L'IoT a tout pour plaire aux vétérinaires mais doit encore les séduire

L'IoT a tout pour plaire aux vétérinaires mais doit encore les séduire Avec son distributeur à croquettes et son traceur pour animaux, Catspad et Invoxia entendent répondre aux besoins des vétérinaires, notamment pour surveiller à distance la santé animale.

La télémédecine animale a été autorisée lors du premier confinement en France, avec la publication d'une réglementation le 5 mai 2020. "Le déconfinement a eu lieu quelques jours plus tard donc la pratique n'a pas été adoptée. Il y a un retard en France sur ce sujet par rapport au Royaume-Uni. Pourtant, il y a de grands avantages à voir l'animal dans son foyer", regrette Grégory Santaner, vétérinaire et consultant sur la santé animale pour sa propre société VetoNetwork. L'IoT est selon lui l'un des outils les plus appropriés pour suivre à distance les paramètres de santé des animaux. "En analysant la fréquence de la consommation de nourriture et d'eau, et leur évolution dans le temps, l'on peut détecter les premiers symptômes de maladies", confirme Stéphane Cluseau, vétérinaire en région toulousaine, qui échange depuis cinq ans avec la start-up toulousaine Catspad pour développer les usages médicaux autour d'un distributeur connecté d'eau et de croquettes pour chat.

Car le premier besoin des vétérinaires est l'obtention d'informations sur l'animal au quotidien. "En consultation, on ne voit l'animal qu'une vingtaine de minutes et, dans le cas de démangeaisons par exemple, il ne se gratte pas forcément sur place. On ne peut s'appuyer que sur les dires des propriétaires qui ne peuvent pas non plus observer leur animal toute la journée", justifie Grégory Santaner. L'arthrose est par exemple la cause d'un sommeil agité, que les propriétaires ne détectent pas de premier abord.

Malgré ces avantages, aucune solution IoT en France adressée aux vétérinaires n'est utilisée de manière répandue. "En Europe et aux Etats-Unis, ce sont essentiellement des start-up qui sont à l'origine des objets connectés proposés sur le marché", indique Araxie Papazian, consultante chez le cabinet de conseil BearingPoint. "Le marché n'est pas mature, nous ne trouvons pas de solution qui fédère les professionnels et qui garantisse la fiabilité des données", souligne Stéphane Cluseau. Un avis partagé par le Comité d'éthique animal, environnement, santé, créé par le Conseil national de l'Ordre des vétérinaires, qui pointe lui aussi le manque de fiabilité des résultats, dans un rapport publié en juillet 2020.

Les différentes plateformes, un frein à l'adoption

Le distributeur Catspad est équipé d’une antenne RFID qui permet d’identifier jusqu’à 5 chats en fonction de leur médaillon d'identification. © Catspad

C'est ce qui a poussé Stéphane Cluseau à faire des retours à la start-up toulousaine Catspad, afin de développer les usages médicaux autour de son distributeur connecté d'eau et de croquettes pour chat. Destiné à contrôler et suivre à distance et en temps réel l'alimentation du chat grâce à une application smartphone dédiée, ce distributeur vendus aux propriétaires 389 euros permet au vétérinaire d'avoir une connaissance quotidienne de la routine alimentaire du chat et de déduire l'évolution de son poids afin de détecter les insuffisances rénales, la maladie la plus répandue chez l'animal.

De son côté, Grégory Santaner a échangé avec l'entreprise française de traceurs GPS Invoxia à propos de son offre de suivi de la santé animale à destination des vétérinaires. Cette solution pour chiens et chats se base sur le traceur Pet Tracker pour déterminer, grâce à du deep-learning contextuel, quand l'animal boit, se gratte ou aboie pour les chiens. "Nous manquons de solutions validant que nos traitements fonctionnent et que l'animal retrouve une activité grâce à des soins particuliers", confie Grégory Santaner. Invoxia entend collecter des données à grande échelle pour optimiser la solution en continu. Avec ses traceurs commercialisés depuis deux ans auprès du grand public pour un montant de 119 euros, elle a déjà récolté un million de journées de suivi. Les vétérinaires ont accès, avec un abonnement mensuel de 49 euros, aux données remontées par les traceurs des animaux et à des comparatifs entre individus d'une même race sur une plateforme web ou mobile.

"Pour l'heure, il faut se connecter à différentes plateformes, ce qui représente un frein à l'adoption."

"Avec le suivi que permet l'IoT, les vétérinaires pourront plus facilement fidéliser les propriétaires d'animaux et changer la relation qu'ils entretiennent avec eux", met en avant Amélie Caudron, CEO d'Invoxia, qui se réjouit de l'intérêt qu'ont manifesté les professionnels. Les particuliers pourraient pour leur part faire baisser leurs frais vétérinaires grâce à l'IoT. "Si les symptômes de maladies sont détectés au plus vite, cela permet une prise en charge immédiate. Souvent les animaux nous sont amenés quand la maladie est déjà bien avancée, les interventions sont alors plus lourdes", observe Stéphane Cluseau.

La prochaine étape pour démocratiser le suivi à distance de la santé animale sera d'interconnecter les objets connectés avec le logiciel professionnel des vétérinaires pour faciliter l'exploitation des données. "Pour l'heure, il faut se connecter à différentes plateformes, ce qui représente un frein à l'adoption", regrette Grégory Santaner. Invoxia collabore en ce sens avec l'éditeur Digivet, qui équipe 500 cliniques vétérinaires, pour leur fournir des API. Son objectif est de séduire les professionnels du marché. Près de 18 000 vétérinaires officient en France, qui compte plus de 6 500 cliniques vétérinaires.

"Il faut aussi davantage de validation scientifiques car si les produits pour la télémédecine humaine sont homologués, ce n'est pas le cas pour celle des animaux", note Stéphane Cluseau, rappelant que les solutions sont pourtant déjà développées pour les animaux d'élevage, notamment pour les vaches, "l'animal le plus connecté". Un constat aussi partagé par Bearing Point : "Pour démocratiser au sein de la profession l'usage de l'IoT, il faudrait une labellisation de qualité car le statut "dispositif vétérinaire" n'existe pas aujourd'hui, rappelle Estelle Noe. Près de 50% des vétérinaires conseilleraient davantage des applications mobiles de santé animale si elles étaient évaluées par un organisme indépendant, selon le baromètre du Vétérinaire Connecté 2019."