.XXX : L'expérience inédite

Le 7 septembre est un mercredi rose pour l'Internet. Le .XXX, extension réservée au contenu pornographique, se lance. Une ouverture intégrant des procédures innovantes pour diminuer les risques d'abus.

L'arrivée d'une extension dédiée à la pornographie inquiète. ICM, la société gestionnaire du .XXX, le sait. Après s'être battue pendant plusieurs années pour faire admettre ce nouvel espace virtuel, elle prend toutes les précautions possibles pour ne pas le voir détourné ou corrompu.
 
Pour trouver son public, la pornographie caricature souvent la "vraie vie". On détourne les titres de blockbusters, comme le prochain Batman, The Dark Knight Rises que l'on peut librement traduire par "le chevalier noir se relève" devenu The Dark Knight "Rises" dans sa version pornographique, les guillemets pour bien faire comprendre que c'est une partie spécifique de son anatomie qui se relève. D'ailleurs, ceux qui n'auraient pas remarqué cette subtilité comprendront vite en apprenant qu'au lieu de Batman, du Joker et du commissaire Gordon, le héros s'appelle à présent Buttman, le méchant The Poker, et le policier Commissionner HardOn. Nous vous laissons chercher les traductions...
 
Protection maximum pour les VIP 
Dans le même esprit, les noms des people sont souvent repris pour attirer le chaland vers des sites peu scrupuleux. Afin de prévenir ces dérives, et les éventuelles conséquences négatives qu'elles pourraient avoir en termes d'image pour son extension, ICM a donc décidé de bloquer un grand nombre de noms de stars.
 
Environ quinze mille noms auraient ainsi été bloqués pour les préserver de toute usurpation. Parmi eux se trouveraient des Beyonce.xxx, AngelinaJolie.xxx, Madonna.xxx, BritneySpears.xxx, HalleBerry.xxx, WinonaRyder.xxx, JustinBieber.xxx, BradPitt.xxx, CharlieSheen.xxx, GeorgeMichael.xxx, EltonJohn.xxx, DonaldTrump.xxx... et même Obama.xxx ou OsamaBinLaden.xxx !
 
Ces noms sont donc "bloqués". Ils ne peuvent être enregistrés. Une sacrée protection pour ceux qui en bénéficient, et un signal fort envoyé par ICM sur sa volonté d'éviter les détournements de noms de domaine au sein du .XXX. Des noms qui auraient certainement pu être vendus par ICM (peut-être même plus chers que les noms "standards"). La société montre donc ses priorités : avoir une extension saine, avant de chercher à gagner de l'argent (même si elle ne s'est jamais caché de ses ambitions mercantiles). Sur un domaine controversé comme le X, afficher cette volonté ne peut que rassurer... et donc assurer la pérennité de l'extension.
 
Une question de confiance 
Le .XXX a été conçu dans un but précis : signaler le contenu pornographique sur les autoroutes de l'Internet à l'aide de "panneaux avertisseurs", les noms de domaine en .XXX. Sans confiance, l'extension ne fonctionnera pas. Et la confiance vient aussi du fait que seuls les propriétaires légitimes peuvent acquérir des noms de domaine. Ceux qui détiennent vraiment une marque ou un produit. Ceux qui sont vraiment les personnes célèbres dont le nom est utilisé. Ceux qui disposent vraiment de sites à caractère pornographique légitimes, sur lesquels les clients se sentent en sécurité pour naviguer sans peur de voir leurs ordinateurs infectés, et pour payer sans voir leurs informations bancaires dérobées.
 
ICM appuie sa stratégie sur un programme de lancement détaillé. Le 7 septembre, les professionnels de l'industrie pornographique ayant une marque, ou pouvant justifier d'un nom de domaine déjà déposé dans une autre extension, ont pu enregistrer le .XXX correspondant.
 
Mais ils ne sont pas les seuls concernés. Depuis le 7, ceux qui n'ont rien à voir avec cette industrie, mais qui veulent protéger leur marque, peuvent demander le blocage du nom correspondant en .XXX. Un niveau de protection similaire à celui offert aux VIP, sauf qu'ici, il faut payer.
 
Proposer de rendre des noms inexploitables est une solution innovante. Mais la nature du .XXX le permet peut-être plus facilement que sur d'autres extensions. Normalement, pour préserver sa marque, il faut enregistrer le nom de domaine. Ensuite, libre à son déposant de l'utiliser ou pas. Or avec le .XXX, les "enregistrements préventifs" de noms de domaine n'auraient potentiellement aucune chance d'être exploités. En effet, on voit mal un loreal.xxx redirigé par le géant des cosmétiques vers loreal.com...
 
ICM ne pousse donc pas à l'exploitation d'un nom qui, en plus, dénaturerait l'extension. Le .XXX est en effet le domaine de la pornographie, pas des parfums. Pour que l'extension garde son sens, les seuls sites actifs doivent être des sites de charme. La solution : bloquer le nom et faire en sorte que personne ne puisse l'utiliser, mais également que personne ne se sente obligé de l'utiliser.
 
L'enfer est pavé... 
Les innovations proposées par ICM paraissent bien pensées. Et si, malgré ces dispositifs, un pirate parvient à usurper un nom en .XXX, ICM a conçu un système de résolution des litiges se voulant plus rapide que ce qui existe actuellement.
 
Ces mesures préventives seront-elles efficaces ? On peut se poser la question, notamment pour ce qui est du blocage des noms appartenant aux VIP. En effet, ICM ayant décidé de ne pas divulguer cette liste, qu'en est-il de sa composition ? Les stars américaines seraient-elles privilégiées ? Hors US, comment les noms à protéger ont-ils été choisis ? Celui de David Cameron, le premier ministre britannique, semble par exemple être à l'abri. Nicolas Sarkozy ou François Fillon également. En revanche, qu'en est-il d'Angela Merkel et du prince Albert de Monaco ? Ou même de Dominique Strauss-Kahn, que les américains commencent à connaître...?
 
Même si certains noms, atypiques comme celui de la ville de Condom dans le Gers, ou ceux de personnalités du monde des affaires comme Bill Gates, n'ont visiblement pas été anticipés, ICM semble pourtant avoir de bonnes intentions. D'elles dépendent la crédibilité et la pertinence du .XXX. Et peut-être celles d'autres extensions à venir. Car si les innovations du .XXX sont un succès, la prochaine vague d'extensions, attendue début 2013, s'en inspirera certainement. Il faut dire qu'en matière de technologie, le X a souvent été précurseur.