est aux noms de domaine ce que Dallas est à la télévision : une véritable saga avec ses héros, ses méchants, ses coups bas et ses coups de théâtre. Rappelons simplement que fin 2010, le nom a été mis aux enchères afin de couvrir les dettes du précédent propriétaire. Il a été acheté par la société Clover Holdings 13 millions de dollars. Son métier, le développement d'actifs Internet.
 
Comparons cette activité aux promoteurs qui achètent des terrains ou des vielles maisons. Comme souvent, l'analogie immobilière sied particulièrement bien au monde des noms de domaine. Que le terrain soit virtuel ou réel, la stratégie est la même. Avec un nom de domaine aussi, on peut acheter un terrain en friche sur lequel il faudra construire du neuf, ou retaper de l'existant fatigué. Le but sera le même, augmenter l'attrait de la bâtisse afin de rendre son exploitation plus intéressante, ou de la revendre à profit.
 
Pour autant, lorsqu'il concerne les noms de domaine, le métier de promoteur reste pour beaucoup méconnu et difficile à comprendre. Ces "domainers" comme les appellent les américains ne parlent pas souvent. Il s'agit de ne pas trop dévoiler leurs recettes et leurs astuces. C'est pourquoi un entretient récemment publié par un bloggeur américain spécialisé dans le domaining est intéressant. Sous couvert d'anonymat, le patron de Clover Holdings y explique l'opération sex.com.
 
125 000 Internautes par jour 
Appelons le "Monsieur X", un surnom particulièrement bien adapté. L'homme indique que l'activité de Clover Holdings est ciblée sur les mots clefs ou les termes génériques représentatifs de secteurs industriels à fort potentiel de développement sur le Net. Personne ne sera surpris d'apprendre que le "charme" en fait partie. Depuis les premiers minitels, cette industrie a toujours su innover et générer des revenus. Encore aujourd'hui, elle fait office de poisson pilote pour le développement d'une foultitude de nouvelles technologies. La vidéo imbriquée dans les sites web - vous savez, ces petites séquences Youtube que vous partagez sans même y réfléchir sur Facebook - où croyez-vous que ces techniques aient été expérimentées en premier ?
 
Pour autant, Clover Holdings a d'abord cherché des possibilités de rentabilisation non axées sur le charme. Mais sans surprise, pour un nom comme sex.com, le vrai potentiel est dans la reproduction humaine. Alors pourquoi avoir même pensé un instant faire autre chose ? A cause de la connotation négative du charme bien entendu. Développer un autre type d'activité autour du nom aurait pu permettre de viser la bourse plus facilement par exemple. Un réflexe que l'entrepreneur européen n'a pas forcément immédiatement mais qui vient naturelle au domainer américain.
 
Mais viser le charme est le plus sûr moyen de développer un trafic important autour de sex.com. Ah le trafic. Le sacré graal du domainer. Plus les embouteillages sont importants vers sont nom de domaine, mieux il se porte. On parle ici du nombre de visites que reçoit le nom. Or plus le nombre d'Internautes l'utilisant est élevé, plus il est possible de générer des revenus publicitaires intéressants.
 
Pour un nom aussi intuitif que sex.com, le trafic spontané, c'est à dire celui que le nom attire tout seul, est déjà important. Monsieur X révèle que depuis le rachat de sex.com, ce dernier reçoit entre 100 et 125 000 visites par jour. Un chiffre déjà très honorable. Mais en développant le nom, en mettant du contenu adapté derrière, le trafic devrait considérablement augmenter.
 
Moins de 2 ans pour gagner 13 millions de dollars 
On commence à comprendre pourquoi Clover Holdings était prêt à investir autant de millions sur sex.com. D'ailleurs, Monsieur X révèle qu'il aurait été susceptible d'aller plus loin pour l'acquérir, au-delà des 15 millions. Et qu'il n'était pas le seul à viser sex.com. "Après l'enchère, j'ai appris que plusieurs propositions à plus de 10 millions avaient été reçues," précise Monsieur X. "Il y en a même eu une au même prix que nous, c'est à dire 13 millions, mais avec une proposition de paiement à tempérament." 
 
Maintenant que sex.com est acheté, Clover Holdings n'envisage pas du tout de le revendre rapidement. "Le business model que nous mettons en place pour développer le nom devrait nous permettre un retour sur investissement complet en 20 mois," affirme son propriétaire.
 
Pour parvenir à de tels résultats, Clover Holdings va devoir faire preuve d'ingéniosité. "Nous allons travailler avec des partenaires expérimentés dans l'industrie du charme," indique Monsieur X. "Pour nous, la clef est de parvenir à monétiser le trafic en ne perdant aucune miette. Et comme les deux industries, celle du charme et celle du nom de domaine, évoluent très rapidement, nous allons devoir être assez souples pour pouvoir essayer des nouvelles tendances et des nouvelles méthodes."
 
Celles-ci seront bien entendu basées sur la vente d'espaces publicitaires. Les exemples de noms génériques développés en partenariats avec les spécialistes du secteur industriel concerné sont nombreux. Prenons Insure.com, dont le site propose des informations, des conseils, des forums... sur l'assurance.  Il y a aussi des liens commerciaux vers des compagnies d'assurance partenaires du site. A chaque clic sur l'un d'entre eux, le propriétaire d'insure.com reçoit une rémunération. C'est ce qu'on appelle le "pay per click".
 
En exploitant ces techniques, et en y ajoutant quelques nouvelles, Clover Holding vise donc des revenus considérables en peu de temps. Pour l'instant, avec ses quelques liens et sa présentation basique, le site sex.com ne paye pas de mine. Mais grâce à l'expertise de Clover Holdings, ça pourrait rapidement changer, et tourner à la belle démonstration de comment rentabiliser un achat de nom de domaine générique.