L'IoT, outil essentiel pour se conformer au décret tertiaire

L'IoT, outil essentiel pour se conformer au décret tertiaire Les gestionnaires de bâtiments tertiaires de surface supérieure ou égale à 1 000 m² doivent déclarer leurs consommations énergétiques avant le 30 septembre 2022. Une tâche pour laquelle la technologie a fait ses preuves.

Une commune du Val d'Oise a lancé un appel d'offres entre février et mars 2022 pour gérer les consommations énergétiques de ses bâtiments répartis sur 28 sites et répondre ainsi aux exigences du décret tertiaire. Trop peu de collectivités ont fait de même, selon les acteurs interrogés. "Il y a plusieurs initiatives en France mais cela reste une minorité", s'alarme Frédéric Nouchi, président et cofondateur du bureau d'étude français Alyzeos qui a participé à l'appel d'offres. Car il y a urgence : la date butoir indiquée dans le décret tertiaire fixe la date du 30 septembre 2022 pour l'enregistrement des bâtiments et leurs consommations.

Pour Birdz, il est essentiel de pouvoir collecter les données énergétiques de façon automatisée et régulière sans avoir besoin de se connecter à différents sites fournisseurs. © Birdz

Pour rappel, ce décret prévoit, pour tout gestionnaire de bâtiments tertiaires de surface plancher supérieure ou égale à 1 000 m², de déclarer ses consommations de 2020 et 2021 et d'établir, sur la période allant de 2010 à 2019, une année de référence (celle avec les plus grosses consommations, indépendamment de l'impact des conditions météorologiques, ndlr) avec un objectif : la réduction des consommations d'énergie de 40% avant fin 2030, 50% avant fin 2040 et 60% avant fin 2050 en valeur relative ou selon un seuil à ne pas dépasser en valeur absolue. Avec ces mesures, le bâti ancien doit se rapprocher des consommations du neuf, qui répond à de nouvelles normes. "Beaucoup n'ont pas commencé à mesurer leurs consommations. Réaliser cette tâche, de l'audit à la mise en œuvre d'un plan d'action, prend plusieurs mois. C'est donc maintenant qu'il faut commencer", affirme Frédéric Nouchi, qui rappelle que seuls 6% des bâtiments en France sont connectés.

Dans le cadre du décret tertiaire, la première action à mener par les gestionnaires de bâtiment est donc de déclarer leurs consommations d'énergie. Pour cela, ils vont devoir compiler toutes leurs factures, car "peu de bâtiments étaient dotés de compteurs communicants dès 2010", souligne Xavier Devaux, membre de l'association SBA (Smart Buildings Alliance) et référent smart building, avant d'ajouter : "Il leur faudra également prendre en compte les événements qui ont pu avoir un impact. Par exemple, l'AccorHotels Arena de Bercy a organisé en 2016 une compétition de planche à voile pour laquelle 30 ventilateurs ont simulé les vents sur la piscine artificielle. L'usage et les consommations sont dépendants."

L'IoT pour la prise de décision

Pour gérer ces reporting, les gestionnaires recherchent avant tout des tableaux de bord. "Avec l'IoT, les grands groupes comme Microsoft, IBM ou Legrand entrent en concurrence avec les cabinets de conseil", observe Arthur Minckes, business development manager chez le distributeur Tech Data. "Pour éviter les relevés manuels et gagner en fiabilité et qualité des données sur le long-terme, l'IoT est indispensable", met en avant Thibault de Dinechin, business developer énergie et environnement chez Birdz, filiale IoT de Veolia, en rappelant les atouts des compteurs d'eau, de gaz et d'électricité communicants (lire la tribune de Thibault de Dinechin Décret Tertiaire : comment répondre à un ambitieux enjeu écologique et économique ?). "Avoir le détail des consommations permet d'identifier les pertes et les postes de fortes consommation pour les réduire", souligne Frédéric Nouchi, chez Alyzeos.           

Une fois les consommations déclarées et l'année de référence définie, les gestionnaires vont en effet devoir agir pour parvenir, dès 2030, à une réduction de 40%. Des usages devront être ciblés. "Dans ce cas-là, les capteurs de type actionneur vont révéler toute leur utilité, par exemple pour adapter le chauffage dans une pièce uniquement si elle est occupée", déclare Bruno Hamamlian, directeur de la BU Data For Business chez Birdz. Les capteurs de température et de présence font partie des produits phares.

"De nombreux quais d'entrepôts demeurent ouverts toute la journée, sans variateur, alors que le site est chauffé."

Pour Raphaël Autale, PDG de la société d'ingénierie française Tekin, l'IoT va "servir à démontrer l'utilité d'une action à mener" et fera réfléchir les utilisateurs finaux sur la nécessité de chauffer un lieu ou pas : "De nombreux quais d'entrepôts demeurent ouverts toute la journée, sans variateur, alors que le site est chauffé." Cela a été par exemple le cas au sein de l'usine aéronautique de Revima, qui a déployé un projet IoT (lire notre article L'usine aéronautique normande de Revima se modernise par l'IoT). Pour Bruno Hamamlian, c'est la corrélation de la température avec un ressenti de confort qui va renforcer l'adoption des mesures d'optimisation énergétique.

Concernant les mesures à prendre, deux types d'asset seront impactés : le matériel passif (comme l'installation de double-vitrage) et le matériel actif. "Il n'est pas nécessaire de connecter le matériel passif, c'est dans le matériel actif que l'IoT a une carte à jouer", reconnaît Xavier Devaux, à la SBA. Un avis partagé par Anthony Pinet, PDG de la start-up Wise Building : "Tout équiper en IoT dans l'ancien reviendrait trop cher, il faut faire un mix selon les usages les plus pertinents entre de l'IoT et des systèmes à déclenchement manuel pour limiter les investissements tout en réduisant les consommations."

"Le décret a déjà été reporté une fois par l'Ademe"

Si le mouvement semble enclenché, les acteurs interrogés doutent que les gestionnaires soient tous prêts à la date butoir du 30 septembre 2022. En cas d'objectif non atteint, des sanctions seront appliquées par l'Etat : une amende administrative égale à 1 500 euros pour les personnes physiques et à 7 500 euros pour les personnes morales, ainsi que la publication sur un site des services de l'Etat de la mise en demeure", rappelle sur son site la société française Smart Watteo, spécialisée dans l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments.

"Le décret a déjà été reporté une fois par l'Ademe (qui est passée du 30 septembre 2021 au 30 septembre 2022, ndlr) car aucun acteur n'aurait été prêt. La situation n'évoluera peut-être pas car les usagers veulent conserver leur niveau de confort et tout le matériel n'est pas connecté", relate Xavier Devaux, craignant que beaucoup soient ceux qui invoquent la clause de ROI prévu par le décret tertiaire : si les mesures permettant d'atteindre les 40% de réduction des consommations d'énergie ne sont pas viables, c'est-à-dire qu'elles ont un ROI supérieur à six ans, le gestionnaire pourra demander une dérogation. "Il faut identifier les freins au plus vite pour que les gestionnaires s'engagent dans la démarche. Ces derniers peuvent être découragés car, malgré les efforts actuels, la production de CO2 ne diminue pas, mais en s'entourant des personnes qui connaissent le sujet, on est capable d'y arriver", conclut-il.