La cyberadministration, ou comment repenser les relations entre l’administration et les usagers

Dernière étape de notre voyage au sein du e-gouvernement dans les pays émergents, l'usager remis au cœur du dispositif. Une vraie révolution.

Le développement d’une approche centrée sur l’usager est au cœur de la cyberadministration. En effet, en parallèle de la mise en œuvre d’une administration sans couture, la cyberadministration requiert de proposer des services de plus en plus personnalisés, allant du simple échange d’email entre un agent et un usager, au téléchargement de formulaires, et à la dématérialisation de bout en bout d’une procédure administrative, pour aboutir à la mise en place d’une véritable gestion de la relation usager -à l’instar de la gestion de la relation client du secteur privé. Cette évolution suppose un décentrement de l’administration. L’administration ne doit plus se considérer au centre des processus administratifs mais penser ces derniers en fonction des attentes des usagers, afin d’assurer une meilleure qualité et un égal accès aux services publics.
Se décentrer, pour l’administration, signifie de mener en amont une réflexion sur les démarches administratives, afin de supprimer les lourdeurs, redondances et contrôles non indispensables : en d’autres termes, dématérialiser suppose de simplifier. L’exemple du Maroc illustre ce lien entre simplification administrative et cyberadministration puisque les deux programmes sont menés de front. C’est aussi la démarche de la CNUCED qui propose une assistance en deux étapes aux pays qui le souhaitent :
1) la mise en place d’un site d’informations sur les démarches administratives;
2) programme de simplification administrative, prélude à la dématérialisation des procédures.

 

La qualité du cyberservice fourni par une administration qui se « décentre » va de pair avec la simplicité des services, mais aussi la transparence des procédures. La cyberadministration est facteur de bonne gouvernance et de lutte contre la fraude, les TIC permettant de limiter les interventions humaines, et donc les risques d’erreur et de corruption. C’est qui a entre autres guidé le lancement du projet de mise en place d’une base unique automatisé d’état civil au Gabon, pour remédier à une situation dans laquelle une même personne dispose de plusieurs actes de naissances « valides ».

 

La qualité du cyberservice va également de pair avec un renforcement de l’efficacité des agents, dont la condition est l’intégration par les agents d’un nouveau paradigme. Les agents doivent passer du papier au virtuel pour tendre vers le « zéro papier », passer des tâches de gestion à des activités d’accueil et de service tournées vers l’usager, et passer d’un fonctionnement en autarcie de chaque administration, à l’échange de données et la transparence.
C’est sous cet augure qu’il faut lire la feuille de route sur la mise en place d’une cyberadministration congolaise. L’un des projets phares qu’elle promeut est le lancement d’un portail de l’administration, qui comporte deux volets : un volet agent – qui vise à mettre à disposition des agents un annuaire, un intranet et une messagerie et à dispenser des formations idoines pour favoriser la montée en compétence – et un volet usagers, qui vise à mettre en ligne des sites d’information institutionnelle et un site des démarches administratives.

 

Au-delà d’un décentrement et d’une meilleure qualité de service, la cyberadministration renouvèle les relations entre l’administration et les usagers en ce qu’elle porte en elle une dimension d’égal accès aux services publics.
Ainsi, dématérialiser une procédure signifie qu’un usager de l’intérieur de pays n’aura plus à se déplacer à la capitale ou à la préfecture pour accomplir ses démarches, telles que par exemple une demande d’acte d’état civil, voire même la création d’une entreprise. A cet égard, on peut citer par exemple le cas du Congo où, dans le cadre du projet de télécentres communautaires, en cours de déploiement, il sera mis à disposition des Congolais de l’intérieur un point d’accès à internet, un accompagnement pour utiliser les TIC, et pour accéder aux services publics en ligne.

 

En conclusion, la cyberadministration n’est définitivement pas une réforme comme une autre, elle implique des changements profonds pour les administrations.
La cyberadministration, c’est une histoire de dialogue, entre l’administration et les usagers, et entre les administrations elles-mêmes ; c’est une histoire de choix pertinent, choix de solutions technologiques et choix de priorisation des investissements ; c’est aussi une histoire de temps. La cyberadministration a son momentum, qu’il appartient aux administrations des pays émergents de saisir, eu égard au potentiel de développement représenté par les TIC, et aux impératifs d’efficacité de l’administration et de qualité des services qui s’imposent à elles.

 

Chronique de Jean-Michel Huet, Partner BearingPoint, Diane de Pompignan, Manager BearingPoint, et Grégoire Cottet, consultant BearingPoint