Qualité de l'air : smart cities et capteurs IoT trouvent un second souffle

Qualité de l'air : smart cities et capteurs IoT trouvent un second souffle Les collectivités françaises mettent en place des protocoles d'aération précis en fonction du nombre de personnes, du système d'aération et de l'évolution du taux de CO2 dans le temps grâce aux objets connectés.

Ecoles, bâtiments publics, quartiers propres… Depuis le début de la crise sanitaire, la mesure de la qualité de l'air fait partie de la plupart des projets des grandes collectivités françaises. A l'image de Nice, qui a commandé en octobre à la start-up française eLichens 140 capteurs destinés à ses écoles et sa mairie. De même, la région Auvergne-Rhône-Alpes en a installé lors de la rentrée scolaire en septembre plus de 3 000 dans ses lycées avec le fabricant français Adeunis, et La Rochelle en déploiera à grande échelle dans le cadre de la création d'une plateforme de données territoriales pour le suivi de l'impact carbone du territoire dans le but d'atteindre la neutralité en 2040. "L'objectif d'une smart city est d'assurer la qualité de vie des citoyens et la mesure de la qualité de l'air est devenue avec la crise sanitaire un critère incontournable", résume Jacques le Conte, CEO de Kuzzle, éditeur français de plateforme IoT open-source, qui participe au consortium pour le projet de La Rochelle.

Cet engouement est aussi porté par la loi, qui depuis janvier 2020 oblige à mesurer le taux de CO2 des établissements du secondaire et des lieux publics pour qu'il ne soit pas supérieur à 600 ppm dans les espaces sans masque, et à 800 ppm dans les lieux où le masque est obligatoire. "En mettant en place ce relevé, les collectivités se rendent compte qu'elles peuvent aller plus loin", assure Marc Attia, en soulignant l'intérêt des solutions IoT en hiver, quand le temps d'aération est généralement réduit : "L'air intérieur peut en effet s'avérer 5 à 10 fois plus pollué que l'air extérieur alors que les Français passent en moyenne 85% de leur temps dans un endroit clos", selon l'Observatoire de la qualité de l'air. Adeunis prévoit de commercialiser plus de 50 000 capteurs de mesure de la qualité de l'air d'ici à 2023, année où la législation contraindra à mesurer la qualité de l'air dans les établissements du supérieur.

"De plus en plus de projets basculent du concept à l'implémentation avec des budgets dédiés"

Les collectivités s'intéressent d'autant plus à ces capteurs que la technologie est accessible. "Il n'y a pas de barrière budgétaire au déploiement pour les collectivités, le coût du capteur est faible et les réseaux IoT publics sont déployés en France, on observe donc de plus en plus de projets qui basculent du concept à l'implémentation avec des budgets dédiés", assure Marc Pegulu, vice-président IoT Strategy and Products chez le fabricant de semi-conducteurs Semtech, qui a vu les villes d'Asie comme Séoul s'y intéresser avant que le mouvement ne s'installe en Europe. A titre d'exemple, Cozy Air, qui a accompagné en septembre dernier la ville de Maromme en Seine Maritime, commercialise son capteur connecté de mesure de la qualité de l'air pour le tertiaire à 15 euros par mois.

Cela fait plusieurs années que le sujet de la qualité de l'air est abordé, mais les collectivités s'en sont d'abord emparées pour des usages outdoor, avec la mesure de la pollution dans les cas de congestion du trafic automobile. Grenoble, par exemple, s'est doté d'un système avec une dizaine de stations de mesure de la qualité de l'air. "Les mesures effectuées il y a quelques années donnaient un résultat à l'échelle macro. La crise sanitaire a été un révélateur montrant que réduire l'activité automobile a un réel impact. Et les nouvelles solutions sur le marché permettent d'avoir des mesures rue par rue en temps réel. Avec tous ces facteurs, les sollicitations sont en hausse", analyse Marc Attia, cofondateur et CMO chez eLichens, qui a commercialisé ses solutions auprès de 350 villes dans le monde, dont Bordeaux, Poitiers ou Limoges. Dernier exemple avec Toulouse, qui prévoit d'installer d'ici début 2022 les caméras hyperspectrales de la start-up Waltr pour mesurer la pollution de l'air à l'échelle de la rue sur quatre ans.

"Les utilisateurs sous-estiment l'impact de la qualité de l'air et du bruit sur la santé"

Pour l'entreprise lyonnaise Meersens, qui développe des solutions d'intelligence environnementale, l'IoT a l'avantage de faire prendre conscience de l'impact de l'environnement sur la santé. "Les capteurs peuvent mesurer à la fois la qualité de l'eau, de l'air, le pollen dans l'air, les polluants, le bruit… Les utilisateurs sous-estiment l'impact de la qualité de l'air et du bruit sur la santé. Par exemple, une exposition à un bruit supérieur à 60 décibels toute une journée induit de la fatigue, une perte de concentration et à long-terme à une augmentation du stress qui peut conduire à de l'hypertension. Les données IoT permettent de sensibiliser à cette influence", souligne Émilie Calabre, ingénieure biotech chez Meersens. "Quand on tousse ou que l'on se mouche à l'extérieur, c'est souvent lié à la qualité de l'air que l'on respire. Celle-ci est responsable de maladies chroniques comme l'asthme. La mesure par IoT permet de rendre visible cela", confirme Flavien Hello, cofondateur et CEO de R-PUR, qui commercialise au grand public un masque connecté.

La prochaine étape pour Marc Attia est de combiner les usages indoor et outdoor pour mener les capteurs IoT à prendre les actions appropriées. "Quand l'air extérieur est estimé sain, le capteur peut déclencher une aération. Dans le cas contraire, il doit activer la climatisation pour recycler l'air." Le challenge demeure toutefois lié à l'approvisionnement (lire notre article Privés de composants, les acteurs de l'IoT français se réinventent). La pénurie de composants risque de mettre à mal certains projets si la production des capteurs "n'a pas été anticipée", prévient Marc Attia, qui a déjà préparé 60 000 capteurs pour les projets à venir.