Olivier Beaujard (Alliance LoRa) "Les membres de l'Alliance LoRa publieront des tutoriaux pour migrer du réseau d'Objenious à Orange"

Malgré l'arrêt du réseau LoRaWAN d'Objenious en France, l'adoption de la technologie est en croissance, selon l'Alliance LoRa, qui rappelle qu'il y a plusieurs solutions réseaux en France et annonce des innovations dans la smart home et l'interopérabilité.

Olivier Beaujard, membre du conseil d'administration de l'Alliance LoRa et directeur de l'écosystème LoRa chez Semtech. © Alexandre Nicoli / Alliance LoRa

JDN. La marque IoT de Bouygues Telecom, Objenious, a annoncé l'arrêt de son réseau LoRaWAN en décembre 2024 en France. Quelle est votre réaction ?

Olivier Beaujard. Objenious a annoncé miser sur les technologies cellulaires, l'Alliance LoRa n'intervient pas dans les choix commerciaux de ses membres. Par contre, elle doit assurer l'adoption de LoRaWAN, ce qui implique de détailler la disponibilité des réseaux. L'annonce a suscité des demandes de la part des clients quant aux solutions de migration sur un autre réseau LoRaWAN. En France, nous avons la chance d'avoir deux réseaux publics de taille équivalente sur le marché français avec Orange, qui va représenter une alternative. D'autres acteurs vont aussi mettre en avant les réseaux privés, qui font de larges volumes en LoRaWAN au niveau mondial. Cette diversité laisse un choix important et nécessaire aux clients en ce qui concerne leur modèle de business. Par ailleurs, cet arrêt ne va pas avoir d'impact au niveau mondial : Objenious ne représente qu'environ 5% des volumes mondiaux en LoRaWAN public et LoRa demeure en forte croissance. 2021 a été l'année où l'adoption de LoRaWAN a été la plus forte au niveau mondial. Pour rappel, l'Alliance LoRa compte 166 opérateurs dans le monde, dont une trentaine de nouveaux qui nous ont rejoint en 2021. En France, plus de 3,5 millions d'objets sont connectés en LoRa (lire notre interview "Plus de 3 millions d'actifs sont connectés ou en cours de déploiement en LoRaWAN en France").               

Quels conseils donnez-vous aux clients ?

Certains clients peuvent être mécontents car tout changement subi demande des efforts. Passer au NB-IoT nécessiterait de changer de composants radio dans les objets et de redesigner la carte électronique. Cela a un coût. De même, l'option de basculer sur un réseau privé demande un investissement pour acquérir et mettre en place les gateway, sachant qu'elles sont commercialisées entre 500 euros et 1 000 euros à l'unité selon les versions. Le plus simple est de rester sur un réseau LoRaWAN en changeant d'opérateur car il n'y a rien à changer au niveau hardware. La seule chose à faire sera une mise à jour logicielle pour reprogrammer les clés de sécurité permettant de s'authentifier sur le réseau. Il faudra ensuite effectuer des tests d'authentification mais cela reste simple. Des acteurs de l'écosystème LoRa vont publier des documents et des tutoriaux détaillant comment procéder pour passer d'un réseau LoRaWAN public à un autre d'un point de vue technique.

Quelle est la situation de LoRa dans le monde ?

"LoRa connecte déjà 225 millions d'objets dans le monde."

LoRa connecte déjà 225 millions d'objets dans le monde. Outre les réseaux publics et privés, on assiste à une croissance des réseaux communautaires. Helium ne cesse de se développer, plus de 635 000 hotspots commercialisés lui permettent de couvrir 150 pays. La reconnaissance du protocole LoRaWAN en décembre 2021 comme standard par l'International Telecommunication Union (ITU-T) nous ouvre des opportunités de marché ainsi que l'accès à de nouveaux appels d'offres. Cela a été le cas notamment en Inde. LoRa prédomine dans quatre grands secteurs : l'énergie – nous avons ajouté le protocole DLMS sur LoRaWAN pour adresser les compteurs d'électricité, en plus de l'eau et du gaz – la smart city, le smart building et l'agriculture. Nous allons par ailleurs développer des fonctionnalités, qui seront annoncées en juillet lors du LoRaWAN World Expo les 6 et 7 juillet prochain, où nous attendons plus de 2 000 participants, pour ouvrir LoRa à de nouveaux marchés.

Pouvez-vous nous en dire plus ?

"La smart home sera un nouveau segment de marché pour LoRaWAN."

La smart home sera un nouveau segment de marché pour LoRaWAN. La technologie a déjà commencé à se développer dans ce domaine avec Helium ou Sidewalk. Notre objectif est de permettre les usages entre la maison, sa cour et le quartier pour des applications indoor / outdoor. Nous allons développer des fonctionnalités pour améliorer la performance du protocole, un aspect essentiel pour certains usages, par exemple les capteurs incendie. Dans le domaine de la maison connectée, l'alliance autour de Matter semble incontournable mais il est encore trop tôt pour en dévoiler davantage.

Quel est selon vous l'avenir pour assurer la pérennité des produits connectés ?

La multiconnectivité et l'interopérabilité sont clé pour les technologies. L'entreprise française de traceurs GPS Invoxia notamment propose une solution bimode capable d'utiliser un réseau LoRa ou Sigfox. Autre exemple : Murata, AcSip et Nemeus proposent des modules qui prennent en charge à la fois Sigfox et LoRaWAN. Ces solutions multimodes sont cruciales, c'est dans cette voie que l'on doit se développer. Pour soutenir cette approche, de nombreux opérateurs publics peuvent prendre en charge les déploiements multi-RAN, offrant ainsi plusieurs options de connectivité aux utilisateurs finaux. Les approches multimodes offrent aux utilisateurs un choix sur le long terme et une voie permettant encore plus de cas d'utilisation de l'IoT grâce aux possibilités de la double technologie. Elles garantissent également le retour sur investissement et la viabilité à long terme des choix technologiques sans besoin de modifier ou de remplacer les systèmes existants.

Olivier Beaujard est membre du conseil d'administration et président du groupe de travail sur la réglementation l'Alliance LoRa. En parallèle, il est directeur de l'écosystème LoRa chez Semtech depuis 2017. Avant cela, il a passé 18 ans dans l'industrie du M2M et de l'IoT. Il a occupé plusieurs postes de développement commercial chez Sierra Wireless. Olivier Beaujard a également travaillé dans l'industrie des cartes à puce pour Gemalto où il était responsable de la normalisation GSM à l'ETSI.