Un tribunal reconnait la validité de la marque "Blind Test" pour un jeu musical. Au risque d'interdire l'usage de ce terme ?
Le Tribunal de Grande Instance de PARIS a reconnu en date du 27 janvier 2012 la validité de la marque "BLIND TEST" pour un jeu musical. Quelles sont les conséquences pour les entreprises qui utilisent ce terme dans leur raison sociale ?
Dans un jugement en
date du 27 janvier 2012, le Tribunal de Grande Instance de Paris a validé les marques
françaises et européenne Blind Test
exploitées, entre autres, pour la commercialisation d’une boite de jeu dont le
principe consiste à répondre à des questions posées à partir de l’écoute
d’extraits sonores.
L’affaire opposait le
titulaire de la marque à une société dont l’activité est de proposer des jeux
interactifs sur internet, à savoir un jeu de quizz musical multi joueurs
intitulé Blind Test.
Compte tenu du nombre
de sites proposant des « blind tests » sur internet, d’aucuns
pourraient penser qu’une telle marque ne répond pas à la condition imposée
par l’article L711-2 du code de la propriété intellectuelle, à savoir être
distinctive.
A tout le moins, compte
tenu de l’utilisation exponentielle du mot « blind test » dans les
années 2000, un examen des dispositions de l’article L714-6 du même code était
également nécessaire, pour déterminer si la marque est devenue usuelle pour
désigner un jeu de quizz musical.
Une appréciation classique du caractère distinctif
Dans un premier temps,
le Tribunal a rappelé que l’appréciation du caractère distinctif d’une marque
ou bien sa dégénérescence - le fait qu’une marque soit tombée dans le langage courant
- « s’effectue au regard des produits et services qu’elle désigne ».
En l’espèce, le
Tribunal a considéré d’une part, que la marque Blind Test est nécessairement distinctive pour des produits
tels que les logiciels de jeu ou des services comme l’organisation de jeux en
ligne. D’autre part, les magistrats ont constaté que « l’expression BLIND TEST n’est pas
exclusivement réservée aux seuls quizz musicaux, […] elle sert à désigner en
réalité toute sorte de jeux tels que des quizz cinématographiques, des essais
de produits marketings ou encore des tests œnologiques et gustatifs ».
Par ailleurs, les juges
ont souligné « que le fait que l’expression
BLIND TEST soit fréquemment suivie d’une explication de sa traduction – à savoir
« jeu musical » ou « quizz musical »- témoigne de ce
qu’elle n’est pas naturellement comprise et nécessairement associée à ce jeu de
devinette d’extraits musicaux par le public français ».
Il résulte de ce qui
précède que « la dénomination BLIND
TEST ne constitue nullement la désignation nécessaire de tels produits et
services ».
Dans un deuxième temps,
le Tribunal a relevé la similarité entre le signe utilisé par le site internet
litigieux et la marque déposée ainsi que l’identité des produits pour lesquels
ils sont exploités. En conséquence, le Tribunal a jugé que les actes de
contrefaçon par imitation de la marque Blind
Test étaient avérés et à condamné le site internet au paiement de
dommages-intérêts.
Les difficultés probatoires en
droit des marques
Le jugement du 27
janvier 2012 met en exergue la difficulté qui consiste à démontrer l’absence du
caractère distinctif d’une marque ou, de la même manière, sa dégénérescence.
Dans la première
hypothèse, il est indispensable de prouver qu’au jour du dépôt de la marque, celle-ci était la désignation
usuelle pour désigner le produit ou service couvert par le dépôt.
Dans la seconde, il faut
non seulement faire la démonstration de ce que la marque est devenue le terme usuel
pour désigner, dans le commerce, le service ou le produit concerné, mais
également apporter la preuve de la passivité du titulaire face à la dégénérescence de son
titre.
La meilleure défense d’une marque,
c’est l’attaque
En l’espèce, les juges
n’ont pas été convaincus du fait que BLIND TEST soit devenu la désignation nécessaire
pour un quizz musical. Néanmoins, on entrevoit ici le risque auquel s’expose le
titulaire d’une marque dont le signe est repris de manière systématique par le
public.
A ce titre, les marques
« PINA COLADA »[1],
« FOODING »[2] ou
« TEXTO »[3]
se sont vu annulées par le juge du fait de leur appropriation par les
consommateurs, et ce quelques mois seulement après avoir été enregistrées.
Pour se prémunir de la
banalisation de leur signe, les titulaires doivent défendre leurs titres par le
biais de campagnes d’information, de mises en demeure et d’actions judiciaires en
contrefaçon. Ainsi, les marques « Scotch »
et « Kärcher », pourtant
couramment utilisées pour désigner du ruban adhésif ou un appareil à eau sous
pression, ont échappé à l’annulation.
Il est ainsi
intéressant de noter que la popularité d’une marque, habituellement signe de
prospérité pour une entreprise, peut devenir si elle n’est pas maîtrisée,
l’origine de sa disparition.
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