Communautés de savoir virtuelles : quel apport ?

Internet a vu apparaître depuis la fin des années 90 les communautés virtuelles d'intérêt où des individus partagent des informations variées. Les entreprises n'ont pas attendu le Web2.0 pour voir émerger de nouvelles formes de partage : les communautés de savoir.

Très vite le développement des Intranets et de nouvelles plate-formes Internet par le Web 2.0 a permis aux collaborateurs d'avoir de nouveaux espaces virtuels de partage de connaissances, de bonnes pratiques ou de retours d'expériences... Ceux-ci ont fait naître au sein d'entreprises des communautés de savoir virtuelles, nouvelle forme d'interrelation interne à la firme.

De nombreuses grandes entreprises ou organisations publiques ont compris qu'elles devaient favoriser de nouvelles structures de circulation et de création de connaissances : BP en Angleterre, Bell Telecom au Canada, Suez en Europe, le Conseil de l'Europe, la plate-forme française de la DGME , le Département Knowledge Management de l'école militaire Westpoint aux Etats-Unis... Ces nouvelles structures viennent compléter les approches traditionnelles de l'organisation : les approches verticales (en silos) et divisionnelles et les approches transversales en mode projet... Elles entrent sous la terminologie des communautés de savoir développées depuis la fin des années 80 aux Etats-Unis par Etienne Wenger (www.ewenger.com) et par Cohendet, Dupouët et Créplet en France depuis la fin des années 90...

Les communautés de savoir virtuelles - définition
Qu'entend-t-on par communauté de savoir ? Quelle est l'influence du virtuel ? Les TIC ont été et sont des leviers pour de nouvelles interrelations où information et connaissance sont échangées. Ces interrelations sont synonymes de transversalité et de pluridisciplinarité dans les organisations. Elles sont synonymes d'interactions sur Internet mais pas uniquement. On peut en effet en voir se développer sur des Intranets et sur des Extranets. Les statuts, positions hiérarchiques et appartenance peuvent être placés au second plan même s'ils conservent leurs influences. La confiance et l'autonomie forment les pré-requis à toute participation à ces nouveaux espaces, réelles communautés virtuelles. Toutes ne sont pas des communautés de savoir. Leur objet et leur produit doivent être liés à la connaissance.

Les typologies de communautés de savoir virtuelles internes aux organisations
On peut distinguer trois catégories de communautés de savoir virtuelles. Chacune d'entre elles repose sur des technologies prenant la forme de plate-formes collaboratives.

La première forme relève de communautés projets. Ce sont des équipes projet. Elles s'inscrivent dans l'atteinte d'un objectif, d'une cible, pendant une durée donnée, la durée du projet. La deuxième forme relève de communautés métiers. Les membres sur un espace virtuel ont en commun un métier, une spécialisation. On cite souvent l'exemple des communautés métiers des assistantes de direction, des correspondants informatiques, etc., dans les plus grandes des organisations. Enfin, la troisième forme représente des communautés thématiques. Elles rassemblent des individus partageant des bonnes pratiques, des idées, etc., sur une thématique donnée, une discipline.

L'engagement individuel des membres dans une communauté de savoir virtuelle
La première des caractéristiques relève de la participation et de l'engagement de l'individu dans la communauté de savoir virtuelle. Par définition, une communauté n'a pas de durée de vie, et encore moins de projet unique à atteindre. Dans cette optique, elle possède un rythme qui lui est propre où la coordination et la sollicitation sont par nature informelles et sont exercées sans aucune pression hiérarchique. Ainsi, la participation de l'individu - de manière accrue dans un environnement virtuel - nécessite un engagement certain. En effet, l'individu - contrairement à une communauté inscrite dans un lieu physique - doit de lui-même se signaler à la communauté. Certes, il existe, au travers des systèmes de messagerie, des possibilités de tenir informé le membre et de lui signaler des nouveautés, néanmoins, seule sa bonne volonté et son engagement signifient sa participation.

La participation régulière et de qualité (au sens où l'individu participe à l'enrichissement cognitif de la communauté) de l'individu lui confère une réputation aussi bien au sein de la communauté qu'à sa périphérie. Par ailleurs, les systèmes de traçabilité assurent un suivi de ses présences auquel la totalité des membres peut avoir accès.
 
Description des usages internes à une communauté de savoir virtuelle
L'une des premières propriétés que suppose le fonctionnement d'une communauté de savoir virtuelle relève de son identité. Au-delà des connaissances organisationnelles que la communauté produit, les membres peuvent faire émerger une identité qui est avant tout synonyme d'un partage collectif de valeurs. L'identité de la communauté se construit progressivement - même si cette dernière demeure virtuelle - et crée un sentiment d'appartenance.

Une autre caractéristique de fonctionnement des communautés de savoir virtuelles relève des modalités de recrutement et des règles de fonctionnement internes. Alors que l'environnement est virtuel - à distance - de tels usages se créent entre les membres actifs. Ces usages concernent non seulement l'adhésion comme l'exclusion ou encore les modalités de partage et de validation des connaissances produites. De telles règles se construisent à l'origine de la communauté entre les membres fondateurs et/ou actifs, et existent, en évoluant éventuellement, tout au long de son cycle de vie. Quelle est la nature de ces règles ? Certaines communautés de savoir virtuelles affichent des règles éthiques de fonctionnement. D'autres sont le fruit d'usages implicites complexes. Dans le cadre d'Intranet, la firme peut encore exiger l'adhésion à une charte.
 
En parallèle à ces usages internes de fonctionnement à la communauté, d'autres usages s'instaurent comme les modalités d'animation ou de reconnaissance. Elles sont par nature fortement dépendantes du contexte et de l'historique des membres.
 
Ainsi, dans certaines configurations, le non respect et/ou l'existence de comportements contraires aux usages et coutumes de la communauté engendrent des rejets, voire des schismes communautaires. Ces événements se produisent encore lorsqu'il est question de la diffusion du produit de la communauté. Dans un environnement Internet, un tel produit peut très vite devenir un bien public si la communauté ne possède pas d'espaces privatifs. Les interrogations peuvent générer des désaccords internes, même si l'on considère que la publication du produit concourt à la réputation de la communauté de savoir et de ses membres.
 
La question du produit de la communauté renvoie à d'autres enjeux. Le premier relève de la pérennisation des connaissances explicites produites. Dans le cadre d'un Intranet, la non-définition des principes associés à l'archivage peut devenir problématique. En effet, en admettant qu'une communauté de savoir virtuelle puisse s'éteindre, quel est le devenir des éléments de connaissances produits ?

S'agissant d'Internet, les enjeux sont similaires et comprennent de plus un volet associé à la propriété intellectuelle des fertilisations croisées produites. Considère-t-on alors que toutes les connaissances explicites s'affranchissent de toutes revendications potentielles ? La communauté de savoir virtuelle ne possédant pas d'existence institutionnelle, une telle règle devient alors par nature implicite.

On est en droit naturellement de supposer qu'un ou plusieurs membres actifs puissent capter des connaissances explicites critiques. Des interrogations subsistent quant aux recours envisageables.

Enfin, la dernière caractéristique ayant des implications sur les usages d'une communauté de savoir virtuelle a trait à la taille de celle-ci. En effet, on peut présupposer que plus la taille est élevée, plus une dévalorisation de sa réputation et de ses externalités de connaissances peut voir le jour.

Conclusion
Les communautés de savoir virtuelles possèdent intrinsèquement des caractéristiques spécifiques. Celles-ci ont des implications directes sur les usages internes de la communauté. Ces mêmes usages conditionnent ensuite directement les effets induits en termes d'apprentissage et de création de connaissances organisationnelles, mais pas uniquement.

En effet, on peut voir naître d'autres effets liés. Le premier d'entre eux a trait au blocage d'une communauté. Le second concerne, quant à lui, le point fatal où une partie des membres de la communauté va fonder une autre communauté et/ou s'intégrer à une communauté de savoir virtuelle existante.

Développer au sein d'une entreprise ou une organisation publique de telles plate-formes de partage de connaissances donne de nouveaux creusets d'innovations internes. Encore faut il que le management y soit favorable et préparé ! Les frontières internes de la firme en sont largement bouleversées !