Culture et Médias dans le PLF 2014 : encéphalogramme plat

Le projet de loi de finances 2014 a sans doute été l’un des plus difficiles à établir depuis des décennies. Loin de moi la prétention de donner des leçons.

Mais s’agissant du rôle de l’État dans le secteur culturel et dans celui des médias, les orientations du Gouvernement, avec en toile de fond la « pause fiscale » présidentielle, ne préjugent pas une ambition démesurée.
Surtout si on se souvient de l’annonce un rien emphatique de l’ « Acte 2 de l’exception culturelle » et du bon travail de Pierre Lescure et de son équipe.

A lire le PLF, que doit-on retenir ?

  • Une baisse de 0.9% des moyens affectés à l’audiovisuel pour un recul général du budget de la rue de Valois de 2%. Soyons honnêtes, ce n’est pas brillant mais Aurélie Filippetti ne s’en sort pas trop mal et la France reste, quoi qu’on dise, une exception vertueuse dans le monde en matière d’efforts publics en faveur de la culture.
  • A y regarder de plus près cependant, on constate que le budget 2014 ne permet pas de prendre des mesures pourtant souhaitables.
Certes la dotation de France Télévisions est quasiment stable à 2,5 MM€. Mais ceci cache un très inquiétant retrait de la dotation publique qui passe à 114,7 M€, en chute de - 55.2 % !
Et comme le Gouvernement refuse d’augmenter hors inflation la CAP (ex redevance) et / ou d’élargir son assiette, la menace d’une baisse des moyens de France Télévisions se précise. Alors oui le groupe audiovisuel passe à travers les gouttes mais une réforme en profondeur de son financement est abandonnée. C’est un mauvais signe. Arte subit de son côté une baisse de 1 M€. La situation de Radio France qui s’en était fort bien sortie en 2013 souffre un peu plus l’année prochaine : en baisse de 1,5 %.

Les investissements dans la création ne devraient pas trop, à ce stade, s’en ressentir. La Ministre de la Culture et de la Communication a joué son rôle. Selon le projet d’avenant au contrat d’objectifs et de moyens (COM) de France Télévisions, d’ici 2015, année fixée comme étant celle du retour à l’équilibre, la société publique subirait une diminution de l’ordre de 10 % de ses moyens. En 2013, la direction prévoit une perte de 133 M€.
Rémy Pflimlin a engagé, on le sait, une restructuration douloureuse pour ramener à un peu moins de 10 000 collaborateurs les effectifs. Dans ce contexte, les commandes d’œuvres passées à des producteurs extérieurs (fiction, documentaires, reportages, etc…) baissent certes, mais dans des proportions relativement modérées : 400 M€ par an contre 420. Et les 90 M€ environ consacrés aux documentaires ne devraient pas baisser. Mais rien n’est écrit dans le marbre à ce sujet et la vigilance s’impose.
Ces chiffres plutôt rassurants cachent cependant un immobilisme inopportun : la pause fiscale fige la réforme de la Contribution à l’audiovisuel public tant sur l’élargissement de son assiette que sur son augmentation (hors inflation). Alors que nous regardons des programmes télé sur 3, 4 ou 5 écrans différents, la CAP est toujours liée à la seule détention d’un poste de télévision. Elle devrait concerner désormais ordinateurs PC, tablettes, téléphones mobiles qui permettent tout autant de regarder les programmes audiovisuels. Le Royaume-Uni et l’Allemagne notamment ont intégré ces nouveaux terminaux à l’assiette de cette contribution.
Par ailleurs, le PLF 2014 confirme que la dotation annuelle budgétaire mise en place pour compenser l’arrêt de la publicité est d’année en année revue à la baisse.

La situation ne saurait perdurer

La CAP doit donc pouvoir à terme se substituer à cette dotation. C’est l’une des plus basses d’Europe : 184 € au Royaume Uni, 216 € en Allemagne contre 131 € en France. Dans l’attente de la réforme complète qui s’impose, une revalorisation progressive de 3 € par an, hors inflation, pendant 3 ans, est un minimum.

L’immobilisme qui prévaut porte aussi sur les taxes COSIP gérées par le CNC

Le PLF, malgré les propositions de Pierre Lescure, reste muet : les recettes de la télévision de rattrapage, celles des plateformes de vidéos gratuites sur Internet et celles des téléviseurs connectés sont exclues du calcul. Les taxes qui alimentent le COSIP doivent s’adapter aux nouvelles offres audiovisuelles.
Enfin, on ne trouvera pas dans ce PLF la mise en place de la contribution sur les objets connectés. Préconisée par le rapport Lescure, cette mesure, dont on peut discuter le détail, a le mérite de poser le principe d’un partage de valeur avec des sociétés extra européennes qui, d’une manière ou d’une autre, prospèrent sur le marché des terminaux connectés grâce en grande partie à la circulation d’œuvres de création.
On le voit, le PLF 2014 est discutable moins par ce qu’il contient que par ce qu’il ne contient pas, même en germe. Attendons quand même le passage au Parlement pour en avoir confirmation.