Un règlement européen pourrait transformer le droit à l'oubli en droit à l'effacement

Un règlement européen pourrait transformer le droit à l'oubli en droit à l'effacement Un arrêt de la Cour européenne sur le droit à l'oubli numérique oblige déjà Google à déréférencer certains contenus. On devrait bientôt pouvoir demander leur effacement.

Les citoyens européens pourront probablement bientôt bénéficier d'un cadre législatif très favorable à la protection de leurs données personnelles. Une réforme, introduite début 2012 par la Commission puis amendée par le Parlement, propose de réglementer l'effacement des données sur Internet, allant un cran plus loin, donc, que le droit à l'oubli numérique instauré mi-mai par un arrêt de la Cour européenne de justice (CJUE). C'est désormais en Conseil de l'UE que les Etats membres doivent se prononcer sur ce nouveau règlement, qui pourrait entrer en vigueur en 2015.

Depuis quelques semaines, Google a commencé à déréférencer certains articles de presse, pour satisfaire les demandes d'internautes renseignées sur le formulaire de droit à l'oubli mis en place un peu plus tôt. Une réponse à l'arrêt de la CJUE, qui estime qu'un moteur de recherche doit supprimer des liens à la demande des internautes, si les données sont "non pertinentes, obsolètes ou inappropriées". Une pratique qui pose question, le géant se trouvant en position de trancher entre droit à l'information et droit à l'oubli, au grand dam des éditeurs de contenus (lire l'article Droit à l'oubli : Censurer Google est-il une atteinte à la liberté de la presse ?, du 03/07/14).

Aujourd'hui, au niveau européen, la protection des données personnelles est régie par la directive 95/46/CE. C'est en interprétant cette directive au sens large que la CJUE a obligé Google à désindéxer des résultats. La directive fixe en effet des limites à la collecte et à l'utilisation des données à caractère personnel, en plus de réclamer la création, dans chaque État membre, d'un organisme national indépendant chargé de la protection de ces données. Toutefois, ce texte vieux de 19 ans est loin d'être adapté au cadre actuel et à l'utilisation massive des données des internautes. Un manque que devrait venir combler le nouveau règlement européen sur le sujet.

Les éditeurs contraints d'effacer des contenus ?

D'autant que les amendements apportés à ce règlement par le Parlement européen vont plus loin encore que le premier jet de la Commission pour renforcer les droits des internautes et le contrôle de leurs données. Une position qui ravit les associations de consommateurs. Si la CJUE donnait le droit de demander le déréférencement de contenus, ce règlement-ci consacre un véritable "droit à l'effacement". C'est le Parlement qui a introduit cette expression, pour remplacer celle de la Commission, "droit à l'oubli numérique". "L'UFC-Que Choisir est en faveur d'un réel droit à l'effacement et non d'un simple droit à l'oubli qui reviendrait à déréférencer les liens des moteurs de recherche", assène Karine de Crescenzo, responsable des relations institutionnelles de l'association. Si le règlement passe en l'état, l'internaute devrait pouvoir réclamer auprès des éditeurs, la source primaire, la suppression de l'information incriminante. Le texte consacrera également le droit de demander le déréférencement aux moteurs de recherche.

Une fois adoptée par les Etats membres, chaque autorité nationale devra ensuite définir un cadre pour l'appliquer... Et faire la part des choses entre droit à l'effacement et à l'information. En cas de refus d'un éditeur de supprimer un contenu, l'internaute devra se tourner vers le juge, qui aura à disposition pour trancher un cadre législatif plus précis que jusqu'à présent.

Reste à savoir, aussi, si le traité de libre-échange signé avec les Etats-Unis exclura bel et bien ces questions, comme les négociateurs le laissent pour l'instant entendre. "Nous craignons que les flux de données soient inclus dans l'accord et échangés massivement outre-Atlantique.", s'inquiète Karine de Crescenzo, de l'UFC-Que Choisir.