Jérôme Stioui (Ad4Screen) "Le nouvel outil de tracking d'Apple reste centré sur le monde applicatif"

Quelle différence avec l'UDID ? Quelle utilisation, pour quels résultats ? Le fondateur d'Ad4Screen vous explique ce que le nouvel identifiant lancé par Apple, IFA, va apporter aux agences et annonceurs.

JDN. Apple a annoncé la suppression de l'UDID, il y a un an. Où en est-on aujourd'hui en matière de tracking sur iOS ?

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Jérôme Stioui, co-fondateur d'Ad4Screen © Ad4Screen

Jérôme Stioui, Ad4Screen. La pierre angulaire du tracking in-app, l'UDID, a été supprimée car elle posait problèmes en termes de vie privée. Cet identifiant unique, assigné de façon permanente à un smartphone et utilisé par les marketeurs pour tracker les conversions, contrevenait aux règles élémentaires en la matière. Apple avait donc décidé d'en interdire l'utilisation, retirant toutes les applications qui s'en servaient, à partir de mai 2012 et annonçant travailler à une alternative.

C'est chose faite depuis septembre 2012 avec l'apparition de l'IFA, "Identifier for advertisers", à l'occasion du lancement d'iOS 6.  C'est un numéro qui est assigné à un utilisateur et son appareil et qui peut être effacé à tout moment, par un reset de l'appareil (avant de le vendre par exemple). L'utilisateur peut également interdire son exploitation via un opt-out dans ses paramètres de réglages.

Les annonceurs sont-ils nombreux à l'utiliser ?

Pas encore. Lorsqu'Apple a annoncé la fin de l'UDID, beaucoup de réseaux publicitaires ont privilégié l'utilisation de la Mac Adress, une fonctionnalité similaire à l'UDID et tout aussi permanente. Le souci c'est qu'Apple a également bloqué son utilisation avec l'arrivée d'iOS 7. De telle sorte que beaucoup se retrouvent  le bec dans l'eau.

Mais la migration reste un processus assez lourd. Les réseaux publicitaires sont encore loin d'avoir tous rendu leur inventaire compatible à cette solution. Il faut qu'ils ajustent leur SDK et qu'ils demandent ensuite aux éditeurs de le mettre à jour dans leur application. Et vu que ces derniers ont tendance à attendre pour procéder à une mise à jour plus importante de leur application, cela prend souvent du temps. D'autant que l'acceptation des mise à jour par les utilisateurs est souvent très étalée dans le temps. Plusieurs mois après la notification, on n'a souvent que 80% des détenteurs qui y ont procédé. Si je me fie à ce que me disent les réseaux publicitaires, ce n'est pas plus de 15% de leur inventaire qui est compatible avec l'IFA.

La solution est-elle satisfaisante ?

En ce qui concerne le monde applicatif, la solution semble être à même de s'installer dans le temps et permettra de tracker les conversions in-app. Reste que l'on ne sait jamais à quoi s'attendre de la part d'Apple. Surtout, l'IFA comme l'UDID ou la Mac Adress ne fonctionne qu'au sein des applications. Ce n'est donc pas une technique exhaustive, toute la partie navigation mobile étant laissée de côté. Les annonceurs qui voudraient tracker le ROI de leurs campagnes search ou display mobile sont, de ce point de vue, négligés. C'est la raison pour laquelle je crois plus à la technique du fingerprinting, qui permet de calculer le ROI des campagnes d'acquisition depuis des sites mobile vers l'application. C'est ce que nous avons mis en place avec Ad4Perf.

Pourquoi pensez-vous qu'Apple n'a jamais proposé de solution pour réconcilier l'écosystème applicatif avec celui de la navigation mobile ?

Tout simplement parce qu'Apple a tout intérêt à ce que l'écosystème applicatif se développe au détriment de celui de la navigation mobile. Ne serait-ce déjà parce que Google excelle historiquement sur ce dernier. Et puis, il faut se rendre compte que le business model d'Apple est essentiellement adossé au monde applicatif. Ses principales sources de revenu restent les commissions que la société prélève sur les transactions réalisées via l'achat d'application ou l'achat in-app et le chiffre d'affaires de sa régie, iAD, qui ne monétise que la publicité sur application. Apple possède avec son App Store un véritable trésor de données qui lui permet de calculer de façon précise les conversions réalisées lors de campagnes de promotions d'applications.

Une chose est sûre. L'immaturité du système mobile entraîne des changements de protocole fréquents. C'est épuisant de courir après les règles et de devoir s'adapter sans cesse. D'où la nécessité de migrer vers des technologies universelles qui s'affranchissent de tout ça, à l'instar des cookies sur le Web.

Jérôme Stioui est le président-directeur général et co-fondateur d'Ad4Screen. Après un début de carrière chez Bain & Company et Unilever, Jérome Stioui crée Directinet en mai 2000 avec quatre associés, dont il est le PDG. Huit ans plus tard, la société est vendue au groupe britannique Interactive Prospect Targeting (IPT), pour 33 millions d'euros. Diplômé d'HEC, Jérôme Stioui enseigne par ailleurs le marketing interactif et le mobile marketing à l'Edhec, à l'Université de Lille et à l'Institut Supérieur du Marketing (ISM). Il a été membre du CCNum.