Réalité augmentée : vers un futur plus immersif ?

L'annonce fracassante de Microsoft a beaucoup fait parler en signant récemment avec l'armée américaine un contrat de 22 milliards de dollars sur 10 ans pour la vente de 120 000 casques de réalité augmentée. Si toute proportion gardée, nous aurions préféré un engagement sur des fronts moins armés, l'annonce est néanmoins révélatrice quant au chemin parcouru par cette technologie, encore aujourd'hui vue comme futuriste ou parfois gadget.

L’annonce fracassante de Microsoft a beaucoup fait parler en signant récemment avec l’armée américaine un contrat de 22 milliards de dollars sur 10 ans pour la vente de 120 000 casques de réalité augmentée. Si toute proportion gardée, nous aurions préféré un engagement sur des fronts moins armés, l’annonce est néanmoins révélatrice quant au chemin parcouru par cette technologie, encore aujourd’hui vue comme futuriste ou parfois gadget. D’autres secteurs comme celui de la santé s'emparent aussi de ces technologies pour créer des usages à fort impact positif.

Passage à l’échelle dans le B2B 

La collaboration entre des big tech et l’armée américaine n’est pas nouvelle. Microsoft mène la danse avec déjà plus de 5 000 contrats de sous-traitance ; Amazon et Google suivent le pas avec quelques centaines.

GAFA mis de côté, le U.S. Army's Integrated Visual Augmentation System (IVAS) n’est pas nouveau lui non plus. La réalité virtuelle est au programme de l’U.S. Army depuis au moins 2012 dans la formation et l’entraînement des pilotes. IVAS est une suite logique à ces entraînements réalisés sous d’autres formes depuis des décennies (simulateurs de vols), et Microsoft avait déjà participé à ce projet en 2018 sur la phase de prototypage, avec un contrat de 480 millions de dollars. Mais c’est le montant astronomique du nouveau contrat qui a créé la surprise : 22 milliards de dollars ! De quoi réaffirmer le potentiel de cette technologie aux plus sceptiques. Cette annonce marque pour Microsoft le début du passage d’une phase de prototypage à une phase de déploiement. Il s’agit finalement d’une mise à l’échelle de son casque de réalité augmentée qui lui permettra de régler des problèmes structurels liés à sa technologie, et dont les modèles grand public et professionnel pourront bénéficier. 

Le même jour, on apprenait également que Snapchat préparait en coulisse la 3ème version de ses lunettes AR Spectacles. Une nouvelle génération qui fonctionnera sans smartphone et sera destinée aux développeurs et créateurs plutôt qu’au grand public. Et c’est sans compter les nombreuses rumeurs autour d’Apple, dont la dernière en date : des lunettes pesant moins de 150 grammes, qui viendraient rivaliser avec nos compagnons de poches, les smartphones. Autant d’illustrations d’un marché B2B en forte expansion et de signes avant-coureurs de la démocratisation du marché grand public à venir. 

Un marché de l’AR/VR en croissance exponentielle 

La réalité augmentée et la réalité virtuelle promettent en effet une croissance vertigineuse. Selon le dernier rapport du Grand View Research, le marché de la VR a atteint 15,8 milliards de dollars l’année dernière et celui de l’AR 17,7 milliards de dollars. On mesure d’autant plus la portée de l’annonce Microsoft, avec un contrat dont le montant dépasse à lui seul le marché actuel.

Avec un taux de croissance annuel composé (CAGR) estimé à 18% pour la VR et 43% pour l’AR sur la période 2021 - 2028, le marché pourrait représenter plusieurs centaines de milliards de dollars d’ici la fin de la décennie.

Pourtant, cette technologie peine encore à toucher le grand public. C’est pour l’instant non pas sur des lunettes augmentée mais bien sur son smartphone qu’il faut se tourner pour voir émerger les premiers cas d’usages les plus populaires et les plus rentables, principalement propulsés par les réseaux sociaux et l’e-commerce qui redoublent d’innovation. 

Sur les réseaux sociaux, Instagram et Snapchat s’en donnent à cœur joie en proposant chacun leurs filtres de réalité augmentée ainsi que leur plateforme d’édition pour les créateurs : respectivement Spark AR Studio et Lens Studio. On voit également émerger le Virtual Try On (VTO), une innovation pour réinventer l’expérience client en immersion avec des produits depuis chez soi, ou pour éviter de toucher les produits en période épidémique. Loin du gadget, ce cas d’usage rend ainsi possible l’essayage - virtuel - des produits avant de les acheter et éviter au maximum des retours produits pour maîtriser davantage son impact environnemental. Le VTO permet à des startups prometteuses comme PerfectCorp, fondée en 2014 et déjà présente dans une dizaine de pays, d’en démocratiser les technologies auprès des marques. Essayer son maquillage en ligne n’aura jamais été aussi facile et convainquant. 

Le smartphone demeure finalement le roi de la réalité augmentée grâce à quelques acteurs et technologies logicielles qui manient à la perfection la combinaison d’algorithmes d’IA et de frameworks AR. 

Une nouvelle génération d’appareils connectés pour un futur immersif

De nouvelles innovations hardware viennent également participer à cette démocratisation, puisque les smartphones s’équipent aujourd’hui d’une technologie de capteurs encore peu connue mais prometteuse : le Light Detection and Ranging. Plus connue sous l'appellation LiDAR initiée par Apple depuis mars 2020, il s’agit d’une technique inspirée du Radar mais avec la lumière, qui ouvre la porte à une nouvelle génération de devices augmentés (smartphone et lunettes). Ces capteurs permettent de scanner et reconstituer en 3D le monde réel en temps réel, et ainsi profiter d’une expérience encore plus immersive. Un an après le lancement de cette technologie sur les iPad Pro, on trouve déjà une dizaine d'applications sur l’app Store autour de l’aménagement et du design d’intérieur qui utilisent la technologie.

D’autres publications récentes annoncent aussi de belles avancées matérielles comme le Facebook Bracelet Bellowband et le Tundra tracker, des dispositifs wearables qui s’ajoutent aux traditionnels casques et lunettes XR pour rendre les interactions plus intuitives. Le bracelet Bellowband permettra prochainement de contrôler les objets virtuels au millimètre près grâce à une technologie de capteurs - l’électromyographie (EMG) - capable de mesurer les signaux nerveux qui traversent le bras. On peut s’imaginer dors et déjà des usages révolutionnaires qui viendront faciliter et améliorer les gestes minutieux pratiqués en chirurgie par exemple. 

In fine, de la même façon que Facebook a impulsé une hype de la VR en 2014 en rachetant la société Oculus pour 2 milliards de dollars, les GAFA continuent de pousser l’évolution de ce marché et ouvrent la voie à d’autres acteurs aux travers d’initiatives immersives et positives :  AppliedVR en est un autre bon exemple et vient d’obtenir un financement de 29 millions de dollars pour développer sa technologie de gestion de la douleur chronique, qui mise sur les vertus thérapeutiques de l’immersion pour soigner plus efficacement et à moindre coût.