Antoine Maisonneuve (OBS) "Orange vise des déploiements nationaux pour son projet blockchain"

La fin d'un projet pilote en Pologne permet à OBS d'étudier comment associer à grande échelle la technologie IoT à une blockchain. Entretien avec son responsable du programme.

Antoine Maisonneuve, responsable du programme Blockchain d’Orange Business Services. © OBS

JDN. Vous terminez le pilote de votre projet de carte SIM blockchain IoT en Pologne. Pouvez-vous en rappeler le concept, ses résultats et son intérêt ?

Antoine Maisonneuve. L'objectif du projet est d'utiliser la blockchain pour authentifier des personnes via leur objet connecté et de leur autoriser des accès avec des clés virtuelles. L'usage le plus pertinent est, dans la smart city, l'ouverture à distance de portes d'immeubles ou de parkings pour accéder à des zones sécurisées – comme des aéroports – en utilisant une authentification par la carte SIM. Par exemple, des véhicules de secours pourront intervenir plus rapidement à l'aide de cette carte SIM, qui ouvrira les barrières de sécurité au moment où ils approcheront.

Dans le mécanisme, on ne va pas seulement vérifier la clé ouvrant la porte, mais aussi l'identité de la personne, si elle a les bonnes autorisations, etc. La rencontre du directeur de l'Orange Lab en Pologne avec le fondateur de la start-up Smartkey a mené au lancement du pilote dans ce pays en avril 2021. Le projet prévoit un déploiement de deux millions de cartes SIM à travers 80 villes. Les résultats du pilote sont pour l'heure très concluants, nous étudions désormais comment coupler cette expérimentation avec nos offres IoT, en France et en Europe.

Qu'est-ce qui vous a poussé à travailler sur ce sujet ?

Nous explorons avec des start-up en innovation et recherche différents projets autour de la blockchain depuis quatre à cinq ans. Avec un but : trouver où OBS peut se positionner sur la blockchain et où cela fait sens pour nos clients. La blockchain représente un réseau d'échange de preuves. Couplée à de l'IoT, elle permet d'identifier les objets connectés de façon sécurisée, de résoudre les problématiques d'accès à ces objets et de certifier que les données transmises proviennent bien de l'objet en question.

Peu de projets ont encore été développés. Quelles sont les difficultés qui l'expliquent ?

Quand on recourt à la blockchain, il faut stocker les clés privées d'accès à la blockchain qui identifie son compte. Pour les personnes physiques, on peut le faire avec un dongle. Quand on parle d'objets connectés, il faut travailler sur la notion d'identité des objets. Il est très important de développer ce concept dans le futur car aujourd'hui, c'est très compliqué de leur donner une importance légale. Dans tout projet blockchain, on a besoin d'identifier et de rattacher un objet à une personne morale qui a une identité sur la blockchain pour s'inscrire dans un cadre de transactions entre deux personnes morales. Orange associe un objet connecté à son porteur et utilise une carte SIM et un secure element pour stocker ces clés privées d'accès afin d'authentifier les objets.

Avez-vous dû faire face à d'autres challenges ?

L'enjeu est de bien choisir le réseau blockchain que l'on utilise. Celles créées pour gérer les cryptomonnaies comme le Bitcoin ou l'Ether sont mises en avant. Cela masque la diversité des autres blockchains. Orange vise avec ce projet des déploiements nationaux, il nous faut donc une blockchain nationale, conçues avec des partenariats public-privé pour être capable de manipuler de vraies identités de personnes morales reconnues légalement. Les Espagnols et les Allemands ont leur blockchain nationale. A l'international, huit blockchains nationales sont en cours de déploiement. En France, nous commençons juste à travailler avec une vingtaine d'industriels sur un projet capable d'interconnecter des centaines d'entreprises et d'administration pour s'échanger des informations, dont des preuves d'identité. Il nous faut ces réseaux en place pour déployer des offres IoT. Cela va prendre encore du temps mais à partir de là, on pourra envisager des projets à grande échelle en France. Nous travaillons en parallèle sur la future blockchain européenne, l'EBSI (European Blockchain System Infrastructure, ndlr) capable de s'interconnecter avec les blockchains nationales déployées dans les années à venir.

Quels sont les éléments indispensables à la mise en place d'un projet de blockchain IoT ?

Il faut une carte SIM dédiée pour communiquer en temps réel. Celle-ci doit contenir un secure element physique et non logiciel, permettant de stocker les clés d'accès à la blockchain associées à l'identité de l'objet et de son propriétaire. La carte SIM développée par Orange fonctionne sur tous les réseaux IoT cellulaires et LoRa. Elle ne coûte que quelques euros de plus qu'une carte SIM traditionnelle. Il faut ensuite que l'IoT soit capable d'interagir avec la blockchain, cela suppose des développements sur la plateforme IoT. Pour le moment, seuls des travaux ont été menés par Orange en recherche, ces modifications ne sont pas encore en production sur notre plateforme LiveObjects mais font partie de nos futures roadmaps. A la GSMA, il y a des ateliers de certification travaillant sur l'implémentation de ces fonctionnalités sur les cartes eSIM.

Au-delà de l'expérimentation en Pologne, avez-vous d'autres projets en cours ?

Nous travaillons en France avec des acteurs du transport pour déterminer si on peut déployer des objets connectés sur notre plateforme IoT LiveObjects en blockchain. De même, les industriels de l'énergie ont besoin de donner accès à des sous-traitants à une éolienne ou à un chantier de déploiement de la fibre par exemple. Or, ils rencontrent souvent des problèmes de casse dans les armoires de raccordement. La blockchain couplée à l'IoT permettrait de n'envoyer une clé virtuelle qu'à la personne qui doit intervenir et de tracer son intervention. Cela induit une notion de responsabilité sur qui est intervenu dans le bâtiment. Dernier exemple, nous étudions un projet dans l'agriculture dont le but est de gérer le flux de données des équipements connectés et de leur donner un titre de propriété.

Qu'en est-il des applications grand public ?

Nous en avons étudié la faisabilité mais cela demanderait de renouveler tout le parc de carte SIM. Les usages actuels ne justifient pas un déploiement massif auprès du grand public. Les usages développés demeurent pour le moment axés sur le BtoB.

Ingénieur, avec une carrière débutée dans la digitalisation puis l'intrapreneuriat, Antoine Maisonneuve est depuis 2 ans en charge d'identifier et de développer les usages pertinents de la blockchain pour les clients d'OBS, notamment les sujets identité, supply chain, IOT et micro-contractualisation.