La République des signes

Entre le temps de la Parole et celui des Actes, en politique comme en entreprise, existe un espace-temps : celui où les SIGNES assurent une transition vers les réalités de la "vraie vie".

Humeurs de campagnes…
Avec le verdict des urnes du 6 mai 2012, nous quittons donc la période des paroles sans être encore parvenus à celle des actes.
En politique comme en entreprise (voire même à certaines époques de notre vie privée), existe ainsi cet espace-temps – plus ou moins long - qui sépare la période des promesses et celle des réalisations; l'oral du concret; le rêvé du réel. C'est ce moment où les signes interviennent, comme une médiation, une étape transitoire qui assure un passage plus paisible, (aux dirigeants comme aux individus qu'ils dirigent), vers les épreuves et les désillusions inévitables de la "vraie vie".
Une voiture de fonction plus ordinaire, des cérémonies d'intronisation moins fastueuses, quelques avantages en moins voire même l'annonce d'une réduction de salaire du ou des dirigeants, vont suffire à traduire un changement d'orientation vers plus de rigueur et de modestie. A l'inverse, une refonte du logotype, une modification des titres sur l'organigramme, un déplacement dans les usines ou les filiales, suffisent à indiquer une nouvelle dynamique du management.
Loin d'un artifice destiné à repousser la prise de décision, les premiers signes deviennent ainsi indispensables à tout nouveau responsable pour créer très rapidement la "perception" du changement sans avoir à en subir les conséquences. Cette méthode apparaît d'autant plus intéressante que les coûts pour la mettre en œuvre seront sans commune mesure avec ceux qui devront être engagés ultérieurement pour la réalisation effective de certains engagements…
Ainsi, le signe est-il semblable à un panneau indicateur. Il matérialise simplement la direction mais son existence est déjà une partie du voyage. Qui, en voiture, n'a pas ressenti une bouffée de vacances lorsque, sur l'autoroute, apparaît "Marseille" ou "Espagne" ? Qui, en visite à l'hôpital, n'a pas réagit à l'approche de certains services ?
Parce qu'il peut donc être chargé d'émotions - et donc communiquant - le signe devient un "outil marketing" à maîtriser. Le choix d'un restaurant, de la voiture de fonction, de l'aménagement du bureau, du discours d'investiture, de l'attitude des premiers jours envers les collaborateurs, etc…, chaque geste devient un message qui sera analysé, interprété, décrypté, commenté par tous, dans le but de déceler l'intention cachée derrière le signe.
Ne pas contrôler soigneusement la nature et l'usage des premiers signes (souvent dans l'euphorie ou la précipitation des premiers jours) expose, par contre, à un retour de bâton, d'autant plus violent et durable que l'attention des destinataires sera concentrée sur ces seules manifestations du pouvoir, en l'absence des mesures concrètes à venir…
Dès la fin du XIXème siècle, dans ses recherches sur la linguistique, Ferdinand de Saussure avait identifié les deux faces du signe : le "signifiant" et le "signifié". 
Plus que jamais à notre époque d'hypercommunication, chacun d'entre nous se devra d'être attentif - lors de certains moments de sa vie professionnelle - à n'utiliser que les "bons signes". En fait, ces signes qui vont se révéler par leur force symbolique comme les éclaireurs, l'avant-garde du futur…