Professions réglementées (notaire, avocat...) : attention aux signes indisponibles dans vos marques !

Souvent, la tentation est grande de s'approprier des signes qui font l'objet d'une réglementation spécifique, ce qui ne peut conduire qu'à un échec, comme en témoigne cette affaire relative à la marque "NOTAIRES 37".

En l'espèce, une société de services, NOTARIAT SERVICES, avait déposé la marque "NOTAIRES 37" pour viser les produits de l'imprimerie (classe 16) et les services publicitaires (classe 35). Elle avait tenté de s'opposer à l'utilisation du signe "LES NOTAIRES 37" pour désigner un journal d'annonces immobilières diffusé dans le département d'Indre et Loire.
C'est ainsi que, sur la base de ses droits de marque, cette société avait assigné la société éditrice du journal pour solliciter des mesures d'interdiction provisoire. En défense, l'éditeur a soulevé à titre reconventionnel la nullité de la marque "NOTAIRES 37", ce qui n'a pas convaincu la Cour d'appel, qui a fait droit aux prétentions de la demanderesse.
La victoire fut toutefois de courte durée, puisque, par un arrêt du 16 avril 2013, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a censuré l'arrêt de la Cour d'appel, en considérant que cette marque était bien nulle et, surtout, que cette nullité était "manifeste", de telle sorte que le Juge des référés, juge de l'évidence, aurait dû débouter la demanderesse de ses prétentions. L'argumentation déployée par la Cour de cassation est d'une simplicité enfantine : "l'adoption et l'usage, à titre de marque, du titre appartenant à une profession réglementée par l'autorité publique, sans en être titulaire, est contraire à l'ordre public".

Concrètement, ceci semble signifier que celui qui n'est pas lui-même notaire ne peut pas valablement déposer une marque comportant le terme "NOTAIRE". De même, seuls des avocats peuvent déposer une marque incorporant le signe "AVOCAT".
Cette solution est fondée sur l'article L. 711-3 b) du Code de la propriété intellectuelle, selon lequel "Ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe : (…) contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs,  ou dont l'utilisation est légalement interdite."
Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'à la suite d'une autre décision judiciaire, du 21 février 2013, la marque "NOTAIRES 37" a été transférée au Conseil régional des notaires de la Cour d'appel d'Orléans, qui en est effectivement le titulaire légitime dans la mesure où le signe en question désigne de manière évidente les notaires du département d'Indre et Loire, indépendamment des considérations relatives aux produits et services visés.
Pour autant, cela signifie-t-il que les signes "NOTAIRES" et "AVOCATS" (ou "PHARMACIENS", etc.) sont absolument indisponibles ? Pas du tout. Il est tout à fait possible, par exemple, que l'éditeur d'une revue destinée aux notaires dépose lui-même valablement ce signe s'il est accompagné d'autres termes.
N'est-ce pas d'ailleurs le cas dans lequel la société NOTARIAT SERVICES s'était placée ? Pas tout à fait. Elle avait eu la mauvaise idée de déposer une marque particulièrement générique, qui laissait à penser qu'elle désignait des services fournis par des notaires, non à des notaires. Tout le contraire d'une marque comme "JOURNAL DES NOTAIRES ET DES AVOCATS", déposée par la société LAMY. Il n'est pas non plus inintéressant de noter qu'il existe une marque "L'AUTHENTIQUE CRAVATE DE NOTAIRE", déposée en classe… 25 pour désigner des vêtements, dont la régularité ne devrait pas susciter de question.

La société NOTARIAT SERVICES, pour sa part, s'est fait une spécialité de procéder à des dépôts marques sur le même principe, "NOTAIRES 45", "NOTAIRES 41", "NOTAIRES VAL DE LOIRE", "NOTAIRES DE BRETAGNE", etc. Aux mêmes causes, les mêmes effets : nul doute que tous ces signes s'exposent à la même sanction…