L'App Store est obsolète, voici ce qu'il faut changer

L'App Store est obsolète, voici ce qu'il faut changer La plus grande plateforme de téléchargement d'applications au monde est loin d'offrir des conditions de recherche optimales à ses utilisateurs. De plus, un sombre commerce s'y développe de manière inquiétante...

En l'espace de six ans, l'App Store d'Apple a créé un marché florissant. En 2013, le groupe a enregistré 10 milliards de revenus via l'App Store. A titre de comparaison, Facebook en a réalisé un peu moins de huit. En moyenne, deux milliards d'applications sont téléchargées chaque mois.

Pourtant, l'App Store n'est pas au point et ce, à bien des égards. Nous avons discuté de son état actuel avec une douzaine de développeurs. Comme l'App Store recense 1,2 millions d'applications, Apple a eu du mal à innover; il n'a donc jamais réellement évolué. La plainte qui revient le plus souvent concerne le processus de recherche de l'App Store : il est qualifié d'archaïque.

"En terme de découverte, l'App Store est médiocre, déclare Ouriel Ohayon, directeur et fondateur de la plateforme de découverte AppsFire. L'AppStore est un immense catalogue qui a permis de faire croître le système. Mais en réalité, la plupart des développeurs peinent encore pour toucher le bon utilisateur, et la plupart des utilisateurs se battent pour mettre la main sur l'application idéale."

Modifier l'App Store n'est pas une tâche aisée. Apple dépense environ 7 milliards de dollars par an pour les développeurs. Leur subsistance dépend entièrement du succès de de leurs applications sur l'App Store.

Du point de vue d'Apple, la satisfaction des développeurs est primordiale, sous peine de les voir partir chez Google ou Play Store. En pleine compétition avec Android, Apple possède un atout majeur : sa capacité à retenir les développeurs qui conçoivent des applications géniales. Sans ces derniers, Apple risque de perdre son combat.

Nous avons contacté Apple dans l'espoir d'obtenir un commentaire sur le sujet, en vain.

Recherche et potentiel de découverte

"La fonction recherche de l'App Store est totalement dépassée, déclare Erez Pilosof, développeur de l'application Hop, qui permet la réorganisation d'e-mails sous forme de chat. Si vous recherchez Hop sur l'App Store, vous obtiendrez toute une liste de résultats qui n'ont absolument aucun rapport avec les mails. Apple devrait être capable de contextualiser la fonction recherche."

Nous avons fait le test et le premier résultat fut Doodle Jump. Hop se trouvait 23 pages plus loin.

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23 pages plus loin, l'appli que nous recherchions... © Capture d'écran

Les "petites" applications comme Hop ne sont pas les seules à pâtir du piètre système de recherche de l'App Store. Lorsque Slingshot (créé par Facebok), le nouveau concurrent de Snapchat, fut disponible, taper 'Facebook' dans la barre de recherche ne suffisait pas à afficher l'application. Même si le Web était en effervescence, taper 'Slingshot' affichait de nombreuses pages en rapport avec l'appellation, obligeant les utilisateurs à faire défiler au moins 4 pages pour mettre le doigt sur la bonne application.

Aujourd'hui, en faisant la même opération, Slingshot est le premier résultat, mais les suivants semblent classés d'après leur nombre total de téléchargements, sans tenir compte de l'actualité et de la tendance.

Apple a tenté de résoudre ce problème. En 2012, la société a fait l'acquisition de Chomp, un moteur de recherche d'applications qui permet aux utilisateurs de trouver des applis selon leur fonction et pas simplement leur nom.

En 2013, ce fut au tour de la société d'analyse de données Topsy, partenaire officiel de Twitter, qui a indexé des centaines de milliards de tweets depuis le lancement du réseau social. La rumeur court que Chomp et Topsy ont été intégrés dans la recherche de l'App Store, mais il n'y a eu aucune amélioration notable à ce jour.

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Recherche de l'application Slingshot. © Business Insider

Déterminer la façon dont fonctionne la recherche sur l'App Store n'est pas une mince affaire. Comme il est vaste, de nombreuses applications portent le même nom, ont la même orthographe ou répondent au même mot-clé, nécessitant de fouiller parmi des pages anciennes et obscures; une contrainte particulièrement pénible lorsqu'on a une application précise en tête.

"L'App Store est en train de péricliter, remarque David Chartier, directeur marketing de l'équipe AgileBits, qui se cache derrière 1Password, une application de gestion de mots de passe. Certains changements sur l'App Store sont utiles, mais ils ne résolvent pas ce problème-là. Les vieilles applications ne devraient plus être disponibles. Celles qui n'ont plus été mises à jour depuis longtemps devraient bénéficier d'une notification pour rappeler aux développeurs de les actualiser dans un temps limité."

En gros, il s'agit de maintenir l'état de l'App Store pertinent et à jour pour les utilisateurs à la recherche d'une nouvelle application.

"Selon moi, inclure davantage de contexte serait utile, observe David. Je ne suis pas absolument convaincu par la façon dont régler ce problème, mais il existe certains indicateurs vraiment simples – tels que l'attention accordée par les médias à certaines applications – qui aideraient à filtrer la recherche dès le départ. Google a indexé 30 mille milliards de pages Web et le résultat est sacrément réussi; Apple devrait donc être capable de faire de même avec 1,2 millions d'applications.

"En terme de recherche, le potentiel est in-cro-ya-ble-ment puissant, assure Hilllel Fuld, directeur marketing de l'application de communication Zula. Mais la recherche contextuelle est médiocre... Apple devrait comprendre les intentions des utilisateurs et les traiter. Google y parvient de façon étonnante."

A l'instar de Google qui établit des parallèles à partir de l'historique de recherches de ses utilisateurs afin de personnaliser les résultats, Apple pourrait également introduire une sorte de recommandation personnalisée qui s'appliquerait directement à la recherche et lui ajouterait une dimension contextuelle précieuse.

"Ce qui fait défaut à l'App Store, c'est le degré de personnalisation nécessaire à chaque utilisateur, affirme Ouriel Ohayon. Au début, Apple a tenté de le faire avec Genius, mais personne ne l'utilisait, il a donc été abandonné. Aujourd'hui, il est remplacé par Explore, mais il ne permet pas d'obtenir des recommandations individualisées."

Amazon est un bon modèle qui combine curation de contenu et personnalisation, un système qui fonctionne bien et ne pose pas de souci. Google a également intégré des recommandations personnalisées sur son app store Google Play – elles sautent aux yeux des utilisateurs lorsqu'ils ouvrent l'application.

Puisqu'Apple ne demande pas à ses utilisateurs quelles applications ils préfèrent, la navigation sur l'App Store ne peut s'adapter à chaque individu ni constituer un cadre de recherche contextuelle.

Contenu illustré et curation

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Bannières de l'App Store. © iTunes

Autre problème de taille sur l'App Store : d'anciens modèles sont utilisés pour traiter les nouvelles applications.

Dans un podcast, Benedict Evans, partenaire chez Andreessen Horowitz, a employé une analogie parfaite pour décrire l'état actuel de l'App Store : il ressemble à l'annuaire de Yahoo lors du boom de l'Internet; c'est-à-dire une simple page actualisée à chaque fois qu'un nouveau site était mis en ligne. Cela semble insensé aujourd'hui, c'est pourtant exactement de cette façon que fonctionne l'App Store.

La Page Illustrée de l'App Store permet à Apple de mettre en valeur les applications innovantes et dont le design est jugé favorable.

Lancer une appli sur la Page Illustrée permet de booster instantanément son exposition et son téléchargement, mais beaucoup d'applications originales et visuellement réussies n'y figurent pas. Et comme il n'existe aucun moyen de financer son exposition, il est souvent difficile pour les applications mal classées de ne pas tomber dans l'oubli.

Créer une appli étonnante et attractive permet souvent de résoudre ce problème, mais pour les développeurs inexpérimentés et les petites équipes qui ne bénéficient pas encore du soutien d'Apple, le défi peut être colossal.

En discutant avec l'équipe à l'origine du jeu Angular, il s'est révélé évident que les développeurs apprécieraient une section "Nouveautés" ou "Tendances" sur la Page Illustrée, et qui serait réservée uniquement aux nouvelles applications.

"La nouveauté s'apparente plus à un système démocratique, affirme Adrit Lath, responsable du développement d'Angular. Si votre application est bien faite, elle se placera en tête. S'il existait un procédé similaire sur l'App Store, ce serait super. J'apprécie ce moyen de promouvoir les contenus intéressants."

Apple a présenté un "Indie Game Showcase", mais ce dernier se concentre uniquement sur une application indépendante "populaire" et l'équipe qui l'a mise au point; les nouveaux développeurs n'ont toujours pas la possibilité d'y faire figurer la leur.

Publicité et achat d'avis

En 2010, pour la modique somme de 275 millions de dollars, Apple a acheté Quattro Wireless, une société de publicité mobile. A cette époque, l'idée était de créer un réseau publicitaire mobile centré sur l'iOS, afin de s'assurer que les développeurs gagnent de l'argent grâce aux applications gratuites. Google, avec son expérience en matière de publicité, représentait une menace pour l'App Store.

Apple était sur la bonne voie, mais l'idée n'a jamais été réellement appliquée à la publicité mobile. Les développeurs ont mis au point d'autres moyens de faire leur pub.

Les gros développeurs ont dépensé des millions de dollars en publicité afin d'augmenter leur visibilité via les médias sociaux, augmentant du même coup leur exposition, les téléchargements de l'application et leur hausse dans le classement de l'App Store. Les publicités affichées sur votre page Facebook ou Twitter sont un bon exemple de ce moyen populaire qu'ont trouvé les développeurs pour promouvoir leurs applications.

Etant donné que le budget des start-up représente uniquement une petite partie de celui que possèdent les studios déjà bien établis, il est extrêmement difficile pour les développeurs indépendants de rivaliser.

Apple devrait peut-être proposer des listes de recherche payantes sur l'App Store, ainsi que des emplacements payants sur la page d'accueil, mais les petits développeurs seraient évincés par les gros.

Puisqu'il n'existe aucune méthode simple de grimper dans les classements, les développeurs s'en sortent avec des  alternatives, loin d'être idéales.

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Des applications stupides sont parfois en premières pages... © Business Insider

"Certaines sociétés malhonnêtes – fait réellement déplorable – paient des gens pour noter les applications, révèle Erez. Vous pouvez dépenser 5000 dollars et grimper dans les charts. Je pense qu'Apple ne devrait pas prendre cela à la légère, il s'agit vraiment d'un problème considérable."

Il souligne également que le décalage au sein du classement pousse les autres développeurs à acquérir de fausses notes au marché noir, une pratique qui permet à l'application d'obtenir des notes suffisamment bonnes pour bénéficier d'une exposition légitime et se maintenir à cette place-là.

Tout cela tend à prouver que le marketing, honnête ou non, joue aujourd'hui un grand rôle dans le choix des applications qui sont mises en avant; les rares solutions pour accéder à la postérité conduisent les équipes de développeurs à se détourner de ce sur quoi elles devraient réellement se concentrer : la conception de la meilleure application possible.

Co-fondateur et développeur de l'App Store, également ancien designer d'iPhoto, Mark Kawano exprime son désaccord face à ceux qui se soucient trop du marketing et de leur exposition; la qualité de l'application devrait rester leur unique préoccupation.

"Il faut s'attacher uniquement à mettre au point la meilleure application possible, déclare Mark. Le marketing et la distribution sont évidemment des critères à prendre en compte, mais dans l'ensemble, ce sont les meilleures applications qui subsistent.

Il s'agit là d'une vision idéaliste de l'App Store. Il n'est pas rare non plus d'observer des applications qui apparaissent dans les charts et vous font vous arracher les cheveux, telle que "Kim Kardashian:Hollywood" ou des applications parodiques comme Flappy Bird, Toilet Time ou Fatify, téléchargées mais rapidement supprimées une fois l'effet de nouveauté retombé.

En théorie, le Top Chart devrait représenter les échelons à gravir jusqu'à figurer sur la Page Illustrée, mais l'association d'applications idiotes et d'anciens classiques tire l'expérience de navigation sur l'App Store vers le bas; une bien désagréable manière de découvrir les applications qui rehaussent le niveau.

Ces six dernières années, de nombreux utilisateurs ont prédit la situation de l'App Store, et se sont rabattus sur le bouche à oreille ou les médias sociaux tels que Twitter ou Facebook pour faire découvrir leurs applications, une attitude qui devrait précisément inquiéter Apple.

L'App Store devrait permettre de rechercher des applications de manière intuitive et sans effort, qu'elles soient célèbres ou non, et servir de tremplin de la même façon que Google, au lieu du système de vente directe qu'il est actuellement. Personne ne doute du fait qu'Apple a développé le monde des applications, mais Ouriel Ohayon est convaincu qu'il reste énormément de travail à accomplir. "L'App Store est passé d'une application à un million; c'est là le seul paramètre qui a changé", déclare-t-il.

Il est temps qu'Apple rattrape son retard.

Article de Steven Tweedie, Traduction de Floriane Wittner, JDN

Voir l'article original : Apple's App Store Is An Ancient And Outdated Mess ? Here's What Has To Change