Commande vocale : les concurrents d'Amazon Echo dans les starting-blocks

Commande vocale : les concurrents d'Amazon Echo dans les starting-blocks Commander sa maison par la voix est l’avenir de la domotique. De nombreuses start-up fourbissent leurs armes pour se positionner sur ce créneau popularisé par le géant du e-commerce.

La nouvelle poule aux œufs d'or d'Amazon n'est autre que l'IoT : son haut-parleur intelligent Echo, qui permet de diriger par la voix les objets connectés de l'univers de la maison, fait un carton. Le géant du e-commerce compte en vendre plus de 10 millions d'unités d'ici fin 2017. Si ces prévisions se concrétisent, ces appareils lui auront permis de dégager au total un chiffre d'affaires d'un milliard de dollars. Face à ce succès inattendu, de nombreux acteurs investissent le secteur. Des géants, comme Google et son haut-parleur Google Home, mais aussi des start-up.

Cette bataille mérite-t-elle vraiment d'être menée ? C'est ce que semblent penser les investisseurs et les particuliers qui ont mis la main à la poche pour soutenir Interactive Voice. L'entreprise californienne, qui va commercialiser début 2017 son haut-parleur intelligent Ivee, a levé 1,5 million de dollars auprès de professionnels du capital-risque, mais a également collecté 94 000 dollars grâce à une campagne de crowdfunding bouclée en septembre 2015. "Une preuve que le marché est mature", affirme Jonathon Nostrant, fondateur et PDG d'Ivee, qui a décidé de se lancer dans cette aventure en 2011, inspiré par le film Iron Man dans lequel les humains peuvent communiquer facilement avec les machines.

Ivee a collecté 94 000 dollars via une campagne de crowdfunding, une façon de tester son marché

"Les clients doivent avoir dans leur maison plusieurs appareils connectés pour que cela vaille le coup d'acheter un produit de commande vocale domotique", souligne Maurizio Omologo, chercheur italien qui a travaillé pendant trois ans sur le développement d'un appareil similaire dans le cadre du projet recherche Dirah, soutenu par l'Union européenne. "Comment voulez-vous que le secteur décolle sans cela : les consommateurs ne vont pas acheter toute une série d'appareils domotiques ET un appareil de commande vocale en une seule fois, cet investissement serait trop important pour la majorité des ménages", poursuit-il.

Interactive Voice a déjà fait une fois les frais du manque de maturité du marché. L'entreprise a commercialisé en 2013 un radio réveil permettant de communiquer par la voix avec des appareils domotiques. "Ce lancement s'est soldé par un échec. Mais aujourd'hui, les objets connectés sont de plus en plus présents dans les foyers", assure l'entrepreneur. Sans être véritablement "mainstream", le marché de la domotique décolle doucement, surtout en Amérique du Nord où il devrait atteindre d'ici 2020 un chiffre d'affaires de 21 milliards de dollars selon une étude de Transparency Market Research.

Le marché de la domotique décolle doucement, surtout en Amérique du Nord où il devrait atteindre d'ici 2020 un chiffre d'affaires de 21 milliards de dollars

Pour ne pas être mis au tapis par ses énormes concurrents Amazon, Google et consorts, Ivee a musclé plusieurs aspects de son offre : "nous avons perfectionné notre technologie de reconnaissance vocale", souligne le patron de la jeune pousse. L'utilisateur n'a pas à accomplir un effort pour s'adresser à la machine, c'est elle qui comprend son vocabulaire, sa façon de parler. Le client d'Ivee n'a pas besoin de hurler lorsqu'il veut allumer la lumière, son système de reconnaissance du langage naturel fonctionne même dans un environnement bruyant.

Interactive Voice développe également une API (interface de programmation) pour permettre à n'importe quel développeur de relier son objet connecté à Ivee. La start-up Athom a elle aussi fait le choix de l'ouverture pour son haut-parleur Homey, qui sera disponible dès la fin du mois de septembre 2016. "Aujourd'hui, plus de 100 appareils intelligents peuvent être commandés par Homey et une centaine d'informaticiens ont travaillé à partir de notre plateforme open source. Nous ne connaissons même pas tous les outils qui fonctionnent avec notre produit", s'amuse Stefan Witkamp, co-fondateur et directeur commercial d'Athom.

Pour maximiser ses chances de percer sur le marché de la domotique, l'entreprise a décidé de créer un appareil hybride. Les objets connectés reliés à Homey peuvent être commandés par la voix mais aussi grâce à une application mobile. "La commande vocale est un système complémentaire, très pratique dans certaines situations, comme lorsque vous avez du linge dans les mains et que vous avez besoin d'allumer la lumière de votre salle de bain. Mais nous voulions que Homey soit hybride car le consommateur moyen n'a pas encore l'habitude de s'adresser vocalement à des objets. Nous sommes encore dans une phase 'd'early adoption.'" Pour le fondateur d'Athom, le marché de la commande vocale domotique ne deviendra grand public que d'ici cinq ans.

"Plus de 100 appareils intelligents peuvent être commandés par Homey"

Une idée que ne partage pas Christophe Gomez, directeur du business développement EMEA de l'offre IoT de Nuance, une entreprise américaine spécialiste de la commande vocale. "De plus en plus de consommateurs demandent aujourd'hui vocalement à leur GPS de changer de destination lorsqu'ils sont au volant de leur voiture. Le fait qu'Apple ait rendu son logiciel de reconnaissance vocale Siri accessible sur ses smartphones a également participé à l'éducation du grand public à cette nouvelle technologie. Et pour de nombreux clients, notamment les personnes du troisième âge, parler à un objet est plus simple que de communiquer avec lui via une application."

Pour emporter le morceau dans cette bataille, les acteurs du marché de la commande vocale domotique devront également tisser avec leurs clients des relations de confiance. "Ces opérateurs collectent dans le domicile de leurs utilisateurs des données personnelles confidentielles. Il faut qu'ils expliquent clairement à leurs clients ce qu'ils vont faire de ces données", pointe Maurizio Omologo. Certains appareils, comme le système Dirah sur lequel a travaillé le chercheur italien, n'enregistrent les données que lorsqu'un mot d'appel a été prononcé. Le reste du temps, ils sont passifs.

"Plusieurs opérateurs télécoms travaillent à partir de leur gamme de produits sur des solutions concurrentes à Amazon Echo"

D'autres, comme le haut-parleur Echo d'Amazon, ont toujours une oreille qui traîne. Ils enregistrent tout ce qui se passe dans la maison et l'envoient dans le cloud. Libre ensuite au groupe de revendre ces données à des publicitaires si le client a donné son accord en signant les conditions d'utilisation du produit. Un utilisateur ayant parlé avec ses enfants d'une hypothétique expédition au Chili et qui se retrouve avec des publicités d'agences de voyage pendant des semaines sur son mobile risque fort de ne pas être satisfait… Les acteurs du secteur vont devoir tâter le terrain pour comprendre ce que leurs clients sont prêts à partager avec eux et éventuellement avec des acteurs tiers.

Les données à prendre en compte pour analyser ce segment de marché sont multiples et il est encore trop tôt pour savoir quelles entreprises réussiront à titiller Amazon dans ce qui reste pour l'instant son pré carré. D'autant plus que de nouvelles entreprises se préparent à lancer leur outil de commande vocale. Nuance a sorti début 2016 la solution Nuance Mix, qui permet aux développeurs d'objets connectés d'ajouter une fonction de commande vocale à leur appareil. Ils peuvent programmer de manière autonome les nouvelles phrases qui ne font pas forcément partie du dictionnaire de base du logiciel. "Plusieurs opérateurs télécoms sont par exemple clients de cette solution et travaillent à partir de leur propre gamme de produits sur des solutions concurrentes à Amazon Echo", glisse Christophe Gomez.