Benoit Pagotto (RTFKT/Nike) "Chez Nike, nous pouvons toujours faire tout ce que nous voulons"

A l'occasion de sa participation à NFT Paris, le cofondateur de la société de création de mode digitale RTFKT revient sur l'impact du rachat de la société par Nike et annonce au JDN une collaboration avec Ledger.

JDN. RTFKT a été racheté par Nike il y a un an à peine. Qu'est-ce que cela a changé pour le quotidien de l'entreprise ?
Avatar CloneX de Benoit Pagotto. © RTFKT

Benoit Pagotto. Nous sommes vraiment restés ultra organiques, ultra instinctifs et toujours entièrement préoccupés par ce qu'il nous plait de faire, les projets que l'on rêve de réaliser. Nous avons réussi à créer une marque, un véhicule, très agile. Nous pouvons vraiment faire tout ce que nous voulons. Récemment, on a fait des vaisseaux spatiaux. En fait, nous sommes une marque de mode conçue sur de nouveaux prismes : nous ne sommes pas obligés de réaliser uniquement des fringues et des accessoires. Nous avons fait des avatars, des appartements, là nous travaillons sur le projet Animus, où nous faisons un animal comme compagnon au lieu d'un sac à main ou d'un sac à dos. C'est ce qui nous anime et stimule. On peut tout se permettre et ça reste une marque de mode mais précurseur, du futur.  

On constate souvent une organisation très verticale chez des marques de cette taille. Vous n'éprouvez aucune restriction depuis cette intégration ?

Honnêtement, non, on arrive quand même à faire ce qu'on veut. Les process sont forcément plus longs. Il y a aussi des informations dont on dispose, par exemple en termes de régulation, plus facilement qu'une petite société isolée. On a plus de perspectives sur ce qu'il est possible de faire ou non à long terme et on anticipe davantage sur nos projets. C'est un peu plus structuré dans ce sens mais au bout du compte, c'est sûrement pour le mieux sur le long terme.

Vous aviez été très critiqué pour ce choix à cette époque. Pensez-vous que l'état d'esprit a changé aujourd'hui ?

C'est intéressant parce qu'à cette époque, si l'on a pu lire beaucoup de critiques, c'est aussi parce que nous étions encore dans un très petit milieu et qu'elles faisaient beaucoup de bruit. Il y a eu le même discours avec les boîtes qui levaient avec des VC. Nous avions nous-mêmes levé auprès d'a16z (fonds d'investissement d'Andreessen Horowitz, ndlr) à l'époque et des gens s'en plaignaient. Aujourd'hui, on a plutôt tendance à le célébrer car les gens ont compris qu'il n'y a plus autant d'argent, que nous sommes en bear market et que c'est une bonne chose d'être soutenu par un corporate ou des institutionnels.

"L'émergence de ce mouvement avec Art Blocks ou les BAYC ne se reproduira jamais"

RTFKT a fait partie des réussites entrepreneuriales Web3 très soudaines. C'est un secteur qui change vite. Quel regard portez-vous sur l'année qui s'est écoulé ?

Nous sommes dans un contexte économique mondial différent et notre petit microcosme est clairement en bear market mais c'est sans doute pour le mieux car ça ne pouvait continuer comme ça ad vitam. J'en discute souvent avec mes associés : je pense que nous sommes dans une autre phase, où l'on sort du pur Web3 car la technologie doit atteindre plus de 100 000 personnes. Mais si je me remémore nos débuts, les petits groupes Discord avec les fondateurs d'Art Blocks (site d'édition de collections NFT d'art génératif, ndlr) ou des Bored Ape Yacht Club (célèbre collection d'avatars NFT, ndlr)…Toutes ces personnes, nous les connaissons personnellement et ce mouvement-là, cette émergence de talents, ne se reproduira jamais. C'était dingue à vivre mais aujourd'hui, il faut que tout le monde pense à aller plus loin que ce milieu.

Nike Cryptokicks "Angel" © RTFKT

RTFKT a sorti plusieurs collections à l'esthétique très liée, qui constituent l'identité de la marque. Vous avez vous-mêmes beaucoup de connivences avec le jeu vidéo. Pourquoi n'avez-vous pas encore mis à profit cette propriété intellectuelle dans le gaming ?

Nous sommes en effet de gros gamers. Tout ce qu'on utilise vient d'environnements de jeu, comme Unreal. Je ne peux pas dire si l'on travaille ou non sur un jeu vidéo. Je pense qu'aujourd'hui, on n'est même pas obligé en fait d'avoir un jeu pour avoir des expériences interactives ou des systèmes de gamification - même si je n'aime pas ce terme – avec des possibilités de transfert d'items, de vente, d'évolution. On utilise donc beaucoup d'éléments des jeux vidéo mais sans forcément avoir un jeu, comme la création d'une légende et d'un univers. C'est quelque chose que l'on a beaucoup travaillé et qui va se dévoiler progressivement cette année.

Voilà des mois que le site dédié aux sorties NFT de Ledger, Market, annonce sans la moindre date une collaboration entre RTFKT et Ledger. Qu'en est-il ?

Vous verrez. Mais nous l'annonçons ce vendredi 24 février, ensemble avec Ledger, à l'occasion de la NFT Paris. Nous avons travaillé pendant des mois sur cette sortie avec Ian Rogers (directeur de l'expérience de Ledger, ndlr). 

Passé dans les rangs de la célèbre boutique de mode Colette, aujourd'hui disparue, Benoit Pagotto a évolué dans le monde de la création, du retail et du luxe durant une dizaine d'années, à Paris mais aussi à Singapour. Cet ancien étudiant des Beaux-Arts a ensuite cofondé l'entreprise londonienne de réalité virtuelle IVR Nation en 2015, avant de devenir consultant dans le gaming puis directeur marketing de la société esport FNATIC. Il cofonde RTFKT avec Steven Vasilev et Chris Le en 2020. En 2021, la société est acquise par Nike.